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Moyen Orient et Monde - Commentaire

Donald fait du « Bibi » : cocktail explosif au Moyen-Orient

En un week-end, Donald Trump a confirmé son intention de détruire en grande partie l’héritage de Barack Obama dans la région. Reuters/Jonathan Ernst

À quelques (petites) nuances près, le discours aurait pu être prononcé par Benjamin Netanyahu. La diatribe anti-iranienne, la désignation du Hamas et du Hezbollah comme groupe terroriste, l'obsession de la menace sécuritaire au détriment du respect des droits de l'homme, ou encore la distinction, quasi métaphysique, entre le clan du bien et le clan du mal constituent le cœur du discours diplomatique du Premier ministre israélien depuis plusieurs années déjà. À Riyad, Donald Trump a fait du « Bibi ». Pour le plus grand plaisir de ses hôtes, qui se sont à nouveau sentis soutenus par leur allié historique contre leur ennemi iranien, après les « terribles années » Obama.

L'ancien sénateur de l'Illinois avait choisi Le Caire pour tendre la main au monde musulman. Le milliardaire américain a préféré se rendre à Riyad, pour son premier déplacement à l'étranger, pour inviter les musulmans à coopérer davantage dans la lutte contre le terrorisme. Pas de lyrisme, pas de « mea culpa », pas de volonté de partager ou d'imposer sa culture dans le discours du locataire de la Maison-Blanche. Mais plutôt la vision, dénuée de toute complexité, d'un ploutocrate populiste conseillé par une armée de faucons. Oubliés les propos islamophobes de la campagne, les tweets dénonçant la relation américano-saoudienne, le « muslim ban », les tentations isolationnistes, le président américain a renoué en Arabie saoudite avec la tradition républicaine et a remis le Moyen-Orient au centre géopolitique des préoccupations américaines. Force est de constater qu'en cela les centaines de milliards de pétrodollars promis par les monarchies du Golfe ont bien aidé.

 

(Lire aussi : Après Riyad, Trump bat les cartes avec Netanyahu contre Téhéran)

 

En un week-end, Donald Trump a confirmé son intention de détruire en grande partie l'héritage de Barack Obama dans la région. Finie la froideur avec les alliés traditionnels saoudiens, turcs et égyptiens, finie la défiance envers les régimes autoritaires, finie la volonté de normaliser les relations avec l'Iran, finies les critiques à l'égard de la politique menée par Benjamin Netanyahu, fini le temps du dialogue des civilisations, fini même, peut-être, le relatif désengagement des Américains de la région. Dans la guerre par procuration que se livrent l'Arabie saoudite et l'Iran au Moyen-Orient, l'Amérique de Trump a clairement choisi son camp. L'Iran est désigné comme la principale source du terrorisme, et tous les efforts doivent être mis en œuvre pour l'isoler. Le « Donald » ressuscite la stratégie du « containment » contre le « diable » iranien. La puissance perse et ses milices obligées sont mises sur le même plan que les groupes jihadistes sunnites, l'État islamique et el-Qaëda, qui ont pourtant frappé à plusieurs reprises le territoire américain. Les frappes américaines de vendredi dernier contre le convoi prorégime, certainement des milices pro-Iran, à Tanf, en Syrie, doivent être comprises dans cette perspective de stopper l'expansion iranienne au Moyen-Orient. Benjamin Netanyahu et le roi Salmane s'en frottent les mains. Mais les populations de la région pourraient s'en mordre les doigts.

Donald Trump n'est pas George W. Bush. Contrairement à son ante-prédécesseur, il ne se sent pas investi de la mission divine d'exporter la démocratie au Moyen-Orient. Mais son action politique pourrait être au moins tout aussi désastreuse pour la région.

 

(Lire aussi :  Le fossé se creuse entre Téhéran, Washington et Riyad)

 

Aussi absurde que dangereux
On peut légitimement considérer que la politique iranienne participe à alimenter le terrorisme au Moyen-Orient. Les dizaines de milliers de miliciens qui se baladent entre le Liban, la Syrie et l'Irak, et dans une moindre mesure au Yémen, qui crient avec ferveur à la gloire de Ali, de Hussein et de Hassan dans leur guerre contre les islamistes sunnites, exacerbent les tensions communautaires et renforcent la propagande antichiite de leur adversaire. Ils sont les meilleurs agents-recruteurs des jihadistes qu'ils souhaitent combattre. Leur présence sur le terrain accélère le délitement des États dans lesquels ils sont envoyés et impacte profondément l'équilibre communautaire de toute la région. Mais mettre ses mouvements sur le même plan que les organisations jihadistes sunnites répond à un pur exercice de propagande. La nature, les objectifs et les menaces qu'ils impliquent, ne sont tout simplement pas les mêmes.

 

(Lire aussi : États-Unis : un fragile retour en force ? La tribune d'Antoine Courban)

 

Dans le même sens, considérer que l'Iran est la seule source du terrorisme dans la région est aussi absurde que dangereux. En quoi Téhéran est-il responsable, à titre d'exemple, de la montée en puissance des groupes jihadistes dans le Sinaï ? Faut-il également rappeler qu'avant l'intervention américaine en Irak, la présence d'el-Qaëda au Proche-Orient était faible et limitée. Montrer l'Iran du doigt sans responsabiliser les autres acteurs régionaux, Américains et Russes compris, pourrait se révéler terriblement contre-efficace pour lutter contre le terrorisme. Cela risque de renforcer les conservateurs iraniens, qui ont déjà la main sur la politique étrangère, et de marginaliser les modérés et les réformateurs alors que Hassan Rohani vient d'être réélu dès le premier tour avec presque 60 % des suffrages. Les Iraniens ont plébiscité la modération. À Riyad, dimanche, comme à Jérusalem, hier, « Abou Ivanka » leur a promis isolement et humiliation. Le « Grand Satan » a retrouvé son Eden.

 

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À quelques (petites) nuances près, le discours aurait pu être prononcé par Benjamin Netanyahu. La diatribe anti-iranienne, la désignation du Hamas et du Hezbollah comme groupe terroriste, l'obsession de la menace sécuritaire au détriment du respect des droits de l'homme, ou encore la distinction, quasi métaphysique, entre le clan du bien et le clan du mal constituent le cœur du discours...

commentaires (3)

"l'héritage de Barack Obama dans la region" Il faudrait avertir quand on sort une plaisanterie. Ca aide a en rire. Saoudiens et Iranians, les 2 faces d'une meme monnaie. Les libanais ont 2 choix: soit continuer ainsi et maintenir un equilibre, esperant eviter un conflit interne; soit opter pour la neutralite et construire un etat. La neutralite ne nous a pas reussi dans les annees 60, et l'engagement non plus dans les annees 70 et 80. Qui est pres a reconstruire la Libanite ?

SATURNE

15 h 13, le 23 mai 2017

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Commentaires (3)

  • "l'héritage de Barack Obama dans la region" Il faudrait avertir quand on sort une plaisanterie. Ca aide a en rire. Saoudiens et Iranians, les 2 faces d'une meme monnaie. Les libanais ont 2 choix: soit continuer ainsi et maintenir un equilibre, esperant eviter un conflit interne; soit opter pour la neutralite et construire un etat. La neutralite ne nous a pas reussi dans les annees 60, et l'engagement non plus dans les annees 70 et 80. Qui est pres a reconstruire la Libanite ?

    SATURNE

    15 h 13, le 23 mai 2017

  • Wow, pas mal , je ne vous savais pas aussi perspicace Mr Samrani. Avoir rappeler qu'avant l'Iran , les bacteries wahabites existaient déjà au m.o et quelles prolifèrent aussi bien au Sinaï mais encore au Nigeria en Somalie ou encore en Indonésie et en cecenie faut reconnaitre que cest de la haute voltage. Bravo.

    FRIK-A-FRAK

    11 h 03, le 23 mai 2017

  • L,EXTREMISME MONSIEUR SAMRANI ENGENDRE LE TERRORISME ! DE LA AURAIT DU COMMENCER VOTRE ARTICLE... LA HAINE QUE SE PORTENT SUNNITES ET CHIITES EN EST LA SPORE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    06 h 33, le 23 mai 2017

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