Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Reportage

À Mossoul-Est défigurée par les combats, un peu de musique et de « bonheur »

Écouter des chansons sous le joug jihadiste, c'était prendre le risque d'être « fouetté ».

Un membre des forces de l’ordre exhibe fièrement un drapeau irakien à Mossoul. Ahmad al-Rubaye/AFP

De la musique en plein Mossoul ? Un crime il y a encore peu, quand le groupe État islamique (EI) y régnait en maître. Mais les jihadistes ont été chassés des quartiers est de la cité, et Mohammad Mohsen, marchand de disques, rattrape le temps perdu.

Mohammad a installé son étal sur un trottoir bordant une rue du centre de la grande métropole du nord de l'Irak, dont la partie orientale a été reprise en janvier par les forces gouvernementales qui cherchent actuellement à en reconquérir les quartiers ouest.

Juste en face, il y a l'université, où plutôt ce qu'il en reste. Ravagé par les combats, l'établissement, un des plus réputés d'Irak avant l'occupation de Mossoul par l'EI en 2014, n'est plus qu'un champ de ruines. Disposés les uns sur les autres sur une table, les CD sont vendus enveloppés dans des pochettes en plastique. La plupart sont des albums d'artistes irakiens, où les connaisseurs trouveront des compilations de Majed al-Mouhandis, alias « la voix de diamant », chanteur à succès dans le monde arabe. Mohammad, la trentaine, pull et blouson gris, a rouvert son commerce il y a quelques semaines et s'efforce d'attirer le chaland en diffusant de la pop que crachent à pleins poumons de petites enceintes reliées à un ordinateur.

 

(Lire aussi : Les forces irakiennes avancent à l’ouest de la ville)

 

Visage découvert
La musique, « c'est un bonheur dont les gens avaient été privés » par l'EI, affirme cet homme à l'épaisse chevelure noire, qui se souvient encore du jour où les jihadistes sont venus lui ordonner de tout arrêter. « Ils m'ont dit : Tu dois fermer. Tout ça, la musique, les chansons, la danse, c'est interdit. Interdit au nom de la religion », raconte-t-il alors que retentit, à quelques centaines de mètres de là, le bruit sourd d'explosions venant de Mossoul-Ouest.

« Ils ont pris mes affaires, mes disques et d'autres trucs et ils les ont brûlés, dans la rue. » Écouter de la musique sous le joug jihadiste, c'était, dit-il, prendre le risque d'être « convoqué par la police religieuse » et d'être « fouetté ». « Maintenant, Dieu merci, Daech (EI) est parti, et les magasins rouvrent. » De fait, la partie orientale « libérée » reprend vie, petit à petit. Dans les rues, on tente de déblayer les innombrables décombres laissés par les combats, une tâche titanesque à l'aune de l'ampleur des destructions qui ont défiguré la deuxième ville d'Irak. Mais les drapeaux irakiens ont remplacé ceux de l'EI, et la police fédérale les combattants du groupe ultraradical sunnite.

Et il n'y a pas que la musique qui a fait son retour. Les femmes, maintenant, peuvent se promener à visage découvert, là où les jihadistes leur imposaient le voile intégral noir. « Il fallait qu'on ait le visage caché (...) et on ne pouvait pas marcher sans être accompagnées par un homme », explique Oum Youssef, pommettes saillantes encadrées par un épais châle de couleur crème.

 

(Lire aussi : Bataille de Mossoul : les civils pris au piège dans la vieille ville)

 

Thé, cigarettes et TV
Sitôt l'EI chassé, les magasins de prêt-à-porter féminin ont ressorti les stocks de robes colorées que les jihadistes interdisaient. Il y a de la lingerie fine, des jupes sophistiquées, des pantalons à fleurs et même une longue tunique ornée d'une inscription « Paris is always a good idea ».

Un peu plus loin, un petit café tout en longueur, où l'on consomme dans des tasses en forme de cloche renversée un thé noir et très sucré, collectionne, lui, toute une série d'interdits à l'époque de l'EI : on y fume du tabac en regardant, sur un écran accroché au mur, une chaîne de télévision américaine. Les hommes plaisantent, discutent avec entrain, prennent du bon temps, histoire d'oublier un instant le drame qui se joue de l'autre côté du Tigre, le fleuve qui les sépare de Mossoul-Ouest. « Ici, ça va maintenant, même si la ville a besoin d'être nettoyée », relève Mohammad Mahmoud, un père de famille de 28 ans. « Mais là-bas, dans l'ouest de Mossoul, c'est toujours la guerre. »

 

 

Lire aussi

Trump affiche sa détermination face à l’EI en accueillant Abadi

A Mossoul-Ouest, une famille décimée par un bombardement aérien

A Mossoul, combats "maison par maison" pour déloger l'EI de la vieille ville

Dans Mossoul-Ouest, ces irréductibles qui vivent parmi les cendres

Drones: les artificiers du ciel de l'EI inquiètent l'Occident

À Mossoul, un musée perdu à jamais

Les défis de l'après-Mossoul

À Mossoul, une église chaldéenne vandalisée par la police religieuse de l’EI

« Ils se sont enfuis comme des poules mouillées »

De la musique en plein Mossoul ? Un crime il y a encore peu, quand le groupe État islamique (EI) y régnait en maître. Mais les jihadistes ont été chassés des quartiers est de la cité, et Mohammad Mohsen, marchand de disques, rattrape le temps perdu.
Mohammad a installé son étal sur un trottoir bordant une rue du centre de la grande métropole du nord de l'Irak, dont la partie orientale...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut