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À La Une - Irak

A Mossoul-Ouest, une famille décimée par un bombardement aérien

"On les a sortis des décombres. Il y a 21 corps. Des femmes et des enfants, même un bébé de six mois".

AFP / ARIS MESSINIS

Le cortège descend une butte, près de Mossoul. Sur une charrette en bois, parmi des couvertures aux couleurs vives, un pied enfantin dépasse, gris de poussière. Ziad Khalaf vient de perdre 21 membres de sa famille dans une frappe contre les jihadistes.

"On les a sortis des décombres. Il y a 21 corps. Des femmes et des enfants, même un bébé de six mois", lâche Ziad, en parlant du raid aérien qui a tué en début de semaine ses proches près de la gare ferroviaire dans l'ouest de la deuxième ville d'Irak.

Le ciel est gris et lourd. Sur la route boueuse, les six charrettes en bois vétustes avancent péniblement.
Sous les couvertures épaisses, rouge, vert, bleu et rose, des pieds dépassent. Certains nus et couverts de poussière, ou alors portant des chaussettes aux couleurs sombres. Une petite fille affiche une plaie profonde, qui court de la joue à l'oreille. "J'ai perdu mes deux frères, le fils de ma soeur, mes cousins. Une famille entière, 21 personnes", répète Ziad, trentenaire courtaud aux tempes grisonnantes.

Les hommes dévalent un promontoire à l'extérieur de Mossoul-Ouest, où les forces irakiennes poursuivent leur offensive pour chasser l'EI de la ville septentrionale. "Cela fait 20 jours que je ne les avais pas vus", dit-il.

 

(Lire aussi : La bataille de Mossoul-Ouest a fait près de 100 000 déplacés)

 

 

'Boucliers humains'
La famille est originaire de Wadi Hajar. En abandonnant ce quartier de Mossoul-Ouest à l'arrivée des forces irakiennes, les jihadistes du groupe Etat islamique (EI) ont embarqué entre autres les membres de la famille Khalaf en se repliant vers des habitations proches de la gare ferroviaire, visées par le raid.

Il était impossible dans l'immédiat de confirmer cette frappe meurtrière de source indépendante. Ni de savoir si elle a été menée par des avions irakiens ou ceux de la coalition internationale antijihadistes, conduite par les Etats-Unis. "Ils servaient de boucliers humains aux jihadistes. Un avion est arrivé, il y a eu une frappe", raconte Ziad, qui, lui, avait réussi à rester caché à Wadi Hajar.

Les charrettes transportant les cadavres sont immobilisées sur un champ boueux, les unes à côté des autres. Certains hommes fondent en larmes, d'autres hurlent leur désespoir. "Quand on est allé récupérer les corps, les jihadistes ont tiré des obus sur nous. On n'a pu les sortir que quand les forces de sécurité sont arrivées", poursuit Ziad, après que les forces irakiennes ont chassé les jihadistes de la région de la gare ferroviaire.

 

(Lire aussi : Comme l'EI, les forces irakiennes adoptent le drone armé)

 

 

'Je me sens mort'
Un proche de Ziad Khalaf, Chehab Ahmed pleure en embrassant une petite fille aux cheveux châtains clairs, allongée sur une des charrettes. Il s'assied, la tête entre les mains.

Sa femme et son fils Ahmed âgé de 3 ans et demi, ont été tués. Lui et ses trois filles, dont l'aînée a huit ans, ont survécu. "C'était une frappe très violente. Deux maisons ont été réduites en poussière", raconte Chehab, épaisse chevelure noire de jais et rides autour des yeux. La troisième habitation, où il s'y trouvait, a été épargnée. "Je me sens mort à l'intérieur", ajoute-t-il, la main tapotant son torse.

Assis entre deux charrettes, lové dans les bras d'un de ses proches, Rayan Khalaf ne peut retenir ses larmes, laissant échapper des propos incompréhensibles. Il se lève et fait le tour pour embrasser un à un les corps enveloppés. "Où est Younès, voilà Younès. Un baiser de ta mère, un baiser de ta grand-mère".

Un imposant camion à plate-forme des forces irakiennes arrive. Des sacs mortuaires noirs et beiges sont tirés d'une ambulance.

Un à un, les corps vont être enveloppés dans une housse. "C'est mon frère", lance Rayan, manquant de s'écrouler sous le poids d'un corps qu'il porte dans ses bras. Il refuse d'être aidé. "Lui, c'est Younès", dit Ziad à son père. Le vieil homme se tient à ses côtés, manteau gris sur sa djellaba noire, un keffieh sur la tête.
Dans ses mains, une pile épaisse de cartes d'identité vertes, qu'il feuillette avec attention avant d'en placer une sur un corps.

 

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Le cortège descend une butte, près de Mossoul. Sur une charrette en bois, parmi des couvertures aux couleurs vives, un pied enfantin dépasse, gris de poussière. Ziad Khalaf vient de perdre 21 membres de sa famille dans une frappe contre les jihadistes.
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