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Moyen Orient et Monde - Reportage

Dans Mossoul-Ouest, ces irréductibles qui vivent parmi les cendres

Alors que près de 100 000 civils ont fui les combats dantesques qui opposent les forces irakiennes à l'EI dans la partie occidentale de la ville, certaines familles ont décidé de rester chez elles, coûte que coûte.

Alors que près de 100 000 civils ont fui les combats dantesques qui opposent les forces irakiennes aux jihadistes de l’État islamique dans la partie occidentale de Mossoul, certains ont décidé de rester chez eux, coûte que coûte. Ahmad al-Rubaye/AFP

Dans la principale artère du quartier d'el-Dawwasa, la route de l'exode est semée de cratères. Ils avancent en file indienne entre les carcasses calcinées, avec parfois pour seul bagage les vêtements poussiéreux qui pendent sur leurs épaules courbées. Ils sont des enfants muets et des parents assourdis par le tonnerre de la guerre. Puis il y a les irréductibles. Fous, prudents, optimistes, qui ont choisi de rester vivre à portée de tir des obus.

Armée de gants de cuisine couleur rouge sang, Angham Jassem nettoie son perron à grands coups de balai. Le moteur d'une voiture piégée a défoncé son portail et le siège passager s'est encastré dans la clôture du voisin, mais les cendres épaisses qui tachent ses carreaux blancs constituent l'affront de trop. « Nous, tout ce que nous voulons, c'est rester chez nous. On ne veut pas de cette tragédie qu'est la fuite. C'est notre choix », prévient cette mère de 35 ans, sourire timide et regard doux. Pendant 15 jours, avec Nouhane, sa fille de dix ans, et Saddam, son frère aîné, elle a vécu dans une cave pour se protéger des combats. Il est maintenant l'heure de revenir vivre à la surface. « Nous n'avons nulle part d'autre où aller. La situation est terrible dans les camps. C'est mieux de rester ici », insiste-t-elle.

 

(Lire aussi : La bataille de Mossoul-Ouest a fait près de 100 000 déplacés)

 

 

« Parce qu'on aime notre ville »
Dans les zones de Mossoul-Ouest reprises aux jihadistes, l'aide humanitaire est limitée à seulement certains quartiers pour des raisons de sécurité. Mais dans les quartiers toujours sous leur contrôle, les conditions de vie des civils se sont aussi considérablement dégradées depuis le début de l'offensive, et l'accès à la nourriture est devenu difficile pour tous les résidents, y compris les combattants de l'EI et leurs sympathisants, selon un rapport de l'ONU publié fin février.

La plupart des magasins et épiceries ont fermé leurs portes et les prix se sont envolés en raison du manque de produits alimentaires, forçant les civils à puiser dans leurs réserves personnelles – quand celles-ci n'ont pas été confisquées par les combattants de l'EI. Depuis l'embargo des Ottomans en 1878, les habitants de Mossoul, qui n'en sont pas à leur première guerre, ont développé l'habitude de stocker des vivres dans leur garde-manger. « Nous avons du riz, de l'huile, des olives, des patates, de la farine, des dattes... tout sauf de la viande parce qu'on n'a pas d'électricité », explique Mme Jassem, sa voix couverte par le bourdonnement des hélicoptères qui se relaient pour tirer des salves de roquettes en direction de la vieille ville.
« L'EI avait fait de ce quartier l'une de ses places fortes, donc chaque jour on était visé par l'artillerie des forces irakiennes », raconte Saddam Jassem, le frère d'Angham, qui affirme que plusieurs de ses voisins ont été blessés par les frappes. « L'artillerie a détruit plusieurs maisons, mais le pire c'était les voitures piégées de l'EI », assure sa sœur avec un hochement de tête.

De l'autre côté du boulevard, par-delà les ruines, Abdulrahman Zubaidi, 18 ans, pointe du doigt les deux impacts qui ornent désormais le mur de sa chambre. L'une des munitions n'a pas explosé et s'est encastrée dans le ciment. L'autre a traversé le mur et s'est désintégrée en une myriade de projectiles assassins. « Un hélicoptère visait des jihadistes dans notre rue, précise Abdulrahman. Cinq minutes plus tôt, on dormait tous dans cette pièce. On a vraiment eu de la chance ! » Maintenant que la ligne de front s'est déplacée d'une centaine de mètres vers le nord, il dit se sentir en sécurité. Sans une once d'hésitation, l'étudiant l'affirme : « On est resté parce qu'on aime notre ville. »

 

 

 

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