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Moyen Orient et Monde - Guerre de Syrie, an VI - Témoignage

« En Syrie aujourd’hui, tout est détruit, même les gens »

Fadi el-Halabi, journaliste citoyen et photographe, raconte à « L'Orient-Le Jour » ce qu'il a vécu ces six dernières années à Alep.

Un quartier à l’est d’Alep le 7 décembre 2016, après sa reprise par les forces gouvernementales. George Ourfalian/AFP

« La peur. » En un mot, Fadi el-Halabi résume l'année écoulée. « Le sentiment dominant est la peur. La peur des bombardements, d'être enlevé, de souffrir, de savoir qu'un proche est mort, de manquer de tout », reprend le jeune homme après une légère pause. Ce sentiment, il le connaît bien. Il lui est devenu particulièrement familier depuis qu'il a décidé, au début du soulèvement populaire en 2011, et qui a dégénéré en conflit armé, de devenir journaliste citoyen et photographe.

Originaire d'Alep, il n'a jamais vécu ailleurs, n'a jamais connu autre chose. Lorsque les soulèvements populaires éclatent en 2011, il prend des photos, se filme avec ses amis pendant les manifestations pacifiques. Mais la situation dégénère au bout de quelques mois. Il finit par créer, avec d'autres jeunes du même âge et qui partagent ses goûts pour l'image, l'Aleppo Media Center (AMC). En cette fin d'année 2012, la ville est scindée en deux parties: quartiers ouest (prorégime) et quartiers est (insurgés). Fadi el-Halabi multiplie alors les contacts avec différents partenaires médiatiques, dont l'Agence France Presse dont il devient l'un des photographes attitrés sur place. Il est en effet le témoin idéal de ce qui se passe là où les médias n'ont pas accès.

 

(Lire aussi : Guerre en Syrie An VI : que reste-t-il de l'État syrien ?)

 

Ce n'est qu'à partir de 2015 qu'il se consacre sérieusement à la production de longs métrages sur le conflit syrien. « Pour l'instant, j'ai travaillé à la création de deux longs-métrages. Le premier est celui pour Netflix sur les Casques blancs (qui remporte un prix pour le meilleur documentaire aux oscars, fin février). Le second, Last Men in Aleppo, a déjà gagné au Festival de Sundance, en janvier, le prix du grand jury pour le meilleur documentaire étranger. Il devrait également être nominé aux oscars l'année prochaine », raconte le jeune homme de 23 ans. Entre-temps, il a envoyé sa famille en sécurité, en Turquie, où il se rend régulièrement pour la voir.

Mais le pire reste à venir. Cette année 2016 est ce que Fadi aura vécu de plus traumatisant. Toutes sortes d'instruments de mort sont largués sur la ville: barils explosifs, roquettes, obus, ... La cité ne ressemble plus à grand-chose. Blessé à trois reprises dans les bombardements, le photographe refuse de quitter les lieux. « J'ai perdu des proches et des voisins, que j'ai sortis ou aidés à sortir de sous les décombres. Un jour, cinq immeubles d'un même quartier se sont effondrés en même temps. J'ai eu beaucoup de chance, j'ai échappé à la mort de peu à plusieurs reprises. »

Soutenues par ses alliés russe et iranien entre autres, les forces du régime syrien font tout pour récupérer cette ville, une priorité à plusieurs niveaux pour les belligérants. La reprise de la deuxième ville du pays aux insurgés constituerait un revers décisif pour eux, surtout sur le plan géopolitique, mais aussi diplomatique.
Déjà dramatique, la situation s'aggrave encore plus à l'été 2016. La route dite du Castello, seule voie d'approvisionnement des insurgés et de la population avec la Turquie, est coupée par le régime. La ville est assiégée. « J'avais dû sortir de la ville pour des raisons privées quand je me suis retrouvé coincé », raconte Fadi, qui décide néanmoins de rester dans le rif d'Alep. « Mais cela m'a brisé le cœur: à Alep il y avait tout mon passé, ma vie, mon travail, mes souvenirs, mes amis, mes proches. Par la suite, j'ai essayé à plusieurs reprises d'y revenir, sans succès. » Il n'assistera que de loin à la reprise à la mi-décembre de sa ville, ou plutôt de ce qu'il en reste. Le monde entier assiste alors à l'évacuation, plus tard qualifiée par l'ONU de « forcée », des dizaines de milliers de personnes encore présentes à Alep, civils et insurgés confondus.

 

(Lire aussi : Les Casques blancs se disent prêts à participer à la reconstruction du pays)

 

Aujourd'hui à Idleb...
Plusieurs images hantent encore le jeune homme, comme celle de cette mère dont l'unique fils est mort dans l'effondrement de son immeuble après un raid aérien.
Aujourd'hui, Fadi el-Halabi habite à Idleb, où la situation n'est pas vraiment meilleure. L'eau est fournie au compte-gouttes. L'électricité est coupée depuis 2015, des générateurs fournissent trois heures d'électricité par jour. Mais il n'a rien oublié de ce qu'il a vécu à Alep. « Tous les jours je rêve que je suis à Alep, que je suis prisonnier et que je ne peux pas fuir, puis je me réveille au bruit des bombardements. »

Car la situation à Idleb, dernier bastion majeur de l'insurrection, est comme partout ailleurs en Syrie: raids aériens, bombardements, affrontements, violences au quotidien. C'est devenu normal. Il s'en amuse, même. « L'autre jour, on a vu tellement d'avions dans le ciel (de la coalition, du régime, des Russes, des Turcs),... Pour un peu, il aurait fallu un agent de la circulation pour gérer tout ça », plaisante-t-il.
Malgré tout, il refuse de partir. Il s'est juré, depuis le début, de témoigner de ce qui se passe dans son pays. Mais il sait aussi qu'il n'y a aucun espoir de normalité pour son pays, pas pour bientôt en tout cas. « Ce qui arrive depuis six ans a totalement détruit le tissu social du pays, c'est irrémédiable. Certains membres de ma famille refusent de m'adresser la parole parce que je suis photographe. D'autres membres de la famille ne se parlent pas parce que chacun soutient un camp différent. Les infrastructures sont détruites, les institutions, les écoles et hôpitaux sont aujourd'hui détruits. En Syrie aujourd'hui, tout est détruit, même les gens. »

 

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commentaires (4)

Tout à fait le même "style!" de Guerre Civile que ces bääSSyriens avaient fomenté au Liban, mais ici durant QUINZE lonnngues années ! Les voilà, chez eux maintenant, avec SIX années de Guerre Civile sur le dos. Il leur reste donc NEUF à tirer pour arriver à nos QUINZE à Nous, ce qui montre largement que La Vengeance Libanaise est un plat qui se mange même très froid.... Donc, bon retour de bâton éhhh, éhhh Libanais. Khâââï !

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

14 h 17, le 15 mars 2017

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Commentaires (4)

  • Tout à fait le même "style!" de Guerre Civile que ces bääSSyriens avaient fomenté au Liban, mais ici durant QUINZE lonnngues années ! Les voilà, chez eux maintenant, avec SIX années de Guerre Civile sur le dos. Il leur reste donc NEUF à tirer pour arriver à nos QUINZE à Nous, ce qui montre largement que La Vengeance Libanaise est un plat qui se mange même très froid.... Donc, bon retour de bâton éhhh, éhhh Libanais. Khâââï !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    14 h 17, le 15 mars 2017

  • Une guerre est toujours destructrice,évident. Le plus important est la destruction des bactéries wahabites et leurs sponsors , le reste se reconstruira en paix.

    FRIK-A-FRAK

    14 h 03, le 15 mars 2017

  • LES DESTRUCTIONS SONT GIGANTESQUES POUR NE PAS ENTREPRENDRE DES REFORMES REQUISES PAR LES PREMIERS MANIFESTANTS PACIFIQUES ET QU,ON EST COINCE ET OBLIGE D,ENTREPRENDRE AUJOURD,HUI... LES RESPONSABLES... CONSEILLES PAR L,IRAN... SONT BIEN CONNUS...

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 51, le 15 mars 2017

  • Tout est detruit en Syrie meme les gens ....( al HALABI)que Dieu ait pitie de ce pays...

    Soeur Yvette

    08 h 53, le 15 mars 2017

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