Rechercher
Rechercher

Lifestyle - Distinctions

Des architectures et une fierté 100 % libanaises

C'est la créativité et la vision de 36 projets d'architectes libanais qui ont été mis à l'honneur au BIEL les 16, 17 et 18 février, à travers le premier Lebanese Architect Award. Un coup d'essai réussi qui promet de nouvelles éditions de qualité.

D House, signé Karine Fakhry et Diane Sawaya. Photo DR

Dans de nombreux domaines, le talent des Libanais n'est plus à prouver. Mais il est toujours bon de le souligner. C'est sans doute pour cette raison que l'ordre des ingénieurs et des architectes a décidé de créer le Lebanese Architect Award. Cette première édition a permis aux architectes nominés de présenter leur travail devant un jury de professionnels et, pour certains, de remporter un prix.

Pour le duo Karine Fakhry et Diane Sawaya, (FaRArchitects) qui ont remporté le prix Résidences privées avec D House, « participer à ce concours nous a permis d'aller à la rencontre d'autres architectes et de voir d'autres manières de travailler dans un contexte souvent très proche. Il nous a également permis de revoir notre projet avec un œil neuf et de l'apprécier sous de nouveaux aspects. La distanciation nous a permis de réaliser qu'un travail terminé depuis trois ans a passé l'épreuve du temps, qu'il l'a embelli sans l'abîmer, ce qui en soi est une réussite en architecture. Le concours en général a permis de sortir le débat architectural des limites de l'école ou de l'université et de l'appliquer à la scène professionnelle, ce qui n'est pas courant au Liban où l'architecture s'exprime trop souvent en termes de promotion immobilière et pas assez en termes d'enjeux architecturaux. Sur le plan professionnel ça nous a sans doute ramené plus de reconnaissance, mais c'est encore trop tôt pour le savoir ».

D House s'intègre discrètement dans la nature sauvage et préservée de Aïn el-Kharroubé. « Invisible depuis la route, poursuit le duo féminin, il faut descendre vers la vallée pour découvrir cette maison dont la base se déploie sur la partie basse et rocheuse du terrain, autour de la terrasse et de la piscine. Prenant appui sur la partie haute, le volume des parties privées revêtu de cuivre surplombe la terrasse, en porte-à-faux orienté vers la forêt. L'implantation des bâtiments, les toits plantés, le choix des matériaux qui évoluent et patinent avec les saisons qui passent participent à l'intégration évolutive de la maison dans son site. » Dans leurs projets en cours : un projet résidentiel intégré dans la forêt de Baabdate, une villa dans le centre-ville de Beyrouth, la rénovation du bâtiment administratif d'un fabricant de farine (leurs laboratoires de test, leur fournil), un restaurant à Lagos et enfin un loft à New York.

 

(Lire aussi : Trois projets vainqueurs pour « l'Espace Mélanie Freiha »)

 

Respect de l'environnement
Dans la catégorie architecture durable, Maha Nasrallah décrit Casa Batroun en ces termes : « Ce projet comprend la rénovation et l'extension d'une maison en pierre construite en 1936 à Batroun. L'objectif était de doubler la surface existante tout en respectant l'environnement et en en tirant le meilleur. La collaboration avec Maya Karkour, la consultante en écologie, était essentielle. Les murs ont été conservés mais il a fallu les adapter pour pouvoir soutenir un étage supplémentaire et créer une structure indépendante en bois composée de 4 boîtes intégrées verticalement à la maison, créant ainsi des niveaux différents. » Casa Batroun a été rénovée et reconstruite dans les normes de la BREEAM International Bespoke 2010. « Toutes les architectures devraient à présent se faire dans ce respect de l'environnement. » Nous vivons dans une époque où l'écologie n'est plus un luxe mais une nécessité, précise Maha Nasrallah qui travaille actuellement sur le projet des maisons d'hôtes de Bkerzay, en étroite collaboration avec le maître des lieux et le cœur du projet : Ramzi Salman. Toutes les maisons, entourées de forêts d'arbres, sont (évidemment) intégrées dans leur environnement.

 

Le résidentiel avec des valeurs ajoutées
Jean-Marc Bonfils, qui s'est distingué pour l'immeuble résidentiel East Village, a confié : « Cet événement est important à plus d'un titre. Il met l'architecture à nouveau au premier plan, car tous les projets présentés sont de très grande qualité. Il démontre que les architectes libanais font preuve de résilience et sont tout aussi bons que leurs collègues étrangers. Enfin, l'accueil réservé par les étudiants, qui étaient très nombreux, démontre à quel point la jeunesse libanaise est avide de savoir. L'organisation et surtout le jury ont été fabuleux », souligne-t-il encore. Cet immeuble résidentiel se situe à l'intersection de deux quartiers, Gemmayzé et Mar Mikhaël et le terrain sur deux parcelles adjacentes, longues et étroites. Le concept consiste à interpréter une implantation répondant à plusieurs objectifs : lire le terrain dans un périmètre plus important. Composer et absorber le bâtiment qui obstruait l'une des deux parcelles, créer un lien entre la rue d'Arménie et la mer, et enfin agrandir l'espace public en liaison avec la galerie d'art contemporain Tanit. Les matériaux utilisés sont complémentaires : « Un jardin vertical qui a permis de recréer un espace vert, rappelant les jardins d'Électricité du Liban, la pierre et le bois, en rappel des anciennes maisons du quartier et enfin le métal rouge qui crée un contraste tout en ajoutant une touche de modernité. »

 

(Lire aussi : Une mosquée d'avant-garde en pays druze)

 

De l'humain et de la poésie
Zeina Kronfol et Pamela Haydamous (greener ontheotherside) sont fières d'avoir obtenu le prix des espaces publics pour le projet de la Quarantaine, « d'autant plus que c'était un de nos premiers projets et qu'il définit bien notre approche en tant qu'architectes paysagistes. En ce qui concerne le Karantina Play Garden, notre analyse de l'histoire et du site nous a mis face à une nécessité : nous concentrer sur l'aspect futur des lieux et créer un jardin de la réconciliation. Situé dans un environnement complexe, avec un passé chargé, la Quarantaine est devenu un refuge pour les minorités et les déplacés et reste jusqu'aujourd'hui peuplé de communautés différentes. Le site était un jardin public laissé à l'abandon, avec de grands arbres qui formaient une charmante oasis. Au lieu de conserver la mémoire architecturale des lieux, nous avons préféré dépasser cette nostalgie et transformer l'espace en une plate-forme qui réconcilie le passé avec le présent et rétablit le contact entre les différentes communautés et générations qui y vivent. Créer un jardin non pas beau mais puissant, dont le design dégage une forte impression d'engagement et d'intégration. Notre dialogue avec les habitants a démontré que les enfants devaient être la priorité du projet. Pour ce faire, il nous fallait leur créer un jardin public, un espace de jeux. »

 

La cerise sur le gâteau
Enfin, last but not least, la Franco-Libanaise Lina Ghotmeh a remporté le Prix toutes catégories, pour son désormais célèbre Musée national estonien, situé à Tartu, inauguré en grande pompe en octobre 2016, et pour lequel elle a obtenu une nomination pour le Mies Van der Rohe Award. Le concept est totalement surprenant et innovateur. En effet, le bâtiment de 34 000 m2, qui abrite une collection de 140 000 objets, n'a pas été installé sur le site proposé, mais sur une base soviétique qui se trouve juste à proximité. « J'ai senti le partage d'une histoire commune avec l'Estonie et ce rapport ambivalent à l'histoire et à la guerre », avait confié l'architecte dans une interview exclusive à L'OLJ en décembre dernier. Elle avait rajouté : « Faire le musée en continuité avec la piste d'atterrissage a provoqué un débat national. »

 

Les chiffres

36 : projets signés par des bureaux d'architectures locaux, construits au Liban ou dans le monde, choisis parmi les 450 proposés.
9 membres d'un jury d'architectes et d'urbanistes, composé de : Alexis Moukarzel, Ghazi Awad, Jad Tabet, Oussama Dimachkieh, Ziad Akl ; Mahmoud Charafeddine, Amir Turki, Bahjat Chahin et Michel Barmaki. 6 d'entre eux constituant le jury principal et trois autres étaient nominés par l'Union des architectes UIA, la Fédération des ingénieurs arabes (FAE) et l'Union des architectes méditerranéens (UMAR).
10 prix pour 8 catégories : résidences privées ; immeubles résidentiels ; bâtiments à usages mixtes ; éducation art et culture ; hôtels, loisirs et centres sportifs ; restauration ; espaces publics ; architecture durable; prix du public et enfin prix toutes catégories.

Les lauréats

Prix toutes catégories : Lina Ghotmeh pour le Musée national estonien
Prix du public : Bernard Mallat, Walid Zeidan et Imad Gemayel pour Cluster H « The Backyard »
Architecture durable : Maha Nasrallah pour Casa Batroun
Espaces publics : Zeina Kronfol et Pamela Haydamous (greener ontheotherside) pour Karantina Play Gardens
Restauration : Antoine Fishfish et Michel Daoud pour Souk Haraj
Hôtels, loisirs et centres sportifs : Galal Mahmoud pour O Beach
Éducation, art et culture : Maroun Lahoud pour l'église Saint-Élie
Bâtiments à usages mixtes : Hashem Sarkis pour Byblos Town Hall
Immeubles résidentiels : Jean-Marc Bonfils pour East Village
Résidences privées : Karine Fakhry et Diane Sawaya (FaRArchitects) pour D House.

 

Lire aussi

Le BeMa, autre phare de Beyrouth, s'élancera sur 120 mètres

Dans de nombreux domaines, le talent des Libanais n'est plus à prouver. Mais il est toujours bon de le souligner. C'est sans doute pour cette raison que l'ordre des ingénieurs et des architectes a décidé de créer le Lebanese Architect Award. Cette première édition a permis aux architectes nominés de présenter leur travail devant un jury de professionnels et, pour certains, de remporter...

commentaires (1)

Y A DU PROGRES...

LA LIBRE EXPRESSION

16 h 52, le 22 février 2017

Tous les commentaires

Commentaires (1)

  • Y A DU PROGRES...

    LA LIBRE EXPRESSION

    16 h 52, le 22 février 2017

Retour en haut