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Santé - Hématologie

L’hémophilie, une maladie hémorragique d’origine génétique

La pathologie touche principalement les garçons. Elle survient chez un nouveau-né sur 10 000 naissances.

Chez les personnes hémophiles, un saignement dû à une blessure ou à un traumatisme ne s’arrête pas facilement. Photo Bigstock

Sami avait treize mois lorsqu'il a été diagnostiqué hémophile. Il avait déjà commencé à effectuer ses premier pas, lorsqu'un jour il s'est brutalement cogné contre la porte et s'est mis à saigner de la bouche. Le sang n'arrêtait pas de couler, malgré tous les soins prodigués. Paniquée, sa maman l'a emporté aux urgences. Le diagnostic n'a pas tardé à tomber. Sami souffre d'hémophilie, une maladie hémorragique due à un déficit ou à une absence d'un facteur de la coagulation : le facteur 8 en cas de l'hémophilie A, la forme la plus fréquente de la maladie, et le facteur 9 lorsqu'il s'agit d'hémophilie B.

« Tout individu, au cours de sa vie, saigne en raison d'une blessure banale ou d'un traumatisme plus important », explique le Dr Claudia Khayat, hématologue pédiatre et membre de l'Association libanaise d'hémophilie. « Chez un individu normal, qui n'a pas de problèmes de coagulation, le saignement s'arrête immédiatement, poursuit-elle. Chez un hémophile, par contre, l'hémorragie ne va pas s'arrêter facilement. De plus, le patient va avoir des douleurs notamment au niveau des articulations où le sang va s'accumuler. De ce fait, l'articulation va finir par se détruire, entraînant une réduction de la mobilité, une fonte musculaire ou une destruction du cartilage. »

Ce sont les hémorragies internes qui surviennent au niveau des articulations, des muscles et des tissus mous qui préoccupent le plus les médecins, puisque des saignements répétés à ces endroits endommagent l'organe durablement. Et c'est justement au niveau de ces organes qu'une personne hémophile saigne le plus, en raison de la pression qui y est exercée. « Si le traitement n'est pas adéquat, des conséquences graves peuvent s'installer », constate le Dr Khayat.

Pour éviter le pire, il est recommandé d'administrer à une personne hémophile le facteur de coagulation qui lui manque à titre préventif et de manière continue. « Cela lui permet de vaquer à ses activités normalement, puisque dans ce cas, seul un coup très fort peut entraîner un saignement », observe le Dr Khayat.

 

Coût financier important
Mais à chaque médaille son revers. Le traitement continu en prophylaxie pose en fait plusieurs problèmes. D'abord, il faut avoir accès au médicament, d'autant qu'il est dispendieux. « Une unité de ce médicament coûte 0,5 dollar, souligne le Dr Khayat. Le nombre d'unités est donné suivant le poids du patient. Il faut compter 20 unités par kilo, à donner deux à trois fois par semaine. Chez les enfants, le coût du traitement s'élève à au moins 500 dollars par semaine. Un chiffre qui augmente considérablement chez les adultes. »

Le ministère de la Santé assure le traitement en prophylaxie pour les enfants, « mais il est incapable de le faire pour les adultes », constate le Dr Khayat, qui insiste sur le fait que « le traitement assuré par le ministère est correct et satisfaisant bien qu'il ne soit pas optimum ». « La Caisse nationale de Sécurité sociale ne pose pas de limites, mais il y a toujours une différence à payer et celle-ci n'est pas négligeable », ajoute-t-elle.

Comme le médicament est sous forme lyophilisée, c'est-à-dire déshydratée, il faut le diluer et l'injecter en intraveineuse. « Pour cela, il faut avoir un accès facile aux veines, ce qui n'est pas le cas de tous les enfants, souligne le Dr Khayat. Chez ces petits, on est obligé de mettre un cathéter, une procédure qui n'est pas sans risques, puisqu'elle peut entraîner d'autres complications comme le fait de développer des inhibiteurs, c'est-à-dire des anticorps aux médicaments. Ceux-ci peuvent se développer aussi indépendamment des cathéters, généralement lors des cinquante premières prises du médicament, en raison d'une atteinte génétique du malade, de la manière dont le médicament a été administré, etc. Lorsque les inhibiteurs sont développés, il faut passer à un médicament qui est moins efficace et plus cher. Il convient de noter que le problème lié aux inhibiteurs est universel et survient dans 20 à 30 % des cas d'hémophilie. »

À ces problèmes, s'ajoute la nécessité de bien connaître sa maladie. « Il y a une éducation qui doit être faite pour que le patient soit familier avec sa pathologie afin qu'il puisse la gérer, fait remarquer la spécialiste. Le malade doit apprendre à s'auto-injecter le médicament, pour être indépendant. Il faut aussi qu'il fasse de la physiothérapie préventive ou curative pour renforcer sa musculature et saigner moins. Et tout cela a un coût financier important. »

 

Une maladie génétique
L'hémophilie est une maladie génétique, liée à une anomalie du chromosome X. La pathologie touche donc beaucoup plus les garçons que les filles puisqu'ils portent ce chromosome X donné par leur mère. « Toutefois, dans 20 à 30 % des cas, l'hémophilie est due à une mutation dite de novo, c'est-à-dire survenue lors de la fabrication du bébé, indique le Dr Khayat. Personne n'est donc à l'abri de cette maladie. »

Les symptômes de la maladie peuvent apparaître à la naissance s'il y a eu recours au forceps ou à la ventouse, comme ils peuvent apparaître plus tard à la circoncision, à la première marche si le bébé tombe... Les parents peuvent aussi consulter un spécialiste en raison d'ecchymoses faciles et fréquentes.

Selon les chiffres internationaux, l'hémophilie survient chez un enfant sur 10 000 naissances. Au Liban, on estime à 400 les cas de personnes hémophiles, « mais en pratique, on a près de 300 cas tous stades confondus », avance le Dr Khayat. Toutefois, toutes les personnes hémophiles ne saignent pas. « Ce sont les cas sévères, c'est-à-dire les patients dont le facteur 8 est inférieur à 1 %, qui saignent le plus, note-t-elle.

Dans les cas modérés, c'est-à-dire lorsque le facteur 8 est compris entre 1 et 5 %, le patient saigne suite à un coup important. Les patients chez qui le facteur 8 est compris entre 5 et 10 % sont découverts fortuitement ou lors d'une chirurgie. Il y a des cas qu'on ne découvre jamais. Quel que soit le cas, il faut que les parents consultent rapidement un spécialiste dès le diagnostic de la maladie, d'autant qu'il y a toute une éducation à faire, sachant que si la maman accepte la maladie, les choses seront plus faciles pour l'enfant. »

Or le refus de la maladie est l'un des principaux problèmes que rencontrent les spécialistes. « Nous avons parfois affaire à des cas où les articulations sont endommagées et irrécupérables », déplore le Dr Khayat, qui fait remarquer que si la maladie n'est pas bien prise en charge, le patient peut se retrouver sur une chaise roulante. D'où l'importance de l'équipe multidisciplinaire qui compte essentiellement un hématologue, un physiothérapeute, un orthopédiste, un psychologue, une assistante sociale et un dentiste...

La disponibilité des médicaments, le manque d'adhésion au traitement, la rébellion des enfants qui refusent de se faire injecter le médicament, les écoles qui refusent d'accepter un enfant hémophile « parce qu'elles ne veulent pas de cette responsabilité »... autant de problèmes rencontrés dans la prise en charge de l'hémophilie. À cela s'ajoutent la relation avec les filles, des difficultés au niveau professionnel, « beaucoup de patients s'empêchent de déclarer leur maladie »... « À chaque âge, son défi, note la spécialiste. De plus, les familles refusent souvent de parler publiquement de la maladie, alors que la sensibilisation est très importante et qu'il n'y a pas mieux que les personnes concernées qui peuvent le faire. »

 

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