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Moyen Orient et Monde - Éclairage

Au Maroc, la polémique sur les manuels d’éducation islamique ne désenfle pas

Des livres scolaires sont au cœur d'une controverse éducative ; les parties prenantes semblent vouloir camper sur leurs positions.

Au Maroc, la polémique concernant les manuels d’éducation islamique continue de diviser le gouvernement et les enseignants de philosophie. Abdelhak Senna /AFP

La demande de l'Association marocaine des enseignants de philosophie (AMEP) est sans appel : supprimer les manuels controversés d'éducation islamique des programmes scolaires du secondaire. Suite au congrès sur les droits des minorités religieuses en janvier 2016, le roi Mohammad VI avait réclamé une réforme des programmes scolaires. L'objectif ? Mettre l'accent sur l'islam tolérant pratiqué par la monarchie marocaine pour contrer la montée de l'extrémisme religieux. Non moins de 29 manuels ont été révisés suite à cette demande. Mais trois d'entre eux ont déclenché la polémique. En cause : les ouvrages d'éducation islamique porteraient atteinte à la philosophie en la diabolisant, selon les enseignants de cette matière. Au détour d'un chapitre intitulé « Philosophie et foi », on trouve une citation d'un clerc musulman du XIIIe siècle, Ibn Salah el-Chahrazouri, qualifiant la philosophie comme étant « l'essence de la dégénérescence ». Dans ce chapitre, la philosophie, présentée comme « contraire à l'islam », est définie comme « une matière de confusion et d'égarement qui est motivée par la perversion et le blasphème », par le clerc Chahrazouri.

Surpris par l'ampleur de la polémique, le ministère de l'Éducation a essayé de calmer le jeu en minimisant les enjeux de la controverse. « Le débat entre la philosophie et la religion est universel, et cette polémique survient alors que pour la première fois, nous avons essayé de rapprocher la philosophie de l'éducation islamique », explique Rachid Benmokhtar, le ministre de l'Éducation nationale, dans les colonnes du quotidien Le Monde, le 6 février.

Le gouvernement marocain reconnaît que le chapitre introduit une vision hostile à la matière philosophique. Mais il considère que des positions plus favorables sont également mises en avant, sans pour autant donner d'exemple précis. Les enseignants ne le voient d'ailleurs pas de cet œil. « Contrairement à ce qu'a prétendu le ministre, le texte d'Ibn Salah el-Chahrazouri ne porte aucune visée pédagogique, seule une vision religieuse est proposée, la preuve étant qu'aucun texte philosophique n'est présenté pour donner la possibilité de comparer », relate à L'Orient-Le-Jour Abdelkarim Safir, le secrétaire national de l'AMEP. Plutôt que de permettre le débat, le texte chercherait donc à l'étouffer.

 

(Lire aussi : « Le Maroc ne reconnaîtra jamais le Polisario », malgré son retour au sein de l'UA)

 

Remise en cause du système éducatif
L'absence de discussions en amont serait l'une des sources de la discorde. Dans le quotidien Le Monde, le ministre affirme que le directeur des programmes au ministère marocain de l'Éducation s'est entretenu avec des représentants de l'association. Mais le secrétaire national de l'AMEP raconte n'avoir « jamais été reçu, ni jamais eu d'entretien : nous démentons formellement ces propos ». Ce n'est donc uniquement que par médias interposés et communiqués de presse que les opposants se donnent la réplique.

Le manque de communication entre les deux parties s'est fait ressentir dès les premiers instants. À peine édités, les enseignants avaient réclamé la suppression des livres. Cette montée au créneau s'explique en partie par les antécédents historiques. Il y a plusieurs dizaines d'années, les sciences humaines avaient largement pâti de l'importance accordée à l'éducation religieuse dans les programmes scolaires du secondaire. « Les enseignants ont cette crainte d'assister à un véritable retour en arrière, vers l'orthodoxie », explique Abdelkarim Safir.

La place de l'éducation islamique dans les programmes scolaires a toujours posé question. « Le système éducatif au Maroc permet à l'éducation islamique d'être le policier qui faisait la censure dans toute l'école marocaine », résume le représentant de l'AMEP. Il remet en cause le système d'apprentissage, basé selon lui sur « la récitation, même dans les matières scientifiques, occultant les valeurs de la logique, de la rationalité, de l'hypothèse ». Les membres de l'AMEP n'ont pas l'intention de baisser les bras. Ils prévoient d'organiser des conférences sur « la philosophie et l'éducation des valeurs » dans les semaines à venir. Le gouvernement marocain ne souhaite plus s'exprimer pour sa part sur ce sujet. Le Maroc est malgré tout l'un des rares pays à imposer l'enseignement de la philosophie durant trois années. En comparaison, en France ou au Liban, les élèves ne l'étudient qu'en dernière année de lycée.

 

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