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Casseur d’Amérique

C'est la vue du mur qui donne au bouc l'envie de s'y gratter.
(Proverbe algérien)

Il a affolé les Européens en prononçant la mort clinique de l'OTAN. Il a applaudi au Brexit, encore que son prochain séjour à Londres (visite d'État ou visite seulement officielle ?) va donner lieu à un débat au Parlement, sur le point de savoir s'il est digne ou non de rencontrer la reine Elizabeth. Il a déclaré aux Chinois une guerre économique. Il a ostracisé, insulté et enragé ses voisins mexicains, qui n'ont jamais autant déploré que les États-Unis soient si proches et Dieu si loin. Voilà maintenant que Donald Trump s'attire la haine et la colère d'une bonne partie du reste de la planète en barricadant l'accès à ses aéroports face aux ressortissants musulmans de sept pays.

En matière de dégâts, un éléphant dans un magasin de porcelaine ne ferait pas mieux. C'est toutefois le mall américain lui-même, ce lieu magique où l'on trouve tout, où tout peut arriver, où peuvent se réaliser les espérances les plus folles, que le singulier pachyderme est en train de saccager avec le plus d'acharnement, le plus de méthode ; mais s'en rend-il seulement compte ?

En un sens, Donald Trump est sans doute un être des plus sociables. L'ancien animateur de téléréalité a bien peu de respect pour les femmes, mais il recherche obsessionnellement leur compagnie ; à en croire une méchante rumeur, cet homme qui se dit pourtant irrésistible aurait même eu recours, lors d'un voyage d'affaires à Moscou, à de compromettantes amours tarifées, dûment filmées par les renseignements russes. C'est seulement la gigantesque, l'omniprésente Amérique qu'il veut barricader dans ses frontières, qu'il prétend protéger en l'isolant. Pire, en la fragilisant du dedans, en la dénaturant.

Si le milliardaire Donald Trump relisait son histoire, il se souviendrait que les Américains sont, à l'origine, une nation d'immigrés de toutes races et ethnies, souvent démunis, accourant des quatre coins du Vieux Monde à la recherche d'une vie meilleure. Il constaterait que d'illustres immigrés de fraîche date, ou descendants d'immigrés, lui ont apporté leur génie scientifique ou culturel ; ou ils y ont assumé les responsabilités politiques, diplomatiques ou militaires les plus hautes. Il s'apercevrait que ce rêve américain n'a pu traverser les générations que sous la double ombrelle de la démocratie et de la justice : celles-là mêmes que malmène, comme à plaisir, le président.

Illégal, ainsi, le dernier en date de ses ukases, comme le décrétait la ministre intérimaire de la Justice ayant titre de procureure générale adjointe? Limogée séance tenante, l'insolente, et remplacée par un magistrat plus accommodant. Pour ce qui est de la démocratie, Donald Trump, sourd aux incessantes manifestations populaires, sourd même aux protestations indignées de nombre de fonctionnaires du département d'État, peut se vanter d'avoir profondément divisé le peuple américain. Il a miné, pour longtemps, la scène intérieure, le conflit n'étant plus désormais de nature politique mais morale. Croyant faire barrage au terrorisme, il n'a fait en réalité qu'inonder d'engrais les terreaux où pousse le terrorisme. Ce faisant, il a fait voler en éclats ce qui fit toujours la force des Américains, à savoir l'union sacrée face au péril extérieur. Ce triste exploit, aucun Oussama Ben Laden, aucun Daech n'aurait été en mesure de l'accomplir.

Issa GORAIEB
igor@lorientlejour.com

 

 

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