« J'étais si proche du but... murmure-t-il. J'ai vendu ma voiture et quitté mon job. J'ai tout abandonné pour pouvoir partir. » La voix de Saman, qui souhaite utiliser un pseudonyme, trahit sa colère. De 2008 à 2012, cet interprète a travaillé avec les troupes américaines dans la ville de Mossoul, aujourd'hui à nouveau le théâtre d'une bataille sans merci entre les forces progouvernementales et le groupe État islamique.
Après avoir mis sa vie en danger pour aider les États-Unis, cet Irakien devait normalement recevoir dans quelques semaines son visa pour partir habiter au Texas. Mais la décision de Donald Trump de bloquer l'entrée aux États-Unis pendant trois mois des ressortissants d'Irak et de six autres pays musulmans pour, selon lui, lutter contre les « terroristes islamistes radicaux » a brisé les espoirs de Saman.
« Je me sens trahi par les États-Unis. J'ai travaillé sur ma demande de visa pendant trois ans, et j'avais terminé, explique Saman, qui dit connaître plusieurs confrères dans la même situation. Nous sommes tous tellement en colère. Je ne sais pas quoi faire à part attendre (...). Trois ans, c'est très long. Assez long pour être assassiné. Lorsque l'EI est arrivé à Mossoul en 2014, ils ont tué énormément de gens qui ont travaillé avec les États-Unis, comme les interprètes. »
(Éclairage: Les répercussions du décret Trump en Irak)
Le Special Immigrant Visas mis en place en 2008 prévoit une entrée facilitée des citoyens irakiens et afghans qui ont travaillé pour le gouvernement américain pendant les interventions militaires dans ces pays. Nombre de ces employés locaux, comme les interprètes, sont depuis devenus des cibles. « Quand on travaille pour les États-Unis, les gens vous voient comme un traître. Quand j'étais interprète, on m'a dit que ma photo, accompagnée de mon nom, avait été accrochée dans des mosquées de Mossoul », explique Saman.
Le cousin de Saman aura 18 ans dans quelques jours. Malgré les circonstances, il dit « rêver » de travailler un jour avec les troupes américaines qui, plus de cinq ans après leur retrait d'Irak, sont de retour pour combattre les jihadistes de l'EI. Son but : devenir interprète puis, comme une partie de sa famille, émigrer de l'autre côté de l'Atlantique. « L'interdiction n'est prévue que pour trois mois, rappelle Rebaz, qui porte un T-shirt avec un aigle surmonté du mot "Liberté". J'adore les États-Unis, tout simplement. »
Un responsable d'une entreprise chargée, notamment, de recruter des interprètes pour les troupes américaines en Irak assure que le décret de Donald Trump n'aura aucun impact sur le nombre de volontaires irakiens prêts à travailler pour les États-Unis. « J'ai en ce moment même 500 CV sur mon bureau, assure-t-il. Chaque jour je reçois constamment des coups de fil, comme avant le décret. »
En attendant d'en savoir plus sur l'obtention, ou non, de son visa, Saman va tenter de retrouver un travail en Irak. « J'aime les États-Unis, même encore aujourd'hui. Je serai toujours fier d'avoir travaillé avec eux, assure-t-il. Mais si c'était à refaire, je ne recommencerais pas. Je ne leur fais plus confiance. »
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commentaires (5)
MON COMMENTAIRE PARLE DU REVE QU,ESCOMPTE D,IMPOSER TRUMP... MAIS LA FACON IRRESPONSABLE DONT IL PREND ET FORCE LES CHOSES PEUT ETRE, MEME SI REUSSIE AILLEURS, UN ECHEC A LA MAISON...
LA LIBRE EXPRESSION
16 h 46, le 01 février 2017