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Slumdog Society

En Europe, surtout devant les monuments, en haillons sombres et délavés ils prennent tous la même posture, dos rond, front contre terre, bras allongés et mains jointes autour d'une timbale. Votre pièce aura beau tinter, vous ne verrez pas leur visage. Vous vous demanderez même s'ils sont morts ou vivants, s'ils dorment ou s'ils font semblant, s'ils n'ont pas froid à rester ainsi sans bouger, s'ils vont finir par aller l'échanger, votre pièce, contre quelque chose à manger ou à boire, mais rien ne leur fait changer de position. D'où viennent-ils ? Où crèchent-ils ? Qui a instauré leur chorégraphie immobile ? Mystère. Une chose est sûre : ils ne veulent pas de votre compassion, ils ne veulent pas avoir à remercier, ils ne veulent ni contact ni échange. Jetez votre aumône comme vous l'auriez fait par la fente d'un tronc d'église et passez votre chemin, lequel sera jalonné d'autres paquets humains tout aussi inertes, hiératiques, identiques.

Chez nous, c'est encore l'ancienne mode, le business pittoresque des roses rouges sous cellophane ; les bébés de louage engourdis qui passent de bras en bras et que nul n'allaite ni ne change; la cohorte des vrais estropiés et des faux paralytiques. Ils vous harcèlent, prennent des airs de chien battu, font semblant de pleurer, vous crèvent le cœur et les poches, vous arrachent des sourires et des larmes, se dépêchent de vous avoir à l'usure avant que le feu tourne au vert. Ignorez-les et ils iront jusqu'à inventer mille petites vengeances exaspérantes : lécher le pare-brise, donner un coup de pied dans la carrosserie, vous marmonner une insulte. Mais ils savent aussi répandre leur poésie de moineaux dans la grisaille des villes, tourner des compliments et, d'un trait d'humour désopilant, illuminer votre journée. Entre deux arrêts de la circulation, c'est la grande récréation. Ils se poursuivent, se bousculent, chahutent et rient aux éclats, empereurs de ce macadam que le reste de l'humanité ne fait que leur emprunter. On croit leur activité erratique, mais elle est trop schématisée pour tenir du hasard. Leurs litanies sont exactement les mêmes, à croire qu'avant de gagner leurs postes respectifs, ils ont assisté à une réunion d'entreprise, reçu un briefing et promis d'améliorer les profits. Il fut un temps où les aveugles étaient formés à des techniques vocales précises pour gagner leur vie aux dépens du bourgeois. Leurs mélopées lancinantes fendaient les pierres des cathédrales au pied desquelles ils se tenaient, qu'il pleuve ou qu'il fasse beau temps. Si la pauvreté n'est pas un choix, en revanche, n'est pas mendiant qui veut. Il faut mériter sa place dans cette société parallèle, connaître son langage et sa gestuelle, sa juridiction, ses codes et sa hiérarchie.

Et si nos mendiants nous semblent plus nombreux, c'est que des confrères d'outre-frontière sont venus grossir les rangs de leur communauté immémoriale. Non pas ces réfugiés qui acceptent les subsides, mais des clochards célestes qui vivent de sourires, de litanies et de provocations, se nourrissent de notre mauvaise conscience et, souverains en guenilles, imposent un péage sur le domaine où ils règnent : une petite langue d'asphalte, une portion de ciel et de vent.

En Europe, surtout devant les monuments, en haillons sombres et délavés ils prennent tous la même posture, dos rond, front contre terre, bras allongés et mains jointes autour d'une timbale. Votre pièce aura beau tinter, vous ne verrez pas leur visage. Vous vous demanderez même s'ils sont morts ou vivants, s'ils dorment ou s'ils font semblant, s'ils n'ont pas froid à rester ainsi sans...

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Qu'en pensent.... les Mosquées et les Églises ? Et que fichent-elles avec leurs Wâkfs/Biens d’Églises ? Allâhoû Akbâr et Ainsi soit-ïîîîl !

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

09 h 59, le 26 janvier 2017

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Commentaires (1)

  • Qu'en pensent.... les Mosquées et les Églises ? Et que fichent-elles avec leurs Wâkfs/Biens d’Églises ? Allâhoû Akbâr et Ainsi soit-ïîîîl !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    09 h 59, le 26 janvier 2017

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