Partis d'Alep il y a des mois et réfugiés dans les pays voisins, de nombreux Syriens opposés au régime de Bachar el-Assad ont pratiquement abandonné tout espoir de rentrer chez eux.
"Si je retourne là-bas, je serai exécuté", prédit Abdoulhamid Zoughbi, 30 ans. Après avoir travaillé pendant des années dans les services de secours d'Alep-Est, il s'est enfui en Turquie avec femme et enfant dans le courant de l'année. Elle était blessée et leur bébé malade.
Il pensait pouvoir revenir mais l'accès à Alep s'est fermé.
"Je ne peux même pas envisager de rentrer au pays tant que le régime d'Assad est en place. Pour quiconque a été dans l'opposition c'est impossible", dit-il.
La prise d'Alep-Est cette semaine par les forces gouvernementales syriennes, et leurs alliés russes et iraniens, a alimenté les craintes de sévères représailles menées contre tout membre de l'opposition au régime de Damas.
Le Haut Commissariat de l'Onu aux droits de l'homme a fait état de 82 exécutions sommaires imputées à l'armée et aux milices qui lui ont prêté main forte dans les quartiers repris aux insurgés. L'armée syrienne a nié procéder à des exécutions sommaires de prisonniers et recourir à la torture.
Abdoulhamid Zoughbi dit avoir entendu parler d'arrestations. "Ils arrêtent les leaders tout de suite (...) Pour les autres, maintenant ils ont le temps, ils vont enquêter et les arrestations interviendront plus tard."
"J'ai un ami qui s'est rendu dans une zone aux mains des forces gouvernementales, trois jours plus tard il a été arrêté."
De source militaire syrienne, on dément l'existence de pareilles arrestations. Toute personne dont l'identité est inconuue est placée dans "des lieux spécifiques", dit-on.
(Lire aussi : Chez les évacués d'Alep, on rêve déjà du retour)
Toute la vie en exil
Abou Rakhan, un homme de 51 ans réfugié au Liban, juge lui aussi que la situation est devenue très dangereuse. Son beau-frère, un combattant rebelle d'Alep, a été tué et sa soeur a disparu il y a quelques jours.
"Si on rentre, ce sera encore plus dangereux qu'avant", dit-il. "Cela fait quarante ans qu'on connait ce régime, on sait bien comment il se comporte."
Pour lui, un retour en Syrie ne pourrait s'effectuer que dans le cadre d'une "complète réconciliation nationale", avec un gouvernement démocratiquement élu et une nouvelle Constitution, perspectives, il l'avoue, aujourd'hui plus éloignées que jamais.
Hala, 37 ans, vit à Beyrouth où elle travaille pour une organisation qui s'occupe des questions de citoyenneté pour les Syriens. Comme ses compatriotes, elle ne prévoit pas de retourner dans son pays tout de suite.
"Assad doit d'abord partir", dit-elle.
Tous les trois, Abdoulhamid, Abou et Hala voudraient bien en fait pouvoir rentrer un jour dans leur pays.
Parce que la vie en exil de réfugié, ils n'en veulent pas, même si elle est pour eux relativement confortable comparé à ce qu'endurent des dizaines de milliers de personnes dans des camps d'aide humanitaire au Liban ou en Turquie.
"Il n'y a aucun avenir pour moi au Liban", dit Hala. "Je travaille au noir parce que c'est très difficile d'obtenir un permis de résidence et puis je ne peux pas avoir d'assurance maladie car je ne suis pas inscrite sur les listes des Nations unies".
Environ 70% des Syriens réfugiés au Liban vivent sous le seuil de pauvreté, selon l'Onu. Cinq millions de Syriens ont quitté leur pays depuis le déclenchement de la guerre civile en mars 2011, un conflit qui a fait plus de 300.000 morts.
Abdoulhamid pense qu'il passera toute sa vie en exil. "Mon ambition maintenant, c'est de partir de Turquie, d'aller peut-être en Europe ou en Amérique."
"Je n'ai pas le choix."
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commentaires (4)
Il sera difficile de faire de la Syrie un état démocratique La Syrie en 5 ans c'est comme un grand miroir qui est tombé et il s'est brisé en plusieurs morceaux Chercher à coller ces morceaux est une tâche impossible , malgré le déploiement musclé de Poutine
FAKHOURI
20 h 06, le 18 décembre 2016