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À La Une - Reportage

Chez les évacués d'Alep, on rêve déjà du retour

"Si on ne s'unit pas, on va se retrouver dans une situation pire que celle des Palestiniens. On va errer d'une maison à l'autre, d'un pays à l'autre"

Des enfants syriens, entassés dans une voiture, attendent d'être évacués d'Alep-est, le 16 décembre 2016. Photo REUTERS/Abdalrhman Ismail

"J'ai vu Alep pour la dernière fois". A Khan al-Assal, au milieu des sirènes hurlantes des ambulances et des hommes en pleurs, des milliers de personnes évacuées de la dernière poche rebelle d'Alep sont au désespoir après leur départ.

"C'était catastrophique. J'ai fait la prière du matin, c'était la dernière à Alep et j'ai pleuré. Je ne sais pas ce que je vais faire, la seule chose à laquelle je pense c'est de retrouver mes proches", s'emporte Mohammad, professeur d'université, ponctuant ses propos par de larges mouvements de la main qui traduisent sa colère.

Depuis le début des évacuations jeudi, plus de 8.000 personnes, des civils, mais aussi des rebelles, ont quitté la dernière poche d'opposition d'Alep, transportés dans des autobus surchargés et des ambulances vers Khan al-Assal, une région en territoire rebelle à 5km seulement à l'ouest de la deuxième ville de Syrie.

"J'ai quitté ma patrie, j'ai vu Alep pour la dernière fois", lance le jeune homme, un épais blouson sur les épaules et une écharpe noir enroulée autour de sa tête pour se protéger du terrible froid de décembre.
"Il reste beaucoup de gens à Alep qui attendent qu'on vienne sauver leur âme", désespère-t-il, alors que le régime a suspendu vendredi les opérations d'évacuation.
Les hommes vont et viennent, emmitouflés dans des blousons aux couleurs sombres, de lourds sacs à dos juchés sur leurs épaules. Certains ne retiennent pas leurs larmes.
Un enfant, flottant dans une veste bleue électrique qui lui arrive aux genoux, a quitté sa maison avec ses canaris en cage.
Un autre, évacué sur une civière, la main bandée et le visage émacié, disparaît sous une montagne de couvertures colorées. Les habitants des quartiers Est d'Alep ont dû faire face depuis juillet à de graves pénuries alimentaires à cause d'un siège imposé par le régime.

 

(Lire aussi : Des milliers de Syriens attendent la reprise des évacutions d'Alep)

 

'On reviendra'
Pour les évacués, le calvaire ne fait que commencer. Certains vont tenter de se rendre chez des proches installés en territoire rebelle, dans la province d'Alep ou celle voisine d'Idleb, dernier bastion des insurgés.
D'autres trouveront refuge dans des centres d'accueil ou des camps de réfugiés. Les blessés, eux, seront transférés vers des hôpitaux de la région ou en Turquie.

Khan al-Assal n'est donc qu'une escale, et les sacs et baluchons des personnes évacuées sont déchargés d'un véhicule puis remontés sur d'autres minibus.

Grâce à Internet et aux talkies-walkies, les différents hôpitaux de la région et les services d'urgence gardent une base de donnée unifiée, pour "envoyer le malade immédiatement vers l'hôpital qui a un lit ou une chambre d'opération disponible", explique à l'AFP Ahmad al-Dbis, chef d'une unité de médecins et de volontaires qui coordonnent l'évacuation.

 

(Lire aussi : Assad après Alep : le roi est nu)


Les combattants, eux, sont accueillis et pris en charge par leur faction qui vient les récupérer.
"On a quitté notre terre", lance Abou Ahmed Salah, barbe blanche fournie et encore en uniforme militaire. "Tout le monde nous a laissés tomber", lâche-il, sourire désabusé aux lèvres.
"Si on ne s'unit pas, on va se retrouver dans une situation pire que celle des Palestiniens. On va errer d'une maison à l'autre, d'un pays à l'autre", lâche-t-il. "Mais on va s'unir, et on reviendra à Alep", assène-t-il, son arme en bandoulière.

Quelque 40.000 civils sont toujours pris au piège dans le réduit rebelle d'Alep, selon l'émissaire de l'Onu pour la Syrie Staffan de Mistura, avec entre 1.500 et 5.000 combattants et leurs familles.
"On espérait que le siège allait être brisé", confie Abou Mohammad, barbe grisonnante et bonnet bleu marine enfoncé sur le crâne. Amputé d'un pied après des combats à Alep, il descend du minibus, aidé par ses béquilles. "Si Dieu le veut, on reviendra à Alep victorieux", lance-t-il.

 

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