J'ai 28 ans. En 2012, j'étais étudiant en finances à l'Université d'Alep. J'ai immédiatement rejoint le mouvement contestataire des étudiants. Par conséquent, j'ai été parmi ceux recherchés par le régime. J'ai déménagé vers les quartiers sous contrôle des rebelles, à l'Est. Bien entendu, j'ai dû interrompre mes études.
Je me suis redirigé vers le journalisme activiste et j'ai monté une boîte de production TV. J'ai rejoint le Conseil de la révolution du quartier Salaheddine, qui est un conseil local civil et un bureau d'informations. J'ai travaillé également à l'AMC (Aleppo Media Center). Puis j'ai été photographe de presse pour une agence française durant 6 mois. J'ai ensuite travaillé pour al-Jazira en tant que producteur et vidéaste. En ce moment, je suis free lance et je travaille sur des courts-métrages.
J'ai été marié, mais j'ai divorcé. J'ai un fils, Omar, qui a 1 an et 2 mois. Il est en Turquie. Je suis seul ici, dans Alep assiégée. Salah el-Achkar n'est pas mon vrai nom. C'est un pseudo. Nous avons tous pris un nom de révolutionnaire au début. On m'appelait « le blond », d'où le « al-Achkar », puis je me suis choisi le prénom Salah. Mon vrai nom, c'est Abdel Karim Serjia.
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J'ai choisi de m'engager dans la révolution parce que le régime nous privait de liberté, le régime volait son propre peuple et ses richesses, parce que le régime a tué des enfants et arraché leurs ongles à Deraa, parce que le régime a massacré des femmes, des hommes, des vieux et des enfants à Homs. Il y a mille et une raisons qui m'ont poussé à rejoindre la rébellion. J'ai toujours souhaité que mon pays soit le meilleur au monde. Je disais toujours espérer que la Syrie devienne la Suisse.
En tant que témoin de ce qui se passait sur le terrain quotidiennement à Alep, ces 5 ans m'ont beaucoup apporté. Ce n'était qu'un soulèvement du peuple. Mon seul but a été d'aider les enfants de mon pays à réussir cette révolution. À plusieurs reprises, j'ai eu la possibilité de quitter Alep, mais je voulais y rester coûte que coûte afin de défendre la cause. Afin que nous, Syriens, soyons enfin libres. En cinq ans, j'ai perdu beaucoup d'amis. Je suis fils unique et ils étaient devenus comme mes frères. Certains sont morts, d'autres ont choisi l'exil. Il m'en reste quelques-uns ici à Alep assiégée. J'ignore ce que l'avenir nous réserve.
J'ai tout vécu. J'ai côtoyé toute la souffrance et la détresse humaine. J'ai vu la mort devant moi plusieurs fois, et je l'ai même filmée. Mais je ne regrette rien de ce que j'ai fait durant toutes ces années. Bien au contraire. Je considère que l'histoire retiendra qu'il y avait un groupe de jeunes qui ne réclamaient que la liberté et qui refusaient la dictature. Même s'ils ont échoué, au moins, ils auront essayé. Et j'espère que notre tentative poussera d'autres à continuer en ce sens. Peut-être que, à plusieurs reprises, cette rébellion s'est écartée de son but premier, qui est d'instaurer la démocratie. Mais la meilleure chose que j'ai faite dans ma vie a été de participer à cette révolution.
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17 h 20, le 15 décembre 2016