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À La Une - portrait

Après le 13 novembre, les vies bouleversées des victimes

Les attentats du 13 novembre ont provoqué un cataclysme chez la plupart des victimes, incapables de retrouver leurs routines passées, un an après les faits.

Les attentats du 13 novembre ont provoqué un cataclysme chez la plupart des victimes, incapables de retrouver leurs routines passées, un an après les faits. Photo d'archives AFP.

Nuits sans sommeil suivies de journées d'angoisse, perte de repères, comportements modifiés, vie professionnelle perturbée... les attentats du 13 novembre ont provoqué un cataclysme chez la plupart des victimes, incapables de retrouver leurs routines passées, un an après les faits.

 

"Six mois dans une boîte"
Estelle Arzal, 28 ans, est ressortie physiquement indemne de La Bonne bière, un bar du XIe arrondissement, quand cinq personnes ont trouvé la mort autour d'elle. Mais son quotidien s'en est retrouvé bouleversé.

Pendant six mois, "je suis restée chez moi à ne rien faire", "comme dans une boîte", raconte-t-elle posément.
En proie aux crises de larmes, qui surgissent "n'importe où, n'importe quand, je-sais-pas-pourquoi", Estelle se stabilise à coup d'anxiolytiques, avant de tenter d'autres thérapies, comme l'acupuncture. Elle prend du poids, se sépare de son compagnon de l'époque.

Cette habitante de Seine-Saint-Denis déménage, fuyant "trop de bruit, trop de violence". Elle s'installe "dans une résidence très sécurisée" des Yvelines. "Je suis devenue parano", commente-t-elle. Paris, où elle travaille, devient pour Estelle "une grosse angoisse". Dès qu'elle arrive à Saint-Lazare, elle se sent mal: "Les transports en commun, les bars... tout ça me pose problème."

Diminuée, fragile, cette auxiliaire de vie scolaire dans un collège du XVe arrondissement travaille désormais à mi-temps. "Je suis en décalage, je me sens +en handicap+." "On a l'impression qu'il y a le monde, et nous", résume Estelle, toutefois résolue à "réapprendre à vivre, reprendre joie à des choses". "Je ne veux pas rester une victime."

 

 

"L'impression d'être dans James Bond"
Maureen Roussel était assistante maternelle avant d'assister au concert des Eagles of Death Metal au Bataclan. Elle ne l'est plus aujourd'hui, mais préside l'association qu'elle a créée, Life for Paris, qui vient en aide aux victimes.

Exercer son métier "n'avait aucun sens. Je me suis dit que face au danger, je ne pouvais même pas me protéger moi-même. Alors avoir la responsabilité d'enfants, ça m'était insupportable", explique cette jeune mère de famille aux cheveux courts.

Très inquiète dès lors qu'elle s'approche d'une école -"j'ai toujours peur qu'il s'y passe quelque chose"-, Maureen confie se trouver encore "dans un équilibre hyper-précaire".
Dans un lieu public, "je regarde les sorties, les évacuations". "Constamment en train" de se "faire des scénarios", "j'ai l'impression d'être James Bond, que tout peut exploser derrière moi", décrit-elle doucement.

Tout en confiant sa "lassitude", l'"anesthésie" de ses réactions, la "stabilisation" forcée de ses humeurs. "On a envie de s'énerver, de crier, de pleurer, de profiter, de se laisser aller... Mais ça ne vient pas." La salut, outre sa fille, réside alors dans l'aide qu'elle peut apporter aux autres, via l'association Life for Paris. 650 adhérents, des victimes ou leurs proches, s'y sont vu entourés, guidés dans leurs démarches administratives.
"Avant je gardais de petits gamins. Maintenant, j'ai l'impression d'aider plein de grands enfants."

 

(Lire aussi : Nadim, rescapé franco-libanais du Bataclan, et cette tristesse qui ne veut pas le lâcher)

 

"La vie est presque plus belle"
"Je suis bien en vie. Je suis content de vivre." Claude-Emmanuel Triomphe, 58 ans, se dit "optimiste de nature". Malgré une balle dans le bras, une autre qui lui a brûlé l'intestin et le nerf sciatique, et des fragments reçus dans la cheville droite alors qu'il buvait lui aussi un verre à La Bonne bière.

Aujourd'hui, son pied droit est aux trois quarts paralysé et il doit s'astreindre à des séances de kiné deux fois par semaine, et une heure et demie d'exercice quotidien.
Lui préfère retenir son "ange", une médecin italien, qui lui a posé des garrots avec des serviettes du bar. Et les compétences d'une amie médecin, qui l'a sauvé in extremis d'une embolie pulmonaire, résultat d'une "négligence médicale", alors qu'il était baladé d'hôpital en hôpital. "J'ai failli mourir une seconde fois."
Couché pendant plusieurs semaines, il n'a alors pour seul horizon que le plafond. "Ma vie a changé, lorsque j'ai été verticalisé" début 2016, raconte-t-il.

"J'ai réappris à mettre un pied devant l'autre." Fauteuil roulant, béquilles, il marche seul fin mars. Ce passionné de randonnée ne peut plus se promener sauf "si les chemins sont plats". Il refuse d'abord un soutien psychologique, estimant qu'il n'en avait "pas besoin". "J'avais un super moral dès le 14 novembre." Il cède mi-janvier.
"Si on a la chance comme moi d'avoir une seconde vie..." déclare-t-il en posant ses yeux clairs et doux sur son interlocuteur. "La vie est presque plus belle..." Les mots restent coincés.

Lundi, Claude-Emmanuel, fonctionnaire, reprend un nouveau travail, dans une autre ville, Marseille, "pas par sentiment d'insécurité, mais parce que c'est la fin d'une histoire".

 

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