Pour le deuxième jour de sa visite au Liban, le ministre iranien des Affaires étrangères, Mohammad Javad Zarif, s'est rendu à la Maison du Centre. Il s'est entretenu avec le chef du gouvernement désigné, Saad Hariri. Il s'agit de la première rencontre du chef du courant du Futur avec un responsable iranien depuis la chute de son premier gouvernement en 2011. La réunion s'est déroulée en présence de Bassem Sabeh, Ghattas Khoury et Nader Hariri, conseillers du Premier ministre désigné.
À l'issue de l'entretien, M. Zarif a dit avoir félicité Saad Hariri et le peuple libanais de « la victoire de la logique de la démocratie au Liban ». « J'ai affirmé la détermination de la République islamique à collaborer avec le Liban, dans tous les domaines », a souligné le chef de la diplomatie iranienne, avant de poursuivre : « Les dangers qui nous menacent tous résident principalement dans les terrorismes jihadiste et sioniste. »
« Nous sommes prêts à collaborer avec le peuple libanais frère, toutes confessions confondues, pour faire face à ces dangers », a-t-il dit.
De Freige : L'importance du timing
Interrogé à ce sujet par L'Orient-Le Jour, le ministre d'État sortant pour le Développement administratif, Nabil de Freige, a fait savoir que la rencontre entre MM. Zarif et Hariri était « franche », dans la mesure où les deux hommes en ont profité pour exprimer leurs points de vue respectifs concernant les dossiers régionaux épineux, « d'autant plus que la position du Premier ministre désigné est connue ». Selon M. de Freige, la discussion a porté aussi sur les relations économiques libano-iraniennes.
Si le ministre iranien a préféré axer son discours à Beyrouth sur la dimension économique des relations bilatérales, M. de Freige n'a pas manqué de donner une explication politique à la visite du chef de la diplomatie iranienne : « Cette tournée intervient au lendemain du discours d'investiture du président de la République, Michel Aoun, ainsi que de son dernier discours prononcé dimanche devant ses partisans », a-t-il noté, avant d'ajouter : « Ces deux discours ont été principalement axés sur le respect désormais impératif de la Constitution, et la déclaration de Baabda, alors que tout le monde sait qui portait atteinte à la Constitution. »
Nabil de Freige est même allé plus loin, au point d'estimer que « le timing de la visite de M. Zarif, qui coïncide avec l'entretien qui a eu lieu lundi entre Michel Aoun et l'émissaire de Bachar el-Assad, Mansour Azzam, vient rappeler au chef de l'État l'orbite autour de laquelle il gravitait avant son élection, ainsi que les grands efforts déployés par cet axe pour le mener à la tête de l'État ».
La visite de Mohammad Javad Zarif s'inscrit-elle dans le cadre d'une nouvelle phase dans les relations libano-iraniennes ? Pour Nabil de Freige, « les intentions exprimées par le ministre iranien des Affaires étrangères ne suffisent pas, nous en attendons la concrétisation ».
(Lire aussi : L'enjeu pour Hariri : éviter l'enlisement dans les marchandages)
L'hommage à Berry
Le chef de la diplomatie iranienne s'est également entretenu hier avec le président de la Chambre, Nabih Berry, à Aïn el-Tiné. La discussion, qui s'est poursuivie autour d'un déjeuner, a porté sur les derniers développements locaux et régionaux.
À sa sortie, M. Zarif a tenu à mettre l'accent sur « le rôle du président Berry lors de la séance d'élection du chef de l'État », ainsi que « ses efforts pour la formation d'un nouveau cabinet ». Selon lui, « le rôle de Nabih Berry est essentiel et fondamental parce qu'il prend en considération l'intérêt du peuple libanais. Nous soutenons cette orientation et espérons que le nouveau gouvernement verra le jour prochainement », a-t-il déclaré.
À la question de savoir si l'accès de Michel Aoun au palais de Baabda était une victoire pour l'Iran, Mohammad Javad Zarif s'est contenté de répondre : « Tout succès enregistré au Liban est le nôtre et celui du peuple libanais.»
Joint par L'OLJ, Michel Moussa, député berryiste de Zahrani, a mis l'accent sur la volonté de M. Zarif de louer la contribution du président de la Chambre à la tenue de l'élection présidentielle et au lancement du processus de formation du cabinet. « La visite est une expression des relations d'amitié liant le Liban à l'Iran ; elle ne ne supporte pas nécessairement des interprétations politiques », a encore dit M. Moussa.
Selon des sources politiques interrogées par L'OLJ, la tournée de Mohammad Javad Zarif à Beyrouth a visé à renforcer et à consacrer l'influence de l'Iran, hégémonique selon d'aucuns, sur quelques capitales arabes, à savoir Beyrouth, Damas, Bagdad et Sanaa. Dans les mêmes milieux, on estime que les Iraniens ont voulu confirmer aussi, notamment par le timing de la visite de leur ministre des AE, que le mandat de Michel Aoun était le leur et n'est autre qu'une victoire de leur projet régional.
En louant l'action de Nabih Berry, M. Zarif a voulu adresser ce message à qui de droit : « Les chiites ont un rôle important dans le pays et un gouvernement qui ne les inclut pas ne verra pas le jour, ajoute-on de mêmes sources », avant de poursuivre : « La visite a redynamisé le dialogue entre le Hezbollah et le courant du Futur qui devraient tenir une nouvelle séance ce soir chez Nabih Berry. »
Notons enfin que le chef de la diplomatie iranienne a rencontré hier aussi le Premier ministre sortant, Tammam Salam. Dans la nuit de lundi à mardi, il s'était entretenu avec le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah.
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14 h 22, le 10 novembre 2016