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Liban - En toute liberté

Les défenses de la paix

« Les guerres naissent dans l'esprit des hommes, c'est dans l'esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix », assure la Convention de création de l'Unesco (1949), l'organisme des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture. La convention ajoute qu'il est insuffisant de fonder la paix sur des accords politiques et économiques, et que pour emporter une « adhésion unanime, durable et sincère » des hommes à la paix, il faut également la fonder sur « la solidarité intellectuelle et morale » de l'humanité. Le principe de laïcité a interdit aux auteurs de la convention d'ajouter le mot « spirituel » à cette séquence, mais le spirituel s'impose de toute façon, pudeur laïque ou pas.

Ces principes s'imposent à l'esprit après l'élection de Michel Aoun à la présidence de la République. Le compromis qui a rendu possible cette élection est d'une certaine façon une garantie de modération. Chacune des communautés modère l'autre. Il reste quand même vrai que ce mariage de raison doit être consolidé et approfondi pour être durable.
Le compromis, pour commencer, ne doit pas se faire au détriment de la mémoire. Le Liban ne peut se payer le luxe d'un surcroît d'amnésie. Certes, Michel Aoun et Samir Geagea ont tous deux discrètement évoqué le souvenir de ceux qui sont morts pour la cause qui, aujourd'hui, semble avoir triomphé avec l'élection présidentielle. Mais cette vocation reste insuffisante. Si les familles des martyrs réclament justice, les morts, eux, méritent justice. Le Liban mérite justice. Le travail de mémoire, sans être paralysant, reste nécessaire, pour les familles des victimes, les blessés et invalides de guerre, les personnes enlevées ou disparues et même les relations entre le Liban et la Syrie. Même l'Iran n'y a pas renoncé, et continue de rechercher avec acharnement quatre de ses diplomates disparus dans les années 80. Par ailleurs, contrairement à ce que l'Occident a fait, nous n'avons pas de cimetières de guerre, de ces immenses lieux de mémoire où s'alignent à perte de vue les pierres et croix tombales des soldats morts pour la patrie. Chez nous, ce sont plutôt les fosses communes, entonnoirs d'oubli où ont été jetés les morts encombrants, qui se sont multipliées.

Le travail de mémoire est nécessaire pour que le compromis auquel nous sommes parvenus ne reste pas politique, mais devienne « unanime, durable et sincère » et emporte l'adhésion de l'esprit et des cœurs.
Un travail de mémoire a commencé à se faire entre Forces libanaises et Courant patriotique libre. C'est en partie grâce à lui que deux grands partis représentatifs de l'électorat chrétien ont pu faire cause commune et faire avancer celle de l'élection présidentielle. Ce rapprochement doit encourager les autres partis « chrétiens », et notamment les Kataëb et les Marada, à élargir leurs horizons et à dépasser, l'un son juridisme, l'autre son régionalisme, pour s'engager sur la même voie, approfondir chacun son charisme propre, dans la communauté des valeurs et principes qu'ils partagent tous à divers titres : foi dans la démocratie, respect du pluralisme, ouverture, etc. Le décloisonnement doit être le mort d'ordre de la phase qui s'ouvre.

Gain historique
Par ailleurs, il est normal, maintenant que Michel Aoun a été élu, que chacune des parties prenantes de la crise cherche à tirer la couverture à elle. La visite chez nous du ministre iranien des Affaires étrangères entre dans ce cadre, comme celle de l'émissaire de la présidence syrienne à Baabda. Mais ce serait une grave erreur de voir dans l'élection de Michel Aoun une quelconque victoire politique, plutôt qu'un gain historique. Le véritable vainqueur de cette élection, c'est le vivre ensemble et le véritable perdant, l'entropie qui nous conduisait à l'abîme. On en veut pour preuve notoire la manière dont la désignation de Saad Hariri a désamorcé la fièvre fondamentaliste qui gagnait la rue sunnite. Hassan Nasrallah n'a pas hésité à parler, avec tout le sérieux d'usage, du « grand sacrifice » qu'il a fait pour accepter que Saad Hariri soit désigné Premier ministre. Pourtant, en termes de baisse d'hostilité à son mouvement, il en est l'un des principaux bénéficiaire. Il est indispensable de continuer à aller dans ce sens, c'est-à-dire vers l'autre.

Cela dit, si le principe de donner au nouveau régime cent jours, avant de le critiquer, est vrai, il n'est pas défendu de garder les yeux ouverts. Et de parler, pour commencer, des écarts de langage politique de Gebran Bassil : « Si tu me reconnais, je te reconnais ; sinon, je ne te reconnais pas », a-t-il été jusqu'à dire publiquement, à l'occasion d'un dîner à Zahlé. Ce langage est indigne d'un bras droit de chef d'État. C'est celui d'un cowboy, d'un homme de frontières. Mais la véritable frontière, la frontière qui est vraiment la dernière, ce n'est pas l'Autre, c'est le primitif, le sauvage, l'orgiaque et l'assassin en chacun de nous, c'est notre héritage commun, le « vieil homme ». Et si l'on utilise ici un langage d'Église, c'est que cette observation s'adresse à un « chrétien », et pas seulement à un « chrétien politique ».

Par ailleurs, dans son discours à ses partisans, dimanche, Michel Aoun a parlé comme si de rien n'était d'un Liban fort dont la Constitution serait irréprochablement respectée, alors même que son arrivée au pouvoir est due à une succession de violations de la Constitution sous forme de défauts de quorum. En vérité, nous sortons d'une période de décadence à laquelle ont contribué ceux-là mêmes qui président en ce moment à nos destinées. Pour toutes ces raisons, il est plus impératif que jamais que tous les camps restent vigilants, et continuent à dresser avec acharnement, dans les esprits, « les défenses de la paix ».

 

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« Les guerres naissent dans l'esprit des hommes, c'est dans l'esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix », assure la Convention de création de l'Unesco (1949), l'organisme des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture. La convention ajoute qu'il est insuffisant de fonder la paix sur des accords politiques et économiques, et que pour emporter une «...
commentaires (5)

Moi je pari sur le fait que plus rien ne sera permis comme avant !!! Wait and see comme disent les anglais !!

Bery tus

20 h 47, le 09 novembre 2016

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Commentaires (5)

  • Moi je pari sur le fait que plus rien ne sera permis comme avant !!! Wait and see comme disent les anglais !!

    Bery tus

    20 h 47, le 09 novembre 2016

  • "Il n'est pas défendu de garder les yeux ouverts. Et de parler des écarts de langage du béSSîîîl : « Si tu me reconnais, je te reconnais ; sinon, je ne te reconnais pas », a-t-il été jusqu'à dire publiquement ! Ce langage est indigne même d'un bras droit.... Cassé ! Ce n'est celui que d'un cowboy. Par ailleurs, l'autre, Mâräoûn boSSfâïr-amer a parlé comme si de rien n'était d'un Liban dont la Constitution serait respectée, alors même que son arrivée au pouvoir est due à une succession de violations de la Constitution ! En vérité, nous sortons d'une période de décadence à laquelle ont contribué ceux-là mêmes qui président en ce moment à nos destinées." ! Tout est dit. Merci M. Fady Noun pour votre clairvoyance et votre honnêteté.

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    18 h 03, le 09 novembre 2016

  • L'appatenance Nationale et non le suivisme qui sauve notre pays...la vraie entente une necessite...

    Soeur Yvette

    16 h 36, le 09 novembre 2016

  • SEULE L,APPARTENANCE NATIONALE ET NON LE SUIVISME QU,IL SOIT IRANIEN OU SAOUDITE EST LE REMEDE POUR QUE VIVE LE PAYS PAR TOUS SES FILS... LE DIALOGUE ET L,ENTENTE... LA VRAIE ENTENTE... SONT DES NECESSITES ABSOLUES...

    LA LIBRE EXPRESSION

    12 h 03, le 09 novembre 2016

  • Vous faites de l'ombre à Grandi ou à Luther King. Mais force est de reconnaître que votre article tranche de ceux qu'on lisait avant l'élection du Phare Aoun . Au moins vous , vous faites amende honorable. On attend les autres .

    FRIK-A-FRAK

    09 h 15, le 09 novembre 2016

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