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Économie - Focus

La Régie s’inquiète d’une hausse éventuelle des taxes sur la cigarette

Le monopole libanais surveille de près la grand-messe de la lutte antitabac, cette semaine en Inde, craignant un renforcement de la pression pour une hausse des taxes.

Le marché du tabac s’élevait à 700 millions de dollars en 2015, selon la Régie des tabacs et tombacs. Photo S. Ro.

À partir d'aujourd'hui et jusqu'au 12 novembre, les 180 signataires de la convention-cadre de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) pour la lutte antitabac, entrée en vigueur en 2005, se réuniront à New Delhi, en Inde, pour se pencher sur sa mise en œuvre. Le protocole pour éliminer le commerce illégal des produits du tabac, introduit en 2012 par l'OMS et signé depuis par 53 États, est aussi à l'ordre du jour. Si le Liban, qui a ratifié la convention-cadre mais pas le protocole, enverra des représentants du ministère de la Santé, la Régie libanaise des tabacs et tombacs n'a, comme l'ensemble de l'industrie du tabac, pas le droit d'y participer.
Elle reste toutefois déterminée à faire entendre sa voix. Fin septembre, la régie avait dénoncé avec véhémence les « restrictions » – soit l'imposition de nouvelles taxes – sur le commerce du tabac, qui « encouragent la contrebande ». L'augmentation progressive des taxes fait en effet partie des directives de la convention-cadre de l'OMS, qui la considère comme le moyen le plus sûr pour faire baisser la consommation. L'institution suggère que les taxes atteignent « au moins 70 % du prix de vente » du paquet de cigarettes. Au Liban, le paquet est taxé à 34,9 % – dont 25,8 % en droits de douane et 9,1 % de TVA -, rapporte à L'Orient-Le Jour le secrétaire général de la Régie, Georges Hobeika.

Hausse de la contrebande

De son côté, la Régie met en avant l'exemple de 1999, lorsque le gouvernement avait augmenté de 54 % les droits de douane et de 113 % les droits d'accises sur les cigarettes importées. Selon la Régie, la contrebande avait augmenté en flèche et ses ventes avaient chuté d'un tiers. « Avec la guerre en Syrie, la contrebande est repartie à la hausse et représente un quart du marché, qui s'élevait à 700 millions de dollars en 2015 », indique Georges Hobeika. Produites pour la plupart à Dubaï et en Inde, les cigarettes sont importées par des commerçants en Syrie avant d'être acheminées vers le Liban. « Il existe au moins 20 importateurs de tabac en Syrie aujourd'hui qui peuvent vendre ce qu'ils veulent au Liban », indique Fadi Sanan, directeur du programme de contrôle du tabac au ministère de la Santé et qui représente le Liban à la réunion de l'OMS en Inde.

Selon l'argumentation de la Régie, les consommateurs – environ 40 % de la population – se rabattraient sur les cigarettes de contrebande si les taxes augmentaient fortement. En conséquence, l'État verrait fondre la coquette somme que lui verse la Régie en taxes, soit 229 millions de dollars en 2015. L'institution a aussi dégagé 95 millions de dollars de bénéfices l'année dernière.
« La hausse des taxes est l'une des meilleures stratégies pour combattre la consommation de tabac. Ses conséquences seraient positives de manière générale », conteste Rima Nakkash, professeure à la faculté des sciences de la santé à l'Université américaine de Beyrouth (AUB). Un article qu'elle a publié en 2013 avec trois autres chercheurs de l'AUB (Hala Alawiyé, Jad Chaaban et Nisreen Salti) dans la revue Tobacco control conclut ainsi que si l'État augmentait le prix des cigarettes de 50 %, la consommation de cigarettes importées baisserait de 7 %, celle des cigarettes locales de 90 %, et les revenus de l'État augmenteraient de 52 %.

Signer le protocole

« Il faudra bien accepter une certaine part de contrebande, mais elle peut être contrôlée par la mise en place du protocole de 2012 à laquelle est opposée la Régie pour des raisons qui ne sont pas claires », ajoute Rima Nakkash. La Régie s'inquiète en effet que l'OMS veuille, lors de la réunion en Inde, inciter les États qui n'ont pas signé le protocole de 2012 à le faire au plus vite. Imposition de licences pour les producteurs, encadrement des ventes sur Internet et dans les zones franches, destruction de la contrebande... Le protocole propose de nombreuses méthodes pour lutter contre la fraude mais ne se concentre pas sur l'augmentation des taxes. « Le protocole tout entier est conçu d'une telle manière que sa mise en œuvre provoquerait une augmentation des prix », s'inquiète Mariam Keyed Hariri, à la tête du département de la gestion de la Régie. « Dans le cas où elles seraient implémentées, certaines directives de l'OMS auraient pour seule conséquence de tuer l'industrie du tabac au Liban, de laquelle dépendent 25 000 personnes. Et le gouvernement n'a aucun plan B pour les cultivateurs de tabac », ajoute Nour el-Mawla, responsable qualité à la Régie.

De son côté, l'OMS argumente que l'augmentation des taxes n'induit pas une hausse automatique de la contrebande. « La contrebande a davantage de liens avec des comportements et des réseaux criminels, et cela nécessite un renforcement de la gouvernance », insiste Fatimah al-Awa, conseillère régionale à l'initiative OMS pour un monde sans tabac. « Le Liban devrait adhérer au protocole de l'OMS, qui inclut de nombreuses mesures pour contrôler la contrebande, dont davantage de contrôles aux frontières et l'introduction de nouvelles mesures telles que le suivi et le traçage des marchandises. »


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