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Économie - Liban - Éclairage

Le président de la République peut-il orienter la politique économique ?

Si la Constitution limite ses prérogatives en matière économique, le chef de l'État dispose d'autres leviers pour parvenir à influencer la politique économique.

Le président de la République, Michel Aoun, a affiché dans son discours d’investiture prononcé lundi sa volonté de réformer la politique économique du pays. Photo Sami Ayad

Dans son discours d'investiture prononcé lundi, le président de la République, Michel Aoun, a affiché sa volonté de réformer la politique économique du pays, défendant notamment l'idée d'une « planification » qui encouragerait « l'initiative individuelle » ainsi que le développement des partenariats public-privé.

Une réponse à l'attente des acteurs économiques qui dénoncent les répercussions de la paralysie institutionnelle sur l'économie et qui espèrent que l'élection de M. Aoun, qui a mis fin à une période de vacance présidentielle qui durait depuis le 24 mai 2014, soit le point de départ d'une reprise de l'activité. Un espoir légitime pour l'Institut de la finance internationale (IFI) – une association mondiale de grandes banques créée en 1983 – qui a estimé cette semaine que le déblocage de l'élection présidentielle permettrait à l'économie libanaise de passer de 1,4 % de croissance en 2016 à 3,3 % en 2017.

Pour autant, sur le plan institutionnel, les pouvoirs du président de la République tels qu'ils sont définis par la Constitution ne lui permettent pas de prendre seul les rênes de la politique économique du pays.

 

Gardien de la Constitution
En effet, selon les articles 16 et 17 de la Constitution, les pouvoirs législatif et exécutif sont respectivement confiés au Parlement et au Conseil des ministres. L'article 65 confie à ce dernier la charge de définir la politique générale de l'État tandis que l'article 64 confie la charge de son exécution au Premier ministre – un poste qui devrait, sauf imprévu, être occupé par Saad Hariri, à l'issue des consultations parlementaires entamées hier par M. Aoun et qui doivent s'achever aujourd'hui.

« Le président de la République joue pour sa part le rôle de gardien de la Constitution et doit à ce titre s'assurer que les décisions du gouvernement ne dépassent pas le cadre fixé par celle-ci », résume à L'Orient-Le Jour l'ancien ministre du Travail, Charbel Nahas. « Même s'il préside le Conseil des ministres (article 53 de la Constitution), le chef de l'État n'a cependant pas de pouvoirs propres qui lui permettent de peser sur la politique économique du pays », indique à son tour le député Ghassan Moukheiber (bloc du Changement et de la Réforme). « Le président de la République n'engage pas sa responsabilité politique et ne vote pas durant les réunions du Conseil des ministres (article 53) », rappelle enfin l'avocat Hassane Rifaï. « Ces limites existaient avant les modifications de la Constitution effectuées pendant les accords de Taëf d'octobre 1989 », souligne-t-il encore.

De fait, le président de la République partage la quasi-totalité de ses pouvoirs avec le Premier ministre, l'article 54 imposant que tous ses actes soient contresignés par ce dernier. Cette condition s'applique également dans le cadre de l'article 86 qui permet au président de promulguer un décret rendant le projet de budget exécutoire en cas de blocage parlementaire. « Le nouveau gouvernement ne pourra pas avoir recours à cette procédure pour adopter le budget 2017 vu que l'exécutif sortant n'a pas transmis le projet de budget au Parlement dans le délai imparti (soit 15 jours avant le début de la session parlementaire d'octobre) », constate toutefois M. Moukheiber.

Enfin, l'article 65 relatif aux compétences du Conseil des ministres répertorie les « questions fondamentales qui requièrent la majorité des deux tiers » du total des membres du gouvernement, comme le projet de « budget général de l'État », « la nomination des fonctionnaires de première catégorie » ou « les programmes de développement globaux et à long terme ».

 

Certains leviers
Si la Constitution fixe donc clairement les limites des pouvoirs du président de la République, elle met également à sa disposition certains leviers qui peuvent lui permettre d'influer sur la politique générale de l'État. « Dans le cadre de son rôle d'arbitre, le président peut en effet alerter la Chambre des députés sur les réserves qu'il émet sur la politique du gouvernement ou soumettre n'importe quel sujet urgent au Conseil des ministres qui ne soit pas déjà inscrit à l'ordre du jour fixé par le Premier ministre (article 53 de la Constitution) », indique M. Rifaï. Un pouvoir « d'impulsion », selon M. Moukheiber, qui peut lui permettre d'alerter le Parlement (et l'opinion publique) de l'existence d'un désaccord au sein de l'exécutif ou d'obliger le gouvernement à se pencher sur une question écartée de l'ordre du jour par le Premier ministre.

En dehors de ces cas de figure, la capacité du président à influer sur la politique de l'État dans tous les domaines dépend largement de son assise au Parlement. « Plus le président de la République possède de soutiens à l'Assemblée, plus il aura de chances que le gouvernement soit composé de ministres qui suivront les orientations de sa politique économique », explique M. Nahas. La présidence de M. Aoun est actuellement soutenue par le courant du Futur, le Parti socialiste progressiste, les Forces libanaises et le Courant patriotique libre et peut également compter sur le soutien des députés du Hezbollah. « Une assise qui pourrait en principe lui permettre d'influer de façon plus déterminante sur la politique de l'État », affirme Me Rifaï.

 

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