« Ce que j'ai vécu aujourd'hui était terrible. Nous avons combattu contre l'armée du régime dans le quartier Souleimane al-Halabi, situé sur la ligne de démarcation. Nous avons été mobilisés pour repousser leurs offensives. Ils ont avancé vers les installations hydrauliques, mais nous avons réussi à les faire reculer. Du coup, ils s'en sont pris aux civils en larguant des barils d'explosifs, et des bombes au phosphore.
Pendant les combats, l'anxiété et la peur sont indéniablement en moi. Mais je sais que ce que je fais a un but. Les jours qui suivent les combats, je me refais le film dans ma tête. Mes nuits sont ponctuées de réveils en sursaut à cause des avions qui me hantent. Et dans mes cauchemars, je me vois souvent blessé ou tué.
J'avais 17 ans quand j'ai rejoint la rébellion armée à Alep, en 2012. Mais depuis un an, je fais partie des équipes de secours, et je suis devenu ambulancier. Je n'étais pas de service aujourd'hui, mais mes collègues et moi avons commencé à transporter des personnes brûlées vers un hôpital qui n'a pas pu nous accueillir à cause de l'afflux de blessés. D'ordinaire, les journées passent plutôt vite. Mais aujourd'hui tout était au ralenti.
Ma mère n'a jamais accepté que j'aille combattre. Elle a peur pour moi, comme toutes les mères. Mon père était réticent au début, car j'étais très jeune pour aller me battre. Mais aujourd'hui, il m'encourage et me soutient. C'est une question de survie. Nous n'avons pas d'autres choix. Si nous ne résistons pas, le régime va rentrer dans les quartiers est et s'en prendre à nos femmes, à ma mère. L'armée nous tuera tous.
Quand ils ont besoin de moi au front, je rejoins mon groupe de combattants affilié à Jabhat al-Cham (Front du Levant). Je suis généralement chargé des tirs au canon, mais je les aide un peu pour tout. Quand je combats et que je tue le plus grand nombre possible de soldats du régime, je le fais en réponse à ce que nos civils subissent au quotidien. Je n'ai pas peur d'être blessé ou de mourir, car je suis prêt à donner ma vie pour que ce régime tombe. Nous sommes prêts à mourir un à un pour protéger nos femmes.
Les civils s'occupent beaucoup de nous. Quand l'un d'entre nous est blessé ou tué, les voisins sont prêts à aider. La générosité des gens est incroyable. Ils nous emmènent à l'hôpital, ou nous achètent de quoi manger. Nous ne mangeons pas plus qu'eux et devons nous rationner. Je ne mange qu'une fois par jour, deux, quand cela était encore possible, avant le siège. »
"Je vous parle d'Alep", les précédents témoignages :
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09 h 10, le 01 octobre 2016