Ameer Alhalabi.
« Je me suis réveillé ce matin (hier) en sursaut, sur le coup de 8h30, à cause de l'explosion d'un missile tombé sur mon quartier. Je me suis habillé rapidement et me suis rué dans la rue, caméra en main, pour voir si tout le monde allait bien, et j'ai commencé à prendre des photos. J'ai couru ensuite au centre de la Défense civile, dans lequel mon cousin et mon père, tous deux récemment tués dans des bombardements, travaillaient, pour prévenir leurs anciens collègues Casques blancs.
Plus tard dans la journée, les avions se sont tus. Ça faisait longtemps. J'en ai profité pour aller jouer au football avec mes amis. Avant la guerre, le football était ma passion et je rêvais d'être un jour sélectionné dans un grand club européen. Après cette pause sportive, je me suis rendu dans le quartier Maadi, où les secouristes tentaient d'extraire des corps des décombres d'un immeuble tout juste bombardé. J'ai eu beaucoup de mal à revenir chez moi à cause des cratères remplis d'eau provoqués par les bombes du matin. J'ai embarqué mon ordinateur portable pour trouver un endroit où la connexion Internet est bonne, afin d'envoyer mes photos du jour aux agences d'informations.
Depuis que mon père est tombé en martyr en juillet, je suis devenu le responsable de la famille. On ne trouve plus rien dans les marchés, mais j'avais prévu le coup en achetant 20 kg d'aubergines pour en faire du Makdous (conserve de miniaubergines farcies aux noix). J'ai aussi trouvé du tabac au miel hier pour mon narguilé. Mais dans un mois, voire moins, nous risquons de nous retrouver dans la même situation que ces gens qui meurent de faim. Avant le siège, j'aimais bien passer mes soirées à regarder des films indiens sur les chaînes câblées. Sans électricité, il n'y a pas grand-chose à faire à la maison.
La vie quotidienne depuis le siège est devenue très ennuyeuse, parce que les journées se ressemblent : mon voisin qui essaie chaque jour de me vendre sa moto, parce qu'il n'a plus d'argent. Ou le coiffeur du quartier qui me raconte pour la trentième fois qu'il devait partir en Allemagne mais que, sa fiancée n'étant pas partante, il se retrouve bloqué comme nous tous. Ce soir (hier), je vais retrouver mes amis et on jouera à Fifa 2016 sur nos ordinateurs, jusqu'à ce que la batterie s'éteigne. La vie vaut-elle mieux que la mort ? Notre quotidien n'a rien de la vraie vie. Quand je croise les enfants du quartier, ils m'indiquent des corps en décomposition, parce qu'ils savent que je suis photographe. Ma mère, que la peur ne quitte plus, surtout quand les avions passent au-dessus de nos têtes, m'appelle jusqu'à cinq fois par jour pour s'assurer que je suis vivant. »
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commentaires (2)
On a 2 solutions , soit on bombarde Moscou Téhéran et Damas de suite , demain matin , soit on attend février ou mars 2017. En général un oiseau dans la main vaut mieux que 10 sur l'arbre , proverbe de siffleurs de pipeau ...
FRIK-A-FRAK
15 h 50, le 30 septembre 2016