La Russie « tente de retrouver sa gloire passée grâce à la force. » C'est en ces termes que le président américain Barack Obama a condamné, lors de son ultime discours à la tribune des Nations unies à l'occasion de l'Assemblée générale la semaine dernière, l'attitude des Russes après que la trêve, parrainée par Washington et Moscou, eut volé en éclats. « Le problème est que celle-ci dépendait exclusivement de la bonne foi des Russes », estime un diplomate arabe de haut rang contacté par L'Orient-Le Jour.
Loin d'un quelconque désengagement comme l'avait annoncé le Kremlin en mars dernier, la Russie, qui s'est toujours trouvée en première ligne à Alep, semble désormais plus investie que jamais en Syrie. Depuis le 20 septembre, l'aviation russe se livre chaque jour à un véritable massacre à Alep, avec une intensification sans précédent de ses bombardements.
Au premier jour de la reprise des frappes le lundi 19 septembre, le puissant allié de Damas aurait délibérément visé un convoi d'aide humanitaire près de la ville martyre d'Alep, faisant une vingtaine de morts, selon la Croix-Rouge. L'Onu a aussitôt réclamé une enquête sans mentionner d'où venaient les avions bombardiers, mais l'opposition syrienne a accusé Damas et son allié russe. L'AFP a cité un responsable américain estimant que des avions russes sont vraisemblablement à l'origine du bombardement du convoi humanitaire, étant donné que deux avions russes SU-24 étaient sur la zone au moment du bombardement. L'Onu a par conséquent été contrainte de suspendre l'acheminement par camions de l'aide humanitaire qui avait à peine démarré. Alors que les hélicoptères du régime poursuivaient leur largage quotidien de barils d'explosifs, des ambulances ont été visées jeudi dernier, provoquant un tollé auprès des organisations humanitaires.
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Bombes au phosphore
Vendredi dernier, l'acharnement de Damas et de Moscou a atteint son paroxysme avec plus de 91 morts, selon le témoignage du Dr Hamza al-Khatib, directeur d'un hôpital des quartiers rebelles. Deux centres des Casques blancs (la Défense civile) ont été touchés par les bombardements, réduisant au minimum les services de secours, déjà durement éprouvés depuis la reprise du siège des quartiers rebelles par l'armée du régime, le 4 septembre. Des activistes antirégime avaient fait état jeudi dernier de l'utilisation de bombes au phosphore, laissant les habitants en proie aux flammes et aux effondrements d'immeubles. Les images sanglantes d'hommes, de femmes et d'enfants sous les décombres ont profondément choqué l'opinion publique. Les bombardements meurtriers se sont poursuivis durant le week-end, avec, rien que pour la journée de samedi, près d'une centaine de morts. « Plus de 88 tués samedi, alors que nous n'arrivons même pas à soigner un tel nombre de blessés. Nous sommes confrontés à cette situation tous les jours », se désespère le Dr Khatib, contacté par L'Orient-Le Jour.
Dans son dernier communiqué hier, le conseil du gouvernorat libre d'Alep a fait part de toute l'horreur dans laquelle les habitants sont plongés depuis plusieurs jours. « Les images de cadavres et de morceaux de chair épars dans les recoins des ruelles de la ville et les armes criminelles qui sont utilisées contre les Alépins isolés montrent la violence inouïe dont sont victimes les enfants », relate le communiqué, mentionnant par ailleurs « l'holocauste d'Alep » provoqué par « Assad et l'ours russe ». Les quelque 250 000 habitants des quartiers rebelles – 326 000 selon le Comité civil de la ville d'Alep-Est – n'ont pratiquement pas reçu d'aide extérieure depuis près de deux mois, et sont depuis samedi privés d'eau à cause des bombardements, selon l'Unicef.
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Échec des négociations
La dernière semaine éprouvante dans laquelle ont été plongés les Alépins de l'Est tend à laisser entrevoir une volonté ferme de la part des Russes d'anéantir une fois pour toute la rébellion dans cette région. L'échec des négociations précédentes, la rupture de la trêve et les frappes américaines – une erreur selon Washington – contre des positions de l'armée syrienne le 17 septembre dernier à Deir ez-Zor auront fini de convaincre Moscou de passer à la vitesse supérieure, quitte à réduire la ville en cendres, comme il l'avait fait contre les combattants tchétchènes à Grozny en 1999. Selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH), plus de 3 000 combattants russes seraient déployés à al-Safira, un village au sud-est d'Alep. Selon plusieurs sources d'Alep-Est contactées par L'Orient-Le Jour, il s'agirait de « mercenaires » russes appartenant à une société militaire privée de type Academi (SMP américaine), présents pour assurer la sécurité de personnalités importantes.
La puissance de ses armes de pointe suffit à elle seule à causer des dommages considérables comme le témoignent les images de cratères de plus de trois mètres dans les rues d'Alep, suite au largage de bombes russes. « Les Russes persistent dans cette politique de la terre brûlée », estime un diplomate arabe, ajoutant que Damas n'est « pas prêt aux négociations » et « ne voit pas l'utilité de remettre en branle le processus politique ».
Réunis en urgence hier à New York, les pays occidentaux ont mis Moscou en accusation au Conseil de sécurité de l'Onu. La France a dénoncé des « crimes de guerre » commis à Alep estimant qu'ils « ne doivent pas rester impunis ». « Les Occidentaux vont tous dénoncer les massacres perpétrés à Alep, mais est-ce qu'ils feront quelque chose pour les arrêter. Il y a un tel déséquilibre dans le rapport de force réel, entre les Russes qui sont sur le terrain, et les Américains qui ne le sont que très partiellement », estime le diplomate.
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Le bras de fer continue , au détriment des innocents...les combattants contre régime savent probablement mieux "se porter" que la population innocente déchirée entre criminels de tous bords... Mais qui sont ils ces "rebelles" , majoritairement, et que veulent ils ? Que voudrait la majorité silencieuse des victimes...qui est otage de qui... Pauvres aleppins , de toutes communautés, martyrisés...Y autant il un "Ciel" pour ces martyrs?
12 h 14, le 26 septembre 2016