Victoire militaire à court terme, impasse politique et diplomatique à moyen et long terme, désastre humanitaire : l'offensive menée depuis une semaine par Moscou, Téhéran et Damas sur Alep résume à elle seule le bilan d'une année d'intervention militaire russe en Syrie.
Depuis le début de ses opérations, en septembre 2015, la stratégie de Moscou est sensiblement la même : frapper fort sur les forces rebelles opposées à Bachar el-Assad sous prétexte de lutter contre le terrorisme, et arriver en position de force à la table des négociations de laquelle doivent être exclues toutes ces forces qualifiées de « terroristes ».
Le pari était, jusqu'ici, plutôt réussi. En un an, la Russie a sauvé le régime syrien, qui était dans une situation assez délicate avant l'intervention de son allié, a sécurisé une grande partie de la « Syrie utile » et est devenu le maître du jeu diplomatique. L'ampleur de la crise syrienne, qui a alimenté le développent des groupes jihadistes et a provoqué une crise des réfugiés sans précédent depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, a permis à Moscou de retrouver son statut de grande puissance sur la scène internationale et de s'affirmer comme un acteur désormais incontournable au Moyen-Orient. La Russie a su saisir l'occasion du retrait, relatif, des États-Unis au Moyen-Orient et a su profiter de la pusillanimité de Barack Obama en Syrie pour atteindre tous ses objectifs à court terme.
Mais elle n'a pas pour autant réussi à sortir de l'impasse dans laquelle elle s'est elle-même empêtrée : plus le temps passe, plus les possibilités de trouver une solution diplomatique au conflit se réduisent. Le 14 mars dernier, la Russie a annoncé le retrait de ses forces armées en Syrie. Mais depuis, ses forces n'ont cessé de croître au point que Moscou engage désormais des mercenaires sur le terrain.
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Récit du conflit
La démonstration de force ne suffit pas, pour l'instant, à garantir la victoire militaire, politique et diplomatique de Bachar el-Assad. Elle ne suffit pas, pour l'instant, à faire évoluer, fondamentalement, la position des Occidentaux, des Turcs et des Saoudiens. Ces derniers continuent de réclamer le départ, à terme, de Bachar el-Assad et de distinguer l'opposition armée des groupes terroristes. Ce qui donne lieu à une situation assez paradoxale : tant que Moscou est là, le président syrien ne peut pas perdre. Mais tant que M. Assad est là, Moscou ne peut pas gagner.
Plutôt que d'assouplir sa position par rapport au régime syrien, la Russie semble avoir opté, après l'éclatement de la dernière trêve, pour l'anéantissement totale de la rébellion armée. En bombardant, sans distinction, les groupes jihadistes et les groupes rebelles, les forces armées et les civils, en détruisant toutes les infrastructures qui permettent aux plus de 200 000 habitants d'Alep-Est de survivre, en utilisant des bombes incendiaires fabriquées à partir de phosphore ou de napalm, mais aussi des bombes dites bunker buster ou bombes perforantes capables de traverser plusieurs étages d'immeuble, la Russie n'a pas d'autres objectifs que d'en finir avec les forces rebelles. Soit en les tuant, soit en les poussant à partir, soit en les poussant dans les bras du Fateh el-Sham (ex-Front al-Nosra) pour ensuite justifier son intervention par la lutte contre le terrorisme. Alep-Est devient ainsi pour Moscou le laboratoire idéal pour mettre en place sa stratégie : liquider l'opposition et obliger ensuite les Occidentaux à faire un choix entre Bachar el-Assad et les jihadistes.
Cette stratégie pourrait, encore une fois, donner des résultats à court terme. Privés de toute ressource, les Alépins de l'Est ne pourront pas résister indéfiniment à la pression russo-syrienne, même s'ils préfèrent mourir que d'abandonner la ville. Acculés, bombardés nuit et jour, abandonnés par les Occidentaux, ces rebelles vont, logiquement, se radicaliser et se retourner vers ceux qui leur offrent leur aide. Et les Russes pourront alors, sans risquer d'être contredits par les Occidentaux, affirmer qu'il n'y a pas de forces rebelles modérées en Syrie.
La bataille syrienne se joue autant dans l'évolution du rapport de force sur le terrain que dans la capacité des deux camps à imposer leur récit du conflit : régime oppressif contre rébellion ou régime laïc contre groupes terroristes. En tuant pas moins de 3 800 civils en un an, selon l'Observatoire syrien des droits de l'homme, en soutenant par tous les moyens possibles Damas, en alimentant la radicalisation des forces rebelles, Moscou prend le risque d'être à nouveau marginalisé par la communauté internationale. Autant dire que son pari, à long terme, est encore loin d'être réussi.
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Victoire militaire à court terme, impasse politique et diplomatique à moyen et long terme, désastre humanitaire : l'offensive menée depuis une semaine par Moscou, Téhéran et Damas sur Alep résume à elle seule le bilan d'une année d'intervention militaire russe en Syrie.
Depuis le début de ses opérations, en septembre 2015, la stratégie de Moscou est sensiblement la même : frapper...
commentaires (4)
La guerre en Syrie s'est transforme en une course contre la montre entre les puissances régionales et internationales toutes confondues. Idem les élections aux Etats Unis et toutes celles qui vont suivre en Europe. L’année 2017 sera une année cruciale dans l'histoire de l’humanité car soit elle passera soit elle craquera et la terre entière en paiera le prix fort! Tout le monde sait que les Russes comme Bashar n'ont aucun scrupule et aucune morale politique ou humaine. Alors au lieu de pleurnicher sur le sort des Alépins, il faut agir en conséquence. Une livraison de missile anti aériens efficaces et au plus vite peut arrêter le massacre et rééquilibrer le jeu. De toute manière il n'y aura pas de gagnant a la fin. La Syrie est partagée a jamais et ce n'est pas demain que l'une ou l'autre partie mettra la main sur le pays avec ou sans Alep. Pour le Liban, le plus important est la mort des idéologies des Baas Irakien et Syrien tout comme la fin du Nassérisme. Il ne nous reste plus qu'a nous débarrasser du Fakihisme et du Wahhabisme (C'est pour bientôt)!
Pierre Hadjigeorgiou
11 h 07, le 03 octobre 2016