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Liban - Crise syrienne

« La Déclaration d’Alep », une mobilisation humanitaire de l’opposition chiite

À la veille de Achoura, des activistes opposés au Hezbollah l'appellent à se retirer de Syrie. Quelques-uns de ces intellectuels, dont Malek Mroué ou Moustapha Fahs, répondent aux questions de « L'Orient-Le Jour ».

Plusieurs activistes et intellectuels chiites opposés au Hezbollah ont publié hier une « Déclaration d'Alep », dans laquelle ils expriment leur solidarité avec la population de cette ville, cible des bombardements du régime de Damas, assisté par l'aviation russe, les combattants du Hezbollah et les milices iraniennes. Publiée à la veille de l'Hégire qui précède la commémoration de Achoura, cette déclaration vise principalement à exhorter le Hezbollah à « entendre la voix de la conscience chiite qui refuse l'injustice et le despotisme, et qui soutient les victimes de l'injustice ». Les signataires de la déclaration appellent le parti chiite à réviser sa « décision destructrice de s'impliquer dans la guerre syrienne aux côtés du régime noyé dans le sang de son peuple ».

« En tant que chiites indépendants, libanais, arabes, nous nous déclarons innocents du sang des Syriens, et des jeux de marché irano-russo-israéliens », note le texte avant de stigmatiser « les bombardements contre l'infrastructure d'Alep, et les abris ». Les signataires de la Déclaration d'Alep se sont adressés au Hezbollah en ces termes : « Ne jetez pas les bases de vengeances qui pourraient durer des siècles. Ne soyez pas la cause de guerres ouvertes entre une majorité sunnite et une minorité chiite, dans le monde arabe. » Du fait de leur « responsabilité humaine et historique », les activistes n'ont pas manqué d'adresser ce message fort à Téhéran : « Au premier jour de mouharram (premier mois du calendrier musulman), écoutez la voix de la conscience chiite, ne tuez pas Hussein deux fois. Ne fournissez pas l'aide au régime syrien qui s'est noyé dans le sang de son peuple. Tenez vos armes loin des enfants et des femmes d'Alep. »

 

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« Insatisfaction »
Commentant cette initiative, le journaliste Ali el-Amine a estimé qu'il s'agit d'une position de principe. « Il est de notre devoir de prendre des positions claires à l'heure où Alep est la cible d'un génocide qui rappelle le drame de Kerbala à la veille de Achoura », déclare-t-il à L'Orient-Le Jour. M. Amine affirme ne pas espérer un changement significatif sur le terrain sous l'effet de cette déclaration, mais ne manque pas de la placer dans le cadre d'une « tentative de faire état d'un rejet des crimes commis contre l'une des plus anciennes villes du monde ».

Si le texte de la déclaration a été placé sous un signe humanitaire pour mettre fin au bain de sang d'Alep, il est tout aussi bien un message politique fort adressé à l'Iran et, par le fait même, au Hezbollah : « Nous voulons affirmer que ce ne sont pas tous les chiites qui sont favorables au projet iranien dans la région, et auquel participe le parti de Hassan Nasrallah », souligne Ali el-Amine, tout en faisant état d'une certaine « insatisfaction éprouvée dans les rangs de la communauté chiite ». Selon lui, « cela s'expliquerait principalement par les choix du Hezbollah, qui a noyé l'avenir des chiites du Liban dans l'inconnu, puisqu'il les a plongés dans une crise qu'ils pouvaient éviter ».

De son côté, le journaliste Imad Komeiha estime que « les signataires de la déclaration expriment la conscience chiite réelle qui s'oppose à l'injustice, et soutient toute victime de celle-ci ». « Nous essayons de sensibiliser les chiites à la tragédie humaine observée actuellement à Alep », dit-il à L'OLJ, tout en soulignant que « les signataires ont pris une position honnête dont l'histoire se rappellera. Ils ont stigmatisé les atteintes à l'humanité observées à Alep ».

 

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« L'intérêt des chiites »
Interrogé à son tour par L'OLJ, le journaliste Malek Mroué a placé l'initiative et son message au Hezbollah dans un contexte régional : « Nous témoignons actuellement d'une guerre sunnito-chiite sans précédent. Le Hezbollah s'est engagé dans la guerre en Syrie au nom de la religion (défendre le mausolée Sayyida Zaïnab), et c'est ce que nous refusons catégoriquement. »

Ce sombre tableau régional marqué par les conflits à caractère confessionnel fait dire à M. Mroué qu'« il n'est pas dans l'intérêt des chiites, et encore moins des Libanais, de se lancer dans des guerres contre la démographie (l'écrasante majorité des Arabes étant sunnite), et la géographie ».

« Nous incitons les combattants du parti chiite à rentrer de Syrie parce qu'ils ne pourront pas en sortir vainqueurs », indique le journaliste avant de se poser la question de savoir si « les enfants d'Alep sont des terroristes que le Hezbollah dit combattre en Syrie ». « Pourquoi nos enfants devraient-ils être l'essence des guerres des autres ? » s'est interrogé encore Malek Mroué.

 

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Le timing
S'il devient de plus en plus évident que le retrait du Hezbollah de la guerre syrienne est lié à une décision stratégique iranienne, et ne serait pas l'un des résultats d'une initiative qui se veut humaine par excellence, c'est sur le timing de la publication que misent les signataires de la déclaration pour pouvoir faire une différence au sein de leur communauté. « Nous savons que la décision ne relève pas du Hezb, mais nous misons sur la commémoration de Achoura », indique dans ce cadre Moustapha Fahs, fils de l'uléma Hani Fahs, dans une déclaration à L'OLJ. Selon lui, « cette initiative est un message adressé aux gens de la maison pour ne pas tuer Hussein deux fois ». Dans une optique plus locale, M. Fahs estime que « la déclaration est l'expression des appréhensions et refus de plusieurs chiites libanais qui n'osent pas en faire état ».

 

 

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Plusieurs activistes et intellectuels chiites opposés au Hezbollah ont publié hier une « Déclaration d'Alep », dans laquelle ils expriment leur solidarité avec la population de cette ville, cible des bombardements du régime de Damas, assisté par l'aviation russe, les combattants du Hezbollah et les milices iraniennes. Publiée à la veille de l'Hégire qui précède la commémoration de...
commentaires (1)

c'est sure que c'est des chiites ? ils parlent comme les sunnites ils parlent d'Alep etc... mais rien sur les crimes saudiens au Yémen ! et les autres chiites opprimés dans les pays du Golfe , rien ??? il y a les dhimmis pour les chrétiens, mais pour ces chiites, il y a un autre terme ?

Talaat Dominique

13 h 53, le 02 octobre 2016

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Commentaires (1)

  • c'est sure que c'est des chiites ? ils parlent comme les sunnites ils parlent d'Alep etc... mais rien sur les crimes saudiens au Yémen ! et les autres chiites opprimés dans les pays du Golfe , rien ??? il y a les dhimmis pour les chrétiens, mais pour ces chiites, il y a un autre terme ?

    Talaat Dominique

    13 h 53, le 02 octobre 2016

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