Rechercher
Rechercher

Liban - Décryptage

Le sort de l’accord russo-américain sur la Syrie se jouera au cours des prochaines semaines

L'accord américano-russe sur la Syrie continue d'être une énigme. Certains analystes y voient le début de la fin du long calvaire syrien, mais d'autres, au contraire, sont convaincus qu'il ne sera pas appliqué, parce que l'heure des solutions n'a pas encore sonné. Déjà, l'agence Reuters a annoncé hier en citant le secrétaire d'État John Kerry qu'il sera difficile d'installer le centre de coopération russo-américain prévu dans l'accord, tant que les aides humanitaires ne seront pas parvenues aux quartiers encerclés par les forces du régime syrien à Alep.

Toutefois, selon des sources libanaises bien informées, le problème qui entrave la création de ce centre n'est pas dans les aides humanitaires, mais dans des divergences internes à l'administration américaine. Selon ces mêmes sources, au sein de cette administration, il y a traditionnellement plusieurs centres de décision : d'abord la Maison-Blanche bien sûr, mais aussi le département d'État, le Pentagone, la CIA et le FBI. En général, c'est la Maison-Blanche qui a le dernier mot, mais, en période de fin de mandat (comme c'est le cas aujourd'hui), celle-ci est affaiblie et ne peut plus imposer sa volonté comme au début d'un mandat présidentiel. Or, au sujet du centre de coopération russo-américain, prévu dans l'accord sur la Syrie, le Pentagone invoque l'existence d'une loi américaine interdisant la coopération militaire avec la Russie, depuis l'adoption des sanctions contre Moscou suite à la crise ukrainienne, pour en rejeter le principe.

 

(Lire aussi : Les enjeux de la trêve syrienne en 10 questions)

 

De fait, cette loi ne peut être contournée que dans un seul cas : si le secrétaire à la Défense rédige une lettre dans laquelle il précise que l'intérêt des États-Unis exige de ne pas l'appliquer, dans un cas déterminé. S'il ne le fait pas, cette disposition de l'accord russo-américain ne se concrétisera pas et c'est l'ensemble de l'accord qui sera ainsi remis en question. Les mêmes sources affirment que des réunions se tiennent actuellement au sein de l'administration US dans ce but, sachant que l'accord russo-américain reste, à ce stade des développements, la seule perspective de solution pour la crise syrienne qui dure depuis plus de cinq ans.

En réalité, cette crise engage depuis quelque temps trop d'acteurs, qui ont des intérêts différents et parfois divergents, et il est donc difficile, voire impossible de les amener à accepter un même plan pour sortir du conflit. Même si aujourd'hui, en raison des développements, les rôles des différents acteurs sont en train de changer. En tête des acteurs impliqués dans la guerre qui se déroule en Syrie, il y a bien sûr les États-Unis et la Russie, mais aussi la Turquie, l'Iran et l'Arabie saoudite, et, bien plus discrètement, Israël qui cherche ouvertement désormais à s'inviter à la table des négociations en multipliant les raids contre des positions de l'armée syrienne et de ses alliés dans la région limitrophe du Golan. À ce sujet, la riposte du régime syrien qui a tiré des missiles antiaériens contre les avions israéliens est un message clair pour circonscrire le rôle des Israéliens dans une éventuelle solution en Syrie. Que les avions visés par les missiles syriens aient été abattus ou non, le message reste le même et il indique clairement que, même affaibli, le régime syrien ne laissera pas les avions israéliens contrôler l'espace aérien dans la région de Kuneitra...

 

(Lire aussi : L’accord Kerry-Lavrov soulève plus de questions que de réponses)

 

Parmi les acteurs de la guerre en Syrie, on pourrait aussi évoquer la Jordanie et le Qatar, mais la première cherche à limiter son intervention en filtrant son aide à certains groupes de l'opposition et en neutralisant ce qu'on a longtemps appelé « la chambre d'opération du mock » qui était installée sur son territoire, alors que le second est désormais aligné sur la position turque.
Les derniers développements du terrain syrien, ainsi que le processus de réconciliation et les compromis conclus entre certaines factions de l'opposition syrienne et les forces du régime dans la banlieue de Damas, notamment à Daraya et Moaddamiyé, ont affaibli le rôle de l'Arabie saoudite, qui ne contrôle pratiquement plus que les groupes qui continuent de se battre dans les localités importantes de Jobar et de Douma, dans le rif nord-est de la capitale. Le plus important indice de l'affaiblissement du rôle du royaume wahhabite en Syrie est le fait que la Russie ait choisi d'envoyer un émissaire au Qatar pour y rencontrer l'opposition syrienne, ignorant en même temps celle qui est installée à Riyad.

Il ne reste donc plus, en gros, que les Russes, les Américains, les Turcs et les Iraniens. C'est entre eux que tout se joue, même si la part de chacun n'est pas encore définie. Certains analystes estiment que les Russes utilisent la Syrie pour obtenir la reconnaissance de leur rôle dans la région de la part des États-Unis. Ils seraient donc les plus pressés de faire aboutir l'accord russo-américain pour le soumettre ensuite au Conseil de sécurité de l'Onu, qui le consacrerait à travers une résolution, le protégeant ainsi des changements éventuels dans la politique étrangère américaine avec l'élection d'un nouveau locataire à la Maison-Blanche. Mais la situation serait quelque peu différente du côté américain, où les tiraillements de fin de mandat rendent la conclusion d'un accord plus difficile justement, parce que le président ne peut plus imposer sa volonté. Le sort de cet accord, qui pourrait changer le cours de la crise syrienne, se jouera donc au cours des prochaines semaines.

 

 

Lire aussi

Assad déclare vouloir "reprendre" toute la Syrie

Qui est concerné ou pas par la trêve en Syrie ?

Le plan de transition de l'opposition syrienne, une manœuvre dilatoire ?

 

Repères
La crise humanitaire en Syrie: faits et chiffres

Cinq ans d'efforts diplomatiques pour tenter de régler le conflit en Syrie

Guerre en Syrie : Qui combat qui ? Qui soutient qui ? Qui contrôle quoi ?

L'accord américano-russe sur la Syrie continue d'être une énigme. Certains analystes y voient le début de la fin du long calvaire syrien, mais d'autres, au contraire, sont convaincus qu'il ne sera pas appliqué, parce que l'heure des solutions n'a pas encore sonné. Déjà, l'agence Reuters a annoncé hier en citant le secrétaire d'État John Kerry qu'il sera difficile d'installer le centre...

commentaires (2)

Il ne se jouera pas grand chose ces prochaines semaines ...la situation sera plutôt figée.. comme l'huile de zitounes bio au fond du frigidaire...car tous les acteurs attendent le 19 novembre ...pour connaître le nom du nouveau président des USA....

M.V.

11 h 32, le 17 septembre 2016

Tous les commentaires

Commentaires (2)

  • Il ne se jouera pas grand chose ces prochaines semaines ...la situation sera plutôt figée.. comme l'huile de zitounes bio au fond du frigidaire...car tous les acteurs attendent le 19 novembre ...pour connaître le nom du nouveau président des USA....

    M.V.

    11 h 32, le 17 septembre 2016

  • Avec les américains faut s'attendre à tout. Ils tournent leur veste au gré du vent et n'hésitent pas à l'occasion de trahir un de leurs sbires. Tel sera le cas pour les bensaouds comme il en a été pour les kurdes, en effet en ce moment on parle un peu trop du rôle néfaste du wahabisme bensaoud dans le monde. Nous parler d'un rôle israélien est risible, ces usurpateurs ont une influence très marquée sur les us et sur les bensaouds. Ils ne sont jamais loin d'un mauvais coup tant qu'ils n'en auront pas reçu un . Leur plus grand tort serait qu'ils croient être à l'abri.

    FRIK-A-FRAK

    11 h 21, le 17 septembre 2016

Retour en haut