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Moyen Orient et Monde - Syrie / Éclairage

L’accord Kerry-Lavrov soulève plus de questions que de réponses

Grand scepticisme s'agissant de l'application dans la durée du cessez-le-feu prévu dès ce soir.

De gauche à droite : l’envoyé spécial de l’Onu Staffan de Mistura, John Kerry et Sergueï Lavrov, à Genève, le 9 septembre. Kevin Lamarque/Reuters

De l'accord russo-américain sur la Syrie annoncé dans la nuit de vendredi à samedi et accueilli avec scepticisme, seuls quelques détails ont filtré. Après plus de treize heures de discussions, le secrétaire d'État US John Kerry et son homologue russe Sergueï Lavrov ont annoncé samedi matin et dans les grandes lignes leur plan commun pour une trêve de sept jours en Syrie, à partir de ce soir.

Parmi les conditions stipulées dans l'accord, le maintien au sol de l'aviation du régime syrien dans « certaines zones » choisies par les deux camps et gérées par des « rebelles modérés », tandis que les régions contrôlées par les groupes dits « terroristes » comme l'État islamique et Fateh al-Cham (ex-Front al-Nosra, branche syrienne d'el-Qaëda) continueront d'être la cible des raids du régime et de la Russie. L'aviation loyaliste n'aurait le droit de bombarder ces zones rebelles qu'en cas de « défense », et si attaquée dans des régions contrôlées par le régime.
Deuxièmement, une aide humanitaire immédiate devrait être envoyée à toutes les localités assiégées, « sans exception ». Le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères Bahram Ghasemi a même affirmé hier que les zones assiégées par les groupes « terroristes » devraient « particulièrement » bénéficier de cette aide, « peu d'attention leur ayant été consacrée »...
La ville d'Alep, particulièrement éprouvée par les violences et un siège total, devrait recevoir cette aide par la route dite du Castello, au nord, et qui deviendrait alors une zone « démilitarisée ». Quant au quartier de Ramousseh, l'une des deux entrées vers quartiers rebelles d'Alep avec la route du Castello, situé au sud-ouest de la ville, il devrait également être évacué et connaître une cessation des hostilités.
Toujours à partir de ce soir, un groupe de renseignements conjoint (en anglais « joint intelligence group », ou Jig) devrait être créé par Washington et Moscou dans le but notamment de collecter des informations sur Fateh al-Cham, avant d'organiser des raids en commun contre les positions du groupe et contre l'EI.

(Lire aussi : Les enjeux d’un accord russo-américain en Syrie)

 

« Loopholes »
L'accord Kerry-Lavrov soulève plus de questions que de réponses, d'autant plus que le vague maintenu sur ses modalités dans leur intégralité permet de croire sans difficulté à la présence de « loopholes », ou portes de sortie, notamment en faveur du régime syrien, indirectement encouragé, selon certaines sources de l'opposition, dans ses raids aériens dans des zones majoritairement civiles. Plus encore, la difficulté et la complexité du terrain syrien ne permettent pas d'établir avec aisance une liste de groupes rebelles bien distincts de Fateh al-Cham ou de l'EI, des dizaines de groupes et brigades leur étant affiliés plus par nécessité militaire qu'idéologique. Le terme « marbré » est d'ailleurs utilisé par les Américains pour qualifier le relationnel particulièrement complexe entre les différents groupes en Syrie. Ces mêmes mouvements ont été fortement encouragés par Washington à se démarquer de Fateh al-Cham, sous peine de subir des « conséquences désastreuses ».

Dans ce contexte, il est malgré tout peu probable que des dizaines de factions armées décident aussi aisément de retirer leurs forces de zones tenues par Fateh al-Cham, jugeant que ce faisant elles céderaient leurs territoires au régime de Bachar el-Assad qui ne respecterait pas la trêve et en profiterait pour générer des gains, estimait hier sur sa page Facebook Charles Lister, spécialiste du conflit syrien. Ce dernier a également jugé nécessaire l'appui de Téhéran à l'accord Kerry-Lavrov, jugeant que l'écart entre la Russie et l'Iran sur le dossier syrien était depuis longtemps « une dynamique sous-estimée » du conflit.


(Lire aussi : Le plan de transition de l'opposition syrienne, une manœuvre dilatoire ?)

 

Le mutisme de Riyad
Le timing de l'annonce conjointe de Moscou et Washington n'est pas fortuit. Cet accord survient notamment quelques semaines à peine après l'intervention militaire turque dans le nord de la Syrie, elle-même faisant suite à un rapprochement diplomatique récent entre Ankara et les deux alliés principaux de Damas, Téhéran et Moscou. L'intervention turque contre l'EI, mais aussi et surtout contre les Kurdes dans le nord de la Syrie, avec l'autorisation tacite de Damas, a poussé les différents groupes présents à Alep à redistribuer certains de leurs effectifs vers la frontière syro-turque dans le Nord. Ces évolutions se sont faites parallèlement au renforcement des positions du régime dans la capitale du Nord. En outre, l'évacuation réussie de centaines de civils et de rebelles armés de certaines localités, comme Daraya et Moadamiyyat al-Cham, laisse présager d'autres évacuations du même genre dans d'autres villes syriennes.

Si tant est que l'accord Kerry-Lavrov est appliqué ce soir, reste encore à savoir combien de temps il tiendra, d'autant qu'il a été rejeté tard en soirée hier par le groupe Ahrar al-Cham. Mais plusieurs protagonistes du conflit ont d'ores et déjà apporté leur appui à l'accord, comme l'Iran, le Hezbollah, le régime syrien, la Turquie, ainsi que quelques groupes rebelles. Ceux-ci ont affirmé hier soir dans une lettre adressée à Washington désirer « coopérer positivement » à la trêve, tout en dénonçant l'attitude « deux poids, deux mesures » de l'Occident face aux « milices chiites », en référence au Hezbollah entre autres.

Le manque de sanctions prévues en cas de violation de la trêve par le régime et ses alliés est un autre point critiqué par l'opposition politique et les rebelles, dubitatifs quant au maintien dans la durée de la trêve russo-américaine, et pour laquelle ils n'ont même pas été consultés.
En revanche, le mutisme total de Riyad depuis l'annonce de l'accord est surprenant. En tant que soutien de certains groupes sur le terrain, le royaume exige depuis le début du conflit le départ du président Assad, dont le sort reste la principale pierre d'achoppement de toute négociation sur le conflit.

 

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commentaires (2)

AVANT JANVIER ET MEME FEVRIER LES MOUMANA3ISTES CONTIONUERONT A FETER... ET ENSUITE : LES REFORMES ET LA DEMOCRATIE SERONT IMPOSEES GRACE AUX SACRIFICES DU PEUPLE SYRIEN ET LES DEPARTS AGREES MIS EN EXECUTION... REFORMES ET DEMOCRATIE = VICTOIRE DU PEUPLE !

LA LIBRE EXPRESSION

10 h 10, le 13 septembre 2016

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Commentaires (2)

  • AVANT JANVIER ET MEME FEVRIER LES MOUMANA3ISTES CONTIONUERONT A FETER... ET ENSUITE : LES REFORMES ET LA DEMOCRATIE SERONT IMPOSEES GRACE AUX SACRIFICES DU PEUPLE SYRIEN ET LES DEPARTS AGREES MIS EN EXECUTION... REFORMES ET DEMOCRATIE = VICTOIRE DU PEUPLE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    10 h 10, le 13 septembre 2016

  • Partons du principe , que Sergei Lavrov est un diplomate intelligent et expérimenté ...il a donc " concédé" un minimum à Kerry en panne ...alors, pour lui sauver la face...avant son départ de son poste de secrétaire d'état....car , tant pour Obama et son administration ...à partir du 20 décembre ,il retourne à la vie civile ...quelque soit le nouveau Président ...! donc, après 5 ans de négociations ..pourquoi Sergei Lavrov ferait 'il un cadeau à cette administration US finissante ..? conclusion directe : le choix du "wait and see" est pragmatique ...et c'est même fair play....

    M.V.

    13 h 03, le 12 septembre 2016

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