La Russie a récemment utilisé des bases aériennes iraniennes pour frapper des positions jihadistes en Syrie. Ministry of Defence of the Russian Federation/Handout via Reuters TV/File Photo
Les relations russo-iraniennes ont été marquées par de nombreuses rivalités, les deux pays ayant connu quatre guerres entre le XVIIIe et XIXe siècle.
Après un rapprochement progressif entre les deux pays durant la guerre froide, leurs relations ont été par la suite entachées par la révolution islamique d'Iran en 1979, provoquant un réajustement des relations soviéto-iraniennes. Malgré une révolution islamique sous le signe de la gauche révolutionnaire et d'un antiaméricanisme féroce, les relations entre les deux pays se sont détériorées en raison d'un écart idéologique majeur, l'athéisme communiste de l'Union soviétique et l'islam politique de l'Iran étant difficilement compatibles. L'effondrement de l'URSS entraîne une nouvelle conception politique, basée sur l'ouverture, en raison notamment de l'abandon des « prétentions impériales » russes. La coopération russo-iranienne sera alors impulsée par la visite historique du président de la République islamique d'Iran, Mohammad Khatami, au printemps 2001.
Aujourd'hui, les deux alliés possèdent des intérêts communs à de multiples niveaux. L'ouverture aux bombardiers russes de la base militaire de Hamedan, dans le nord-ouest de l'Iran, pour le front syrien a pu être vue comme étant une nouvelle étape dans la coordination opérationnelle entre les deux alliés sur le front syrien. Malgré cela, la critique du ministre iranien de la Défense Hossein Deghan dimanche envers l'allié russe pour avoir publiquement annoncé son utilisation a marqué l'arrêt des raids menés par la Russie en Syrie à partir des bases aériennes iraniennes, montrant une coopération difficile à admettre.
Cette coopération est néanmoins le fruit d'un long processus de rapprochements entre russes et iraniens, qui ont des intérêts communs, parmi lesquels le soutien au régime syrien et les divergences stratégiques avec les Occidentaux.
Djamchid Assadi, professeur à l'École supérieure de commerce de Dijon et spécialiste de l'Iran, reste toutefois plus nuancé. L'Iran n'a pas à proprement parler de « coopération stratégique avec la Russie », mais plutôt « une coopération par défaut », les deux pays étant impliqués en Syrie et se retrouvant de fait liés sans pour autant « partager la même configuration du Moyen-Orient » et les mêmes intérêts.
Les deux pays partagent tout de même de nombreux accords commerciaux et plus particulièrement dans les secteurs nucléaire et militaire. Ce dernier point a été sujet à de multiples tensions, notamment concernant le contrat de 2007 qui prévoyait la livraison de cinq systèmes de défense antiaériens S-300. La livraison a été retardée en 2010 à cause des sanctions imposées par l'Onu.
(Lire aussi : Fin « pour le moment » des raids russes à partir de l'Iran)
Malgré ces tensions, le socle de la bonne entente russo-iranienne concerne le volet sécuritaire et politique. La non-ingérence de l'Iran dans les affaires du Caucase et de l'Asie centrale, zone d'influence historique des russes, fait percevoir l'Iran aux yeux des russes comme n'étant pas un concurrent dans la région. À cela s'ajoute leurs oppositions à la présence militaire de l'Otan dans la région de la mer Caspienne et la lutte commune en matière de stupéfiants en provenance d'Afghanistan, qui ressert leur coopération.
Les deux pays partagent en outre la crainte de l'extrémisme sunnite qui donne aux Russes et aux Iraniens l'ambition d'une lutte sur un front commun. Si un dossier peut être qualifié de stratégique, c'est bien celui de la Syrie, où la Russie a l'ambition d'avoir une position stratégique au Proche-Orient avec un renforcement de l'axe Russie-Syrie-Iran.
(Pour mémoire : Une nouvelle étape dans la coopération entre Moscou et Téhéran en Syrie)
Cette alliance russo-iranienne a aussi des divergences, et met en évidence la difficulté à considérer comme étant une coopération stratégique globale leurs relations bilatérales.
M. Assadi qualifie la coopération russo-iranienne de « coopération négative », avec Téhéran qui serait utilisé par la Russie en tant que « levier dans ses négociations » avec les grandes puissances grâce au nucléaire iranien.
Ces divergences se sont illustrées concernant le dossier nucléaire iranien, où les russes ont systématiquement voté contre les Iraniens au Conseil de sécurité de l'Onu. Ce vote russe peut se justifier par la crainte de voir un Moyen-Orient se nucléariser, avec un effet domino sur l'Arabie saoudite, l'Égypte ou encore la Turquie.
Au dossier nucléaire s'ajoute « la concurrence sur le marché des hydrocarbures » entre les deux pays, ajoute M. Assadi.
En outre, sur le plan diplomatique, les bonnes relations qu'entretiennent Moscou et Tel-Aviv sont aussi un facteur de tensions dans les relations russo-iraniennes.
Enfin, la visite d'Erdogan à Saint-Pétersbourg ne peut se voir comme un basculement dans la coopération entre Russes et Turcs au détriment de l'Iran, les Russes cherchant plutôt, selon M. Assadi, à trouver un équilibre afin de « finir leur mission en Syrie », tout en renforçant son partenariat économique avec la Turquie.
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Relation d'égal à égal entre adulte consentant. Rien à voir avec la relation infantilisante des us et de ses vassaux.
17 h 28, le 23 août 2016