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Lifestyle - Beyrouth insight

Alissar Caracalla, des racines et des zèles

Alissar Caracalla est une enthousiaste gourmande de la vie. Meneuse de troupes, expansive et talentueuse, la chorégraphe libanaise empile les projets sans exténuation aucune et hisse son pays à pas de danses...

Photo Johanne Issa

La voilà qui arrive. Volubile, pétillante. Un sourire ensoleillé pour excuser son léger retard et de l'exténuation dans son regard noisette grillée. Elle vient de débarquer de son workout et porte un fuseau qui semble difficilement réconforter un corps comme vidé de ses forces, ayant évacué toute intensité, perdu tout ressort.

Pourtant, Alissar Caracalla s'interdit les complaintes et défie la fatigue qui l'écroue. Elle respire une énergie contagieuse, l'extase enthousiaste de celles qui se considèrent choyées par la vie, et la décontraction de celles qui ont grandi dans les valses à mille temps de leurs multiples vies. Presque une habitude pour quelqu'un que tout passionne, elle est en ce moment sur plusieurs fronts : elle vient de chorégraphier le spectacle de Caracalla La route de la soie qui a ouvert le Festival de Baalbeck, se prépare à l'embarquer aux quatre coins du globe, gère la Caracalla School of Dance et s'est même convertie en prof de soul cycling.

 

Identité en mosaïque
Alissar Caracalla parle sans trêve, avec un accent chamarré où se tutoient le Liban de ses origines, l'Angleterre de son enfance et les États-Unis de ses déambulations. C'est d'ailleurs en femme mosaïque qu'elle aime se décrire: «Je suis une femme arabe de Baalbeck qui a grandi et s'est construite en Angleterre et aux États-Unis.» C'est à Londres qu'elle décide de corseter sa passion en suivant des cours de performing arts en parallèle de son cursus scolaire. Cela dit, elle tient à souligner: «Je n'ai jamais ressenti aucune pression de la part de mes parents ; c'était de la pure passion. J'avais envie de vivre une vie à la Fame !»

Pendant les vacances, elle s'irrigue d'une «expérience libanaise» en baignant dans les costumes confectionnés par son père Abdel Halim Caracalla et en croisant des danseurs de la troupe ou des poètes de passage à la maison. S'en est suivi un déménagement à Los Angeles où elle décroche un diplôme en communication et un autre en chorégraphie. De ses années américaines cruciales, Alissar retient «une leçon d'humanité et d'humilité». «Les États-Unis m'ont permis d'être la personne que je suis aujourd'hui. L'expérience était tellement intense. On nous parlait de Pina Bausch et le lendemain elle atterrissait à la fac», se souvient la chorégraphe alors qu'elle agrémente son propos du mouvement de ses bras graciles.

 

(Lire aussi : Le Festival international de Baalbeck : 60 ans contre vents et marées)

 

La danse comme un message
«Comme avec des bagages plein d'outils accumulés au cours de mes années à l'étranger», dit-elle, Alissar rentre à Beyrouth en 2002. Trois mousquetaires à elle toute seule tant elle sait batailler et conquérir l'espace et le temps, elle ravale ses anxiétés et s'engage sur plusieurs fronts. D'abord, avec son frère Ivan, elle se pose le défi de développer et réinventer le Caracalla Dance Theater (monté par Abdel-Halim en 1968) tout en participant à des spectacles en tant que danseuse. Pari réussi car, en quelques années, elle monte la Caracalla School of Dance qui crée son propre vocabulaire dansé, en gommant les frontières entre folklore et modernité. Alissar appelle cela : « Le style Caracalla. » Et de poursuivre : «Nous sommes passés d'une cinquantaine d'élèves à deux mille avec près de vingt-cinq instituteurs et des cours de tous genres. » Ensuite, elle s'essaye épisodiquement à la télévision au sein du jury de la Star Academy. Mais comme la jeune femme est toujours prise de l'envie de faire toujours autre chose, encore plus, elle choisit de revenir à la scène, mais cette fois dans le rôle de chorégraphe. « Tout au long de ces années, j'ai été animée par une mission, qui était mon moteur : d'abord porter le flambeau de Caracalla, mais aussi rendre la danse plus accessible, et enfin porter notre petit pays à bout de bras et le hisser ailleurs, dans le monde», affirme la brune piquante.

 

Mon père, ce héros
Et lorsqu'on lui demande d'où lui est venue cette manière de prendre la vie à bras-le-corps, de tout mener de front, Alissar Caracalla répond du tac au tac: «De mon père, c'est mon héros. Il en faut du culot et du courage pour quitter Baalbeck dans les années 60 et rejoindre les cours de Martha Graham à Londres !» Alissar a donc la fibre bagarreuse quand il s'agit de prouver que toutes les barrières peuvent être franchies, et c'est sans doute ce jusqu'au-boutisme qui l'a mené à accepter le défi lancé par Nayla De Freige lorsqu'elle les a approchés pour faire l'ouverture de la soixantième édition du Festival de Baalbeck. « Nous avons eu un an au lieu de deux pour monter un tel spectacle, mais nous n'avons pas hésité. Baalbeck, c'est tout un poids historique, mais c'est aussi et surtout là où tout a commencé pour Caracalla.» Elle raconte : «Je ne me suis toujours pas remise de l'accueil du public qui a bravé toutes les craintes pour se rendre à Baalbeck et faire salle comble. Nous allons à présent emmener le spectacle à Pékin, Mascate, Londres et j'espère les États-Unis ! ».

Sinon, lorsque la tisseuse de chorégraphies n'est pas sur scène, on peut la croiser chez Exhale où, «au culot», elle s'est certifiée professeure de soul cycling et donne des cours qui mêlent chorégraphie et sport. Elle a aussi des projets de se lancer plus sérieusement dans le fitness. Et «m'occuper de mon mari aussi!», sourit-elle. Elle vient également d'achever le tournage d'un documentaire avec la BBC qui sera diffusé en octobre. «La chaîne a sélectionné dix personnes dans dix pays pour créer des courts métrages à propos de Shakespeare. Je ne me suis jamais sentie aussi fière d'être libanaise», conclut Alissar Caracalla. La preuve vivante que l'on peut puiser dans ses racines et en construire des ailes...

 

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