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Nos Lecteurs ont la Parole - Georges ASSIMA

Il y a trente ans, la Suisse offrait ses bons offices au Liban

Un épisode éloigné mais symbolique de l'action de la Suisse en faveur d'un règlement pacifique des conflits au Proche-Orient rappelle à nos mémoires celle d'un ancien ministre des Affaires étrangères, Pierre Aubert, à partir d'une lecture nécessairement fragmentaire des évènements.
Une semaine après l'assassinat du président Béchir Gemayel en septembre 1982, c'est une nette majorité du Parlement, sous forte protection militaire, qui élisait un président de la République de compromis, son frère Amine Gemayel. Le sentiment national triomphait, une fois encore, des fractures de la société. Restait à résoudre la quadrature du cercle : restaurer l'intégrité du pays face à Israël, résister à l'occupation syrienne, stopper les affrontements entre forces chiites libanaises et réfugiés palestiniens, entre chrétiens et druzes dans le Chouf, répondre à la montée de l'islamisme. Un traité de paix mort-né avec Israël, la recherche d'une forme indolore d'occupation par la Syrie, le départ des forces franco-américaines d'interposition après des attentats-suicide, le retrait à pas comptés de Tsahal jusqu'à l'Etat tampon du Sud-Liban du général Antoine Lahad, décevront les champions de la souveraineté nationale. Dont le général Michel Aoun, populaire commandant en chef de l'armée, partageant la même prédilection pour la cavalerie blindée qu'un certain général.
C'est le moment choisi par Pierre Aubert, président de la Confédération en 1983, pour mettre ses bons offices au service de notre fraternelle Suisse du Moyen-Orient. Il s'inscrivait, ce faisant, dans le prolongement du concept de neutralité active mis en œuvre par son prédécesseur, Max Petitpierre, à la tête des Affaires étrangères lors de la crise de Suez en 1956. L'intervention personnelle in extremis de ce dernier avait, seule, permis le transport par Swissair des Casques bleus de l'Onu, créés quelques semaines plus tôt, d'Italie vers l'Egypte pour s'interposer entre les belligérants. Pierre Aubert disposait, en qualité de membre du Parti socialiste suisse, de lettres de créance en bonne et due forme auprès des États arabes pour avoir rencontré à Berne en 1981 Farouk Kaddoumi, son alter ego en charge des affaires internationales de l'OLP, proche de l'Internationale socialiste.
Deux conférences pour un dialogue national entre Libanais réunissant notamment, dans un grand palace lausannois, les plus hauts dirigeants de toutes les parties concernées, se tiendront notamment en novembre 1983 puis mars 1984, sans déboucher sur les résultats escomptés. Elles se prolongeront par un déplacement du chef de la diplomatie suisse sur place l'année suivante, sans davantage de réussite hélas. Après une nouvelle rencontre entre Pierre Aubert et son homologue Farouk Kaddoumi lors de sa visite officielle en mai 1985 en Tunisie où l'OLP, chassée par Israël du Liban, avait trouvé refuge, le Conseil fédéral devait s'exprimer, à la demande du Parlement, sur les grands axes de sa politique au Proche-Orient fin 1985.
Aux yeux du gouvernement suisse, une solution du conflit israélo-palestinien devait prendre en ligne de compte deux éléments fondamentaux : d'une part, le droit d'Israël à l'existence et à la sécurité à l'intérieur de frontières reconnues internationalement, et, d'autre part, le droit du peuple palestinien à déterminer lui-même son avenir. Sur Jérusalem, il réaffirmait que la question de la souveraineté sur des territoires occupés par la force relève des dispositions des accords de règlement global des conflits les concernant conformément aux principes du droit international.
De son côté, le général Aoun exigeait en mars 1989 du président Amine Gemayel en fin de mandat d'être nommé chef du gouvernement, en dérogation du droit coutumier, dans un Liban déchiré et toujours sous emprise syrienne, malgré des désaccords entre hauts responsables chrétiens. Il résistera près de deux ans aux tonnes d'obus 220 syriens, repoussant à la tête d'une armée régulière multiconfessionnelle les assauts des factotums libanais et palestiniens de Damas, ne cédant qu'après une traîtrise dans ses rangs. Destination la France mitterrandienne. D'où Michel Aoun revenait, il y a dix ans, reprendre la lutte au plan politique, et semblerait un des candidats à la présidence de la République les moins mal placés si Dieu nous prête vie, disait Qui vous savez.
La diplomatie suisse du « good will » empruntera encore au moins deux voies. D'une part, celle de la résolution du conflit israélo-palestinien, suivant un processus qui aboutira à l'« Initiative de Genève » en 2003, accord conclu à titre non officiel entre personnalités israéliennes et palestiniennes, dont les propositions détaillées restent d'actualité. Le mérite de ce dialogue constructif revenant, notamment, à une autre ministre suisse des Affaires étrangères, Mme Micheline Calmy-Rey. C'est selon cette logique que la Suisse décidait en mai 2013 que les exportations israéliennes en provenance des territoires occupés mentionneront à l'avenir la région de production.
D'autre part, un groupe du Mont-Pèlerin voyait le jour, sans mandat officiel mais soutenu par le département fédéral des Affaires étrangères, qui a réuni de nouveau, dès 2007, une quinzaine de politiciens et d'intellectuels libanais de tout bord, du Hezbollah au gouvernement, au Mont-Pèlerin dominant le lac Léman, à Beyrouth et à Berne, dans un esprit qui doit être celui du dialogue et de la bonne gouvernance. Pour que le Proche-Orient ne devienne pas, un jour, pour nous gens du Nord, le « lointain Orient ».

Georges ASSIMA
Ancien professeur à l'Université du Burundi et conférencier aux universités de Lausanne et de Genève
Ancien responsable francophone près la Commission fédérale des étrangers du gouvernement suisse.

Un épisode éloigné mais symbolique de l'action de la Suisse en faveur d'un règlement pacifique des conflits au Proche-Orient rappelle à nos mémoires celle d'un ancien ministre des Affaires étrangères, Pierre Aubert, à partir d'une lecture nécessairement fragmentaire des évènements.Une semaine après l'assassinat du président Béchir Gemayel en septembre 1982, c'est une nette...

commentaires (1)

Dans ces années, 1982, 1983 etc., le Liban jouissait encore d'une assez bonne réputation. -C'était le petit pays envahi par les réfugiés Palestiniens, aidés par tous ceux qui avaient intérêt à l'occuper -C'était le petit pays menacé par les visées expansionistes d'Israël Bref, un petit pays démocratique que la Suisse aurait bien voulu aider et a vraiment essayé de le faire ! Nous connaissons malheureusement tous la suite... Irène Saïd

Irene Said

12 h 14, le 27 juillet 2016

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Commentaires (1)

  • Dans ces années, 1982, 1983 etc., le Liban jouissait encore d'une assez bonne réputation. -C'était le petit pays envahi par les réfugiés Palestiniens, aidés par tous ceux qui avaient intérêt à l'occuper -C'était le petit pays menacé par les visées expansionistes d'Israël Bref, un petit pays démocratique que la Suisse aurait bien voulu aider et a vraiment essayé de le faire ! Nous connaissons malheureusement tous la suite... Irène Saïd

    Irene Said

    12 h 14, le 27 juillet 2016

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