Il y a d'abord ce que l'on sait. « L'attaque dont le caractère terroriste ne peut être nié », selon l'expression employée par le président français François Hollande, perpétrée jeudi soir à Nice a fait au moins 84 morts et n'a toujours pas été revendiquée. Son auteur, en revanche, a été formellement identifié : il s'agit de Mohammad Lahouaiej Bouhlel, un homme de 31 ans d'origine tunisienne, interpellé pour des actes de petite délinquance, mais inconnu des services de renseignements. En fonçant avec son camion dans la foule agglutinée sur la Promenade des Anglais pour admirer le feu d'artifice de la fête nationale, il est clair que l'homme cherchait à faire le plus de victimes possible. À l'instar des attentats du 13 novembre dernier, l'attentat du 14 juillet est une tuerie de masse qui avait pour objectif de semer un sentiment de terreur et de panique.
Le mode opératoire est toutefois complètement différent. Même si une « grenade inopérante » et des armes longues factices ont été retrouvées dans la camionnette, l'auteur de l'attentat s'est exclusivement servi de son camion pour tuer toutes les victimes. Ce mode opératoire n'est pourtant pas nouveau. Il a déjà été utilisé au Moyen-Orient, notamment par les Palestiniens contre les Israéliens. En septembre 2014, le porte-parole de l'État islamique (EI), Abou Mohammad el-Adnani, avait déclaré dans un message audio : « Si vous pouvez tuer un incroyant américain ou européen – en particulier les méchants et sales Français – (...), alors comptez sur Allah et tuez-le de n'importe quelle manière. (...) Frappez sa tête avec une pierre, égorgez-le avec un couteau, écrasez-le avec sa voiture, jetez-le d'un lieu en hauteur, étranglez-le ou empoisonnez-le. »
Plus le mode opératoire semble simpliste, plus le sentiment de panique se diffuse : l'écrasement par le camion a ceci de particulièrement terrifiant qu'il apparaît à la portée de n'importe qui et (presque) impossible à arrêter.
(Diaporama : Un 14 Juillet cauchemardesque à Nice : l'horreur, en images)
Cercle vicieux
Il y a, ensuite, justement, les questions que l'on se pose et auxquelles l'enquête devra répondre.
Comment le camion a-t-il pu pénétrer sur la Promenade des Anglais alors que, même en temps normal, l'accès d'un 18-tonnes sur cette célèbre avenue touristique est impossible ? Pourquoi l'homme était-il armé ? Les mesures sécuritaires étaient-elles suffisantes ? Y a-t-il eu des failles à ce niveau ? Et, surtout, les leçons du 13 novembre ont-elles réellement été tirées ?
Il y a, enfin, les premiers constats à dresser.
Perpétrer un tel attentat pendant les célébrations du 14-Juillet relève d'une logique hautement symbolique. C'est la France, toute la France, hommes, femmes et (pour la première fois) enfants, et ses valeurs républicaines qui ont été visées. C'est le troisième attentat majeur perpétré sur le sol français en seulement 18 mois. Ni les bombardements contre l'EI en Syrie et en Irak, ni l'état d'urgence, ni l'opération Sentinelle n'ont réussi à l'empêcher. Comment alors répondre à cette nouvelle attaque sans entrer dans un cercle vicieux ? Autrement dit, sans tomber dans le piège tendu par les organisations jihadistes ?
(Lire aussi : Une question (parmi d'autres) : comment le camion a-t-il pu entrer sur la Promenade des Anglais ?)
Pour le moins que l'on puisse dire, ces dernières cherchent à provoquer une guerre civile, ou quelque chose qui y ressemble grandement, entre les différentes communautés, en faisant tout pour provoquer la stigmatisation des musulmans. La montée des tensions, la multiplication des actes islamophobes, la normalisation du discours d'extrême droite et la remise en question des libertés au nom de la sécurité, entre autres, font le jeu des jihadistes, qui connaissent parfaitement les failles de la société française.
Pour les combattre, il n'y a pas de solution miracle. Tant qu'ils en auront la volonté, ces derniers passeront à l'acte, quels que soient leurs modes opératoires et quelles que soient les mesures de sécurité.
C'est cette volonté qu'il faut annihiler. Mais cela demande une stratégie globale, nationale et internationale, comprenant de multiples dimensions : idéologique, politique, psychologique, économique et sociale, policière, et enfin militaire.
Le combat de toute une génération.
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Témoignages
Ils étaient à Nice, ils racontent l'horreur
Deux étudiants de l'USJ, pris dans le chaos de l'attentat de Nice, racontent
Qaa et Nice ...même combat...! il faut détruire ces tarés de l'obscurantisme djihadistes..
14 h 05, le 16 juillet 2016