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Cinema- - Rencontre

Georges Schoucair : « Un producteur n’est pas un carnet de chèques, mais un partenaire »

À la tête de la boîte de production Abbout et membre du comité de l'association Metropolis, Georges Schoucair multiplie les projets et défend un statut de producteur, jusque-là méconnu.

Georges Schoucair, un producteur créatif. DR

Quand la passion existe, le destin guette le moment pour vite la rattraper. Après avoir achevé des études de réalisation à Paris, Georges Schoucair rentre au pays, mais pour réintégrer rapidement l'entreprise familiale. Lorsque ses amis Joana Hadjithomas et Khalil Joreige fondent la société de production Abbout (portant le surnom donné à Joana par son époux Khalil), Georges Schoucair se joint à eux, pour développer d'abord leurs projets, puis les siens. C'est leur film A Perfect Day qui lui remettra le pied à l'étrier. « Quand ils m'ont proposé de les aider au financement de la dernière partie du film, c'était pour moi l'occasion de rentrer à nouveau dans ce monde, après dix ans de parenthèses. » Il les rejoindra plus tard dans cette association fondée par Hania Mroué, Zeina Sfeir, Ghassan Salhab et eux-mêmes.

Le créneau manquant
Très vite, cet amoureux du cinéma se rend compte qu'il y a des pièces qui manquent au puzzle. « Au Liban, tout le monde veut être réalisateur, mais personne ne veut être producteur, monteur ou scénariste. Le cinéma était vierge, non structuré et les metteurs en scène tous des francs-tireurs, avec Ghassan Salhab comme passe-partout dans les scénarios. Résultat : lorsqu'un producteur étranger débarquait au Liban, il n'avait pas d'interlocuteur. Je décidais donc d'occuper ce créneau. »
Georges Schoucair enfile alors une double veste, puisqu'en devenant producteur, il devenait aussi (co)scénariste. « S'il fallait prendre un risque financier, au moins, essayons, me suis-je dit, de développer l'écriture avec l'auteur, à l'instar du modèle européen. » Il revendiquera aussitôt le titre de producteur créatif. « Il fallait d'abord convaincre les autres qu'un producteur n'est pas un carnet de chèques, mais un partenaire, et que le binôme producteur-réalisateur est tout à fait semblable à celui d'architecte-entrepreneur. » Un réalisateur allait avoir, à partir de maintenant, un premier regard, un premier commentaire, un partenaire aussi déterminé que lui dans le projet de film.
Au bout de quelques années, Abbout grandit, la société intervenant souvent dès le début du projet en se concentrant sur les films libanais et les documentaires. « Mais dans la mécanique du mécano, il manquait la distribution. » Avec vingt films à son actif, Schoucair crée MC distribution, chargée de distribuer des films au Liban et au Moyen-Orient, ainsi que toutes les œuvres que le producteur défend d'une manière générale et dont la sortie n'est effectuée que dans la salle Metropolis. Ainsi, on pourra voir dans son carnet d'adresses Tramontane côtoyer Une séparation, Mummy ou Mustang... Ayant la double nationalité française et libanaise, mais aussi attaché à sa francophonie, le festival de Cannes devenait un passage obligé pour le producteur et ses films indépendants.

Protéger le cinéma libanais
Ayant rejoint la bande de Metropolis et l'ayant installé à Sofil alors qu'elle était à Hamra à ses débuts, Georges Schoucair avoue : « Metropolis est un drapeau fort parce qu'on projette les films qu'on aime . Il y a du plaisir et du désir à partager avec le public. Mais cela ne signifie pas que le cinéma libanais doit être unique. Il est diversifié. Je pense que le Liban a vocation de faire des œuvres plus sophistiquées que les films commerciaux à grand rendement. Tout en respectant les films d'auteur, nous savons pertinemment qu'il y a un cinéma qui existe à mi-chemin entre les films pointus et les commerciaux », insiste celui qui, après avoir rejoint la bande du Metropolis, a déménagé le cinéma de Hamra à Sofil. « Cette année, il y a plus de quinze films qui sortent en salles. Cela signifie que le cinéma libanais est en bonne santé », relève Georges Schoucair.
Pour le producteur, l'essentiel c'est que le marché de distribution se régule avec tout ce que cela comprend comme visas de distribution et sorties en salles. « L'État, la Fondation Liban cinéma (FLC) ou la Banque centrale, qui vient d'émettre une circulaire très importante permettant aux réalisateurs de respirer un peu, sont autant d'acteurs qui vont aider à protéger le cinéma libanais. On pourrait même, plus tard, copier le modèle coréen en obligeant les distributeurs à garder un peu plus longtemps les films en salle. »

Rendre l'ascenseur
Quid de la cinémathèque ? « Le projet qui a germé il y a quelques années n'est pas abandonné, mais simplement retardé », dit-il. Et concernant les films ? « Celui de Nadim Tabet est achevé et celui d'Ahmad Ghossein en cours. Il faut organiser la sortie de Tramontane. Ensuite, il y a cet excellente initiative de la Quinzaine des réalisateurs dans lequel nous nous sommes embarqués. Lebanon Factory a choisi cette année le Liban pour jumeler quatre projets libanais avec quatre venus de l'étranger. Les jeunes réalisateurs sélectionnés par un jury local devront présenter leurs films à Cannes, l'an prochain. La présentation qui se tiendra mi-septembre est prometteuse. Cet événement va engranger beaucoup de travail et une dynamique extraordinaire », se réjouit-il. Ayant adhéré très vite à ce projet, Georges Schoucair sera aidé par des sponsors et par la FLC, qui effectue un travail de networking et de lobbying très efficace. « Je suis confiant que tout marche bien et que le marché élimine naturellement les imposteurs. »
Enfin, le producteur-distributeur vient également de monter une société d'investissement pour les films indépendants, appelée Shortcut films. « C'est une occasion pour moi de rentrer dans des projets internationaux qui manquent de financement, et rendre l'ascenseur. J'investis ainsi dans un film algérien, tunisien et palestinien en essayant de créer une crédibilité internationale. Au lieu d'aller vers les autres, ce sont eux qui viennent à moi. Shortcut me permet de rentrer dans des projets que j'aime et qui ne sont pas nécessairement arabes. Tout cela prouve que le cinéma est un grand vase communiquant », conclut, en souriant, Georges Schoucair.

 

 

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