Le royaume de Bahreïn était mardi sous le feu des critiques au lendemain de sa décision de retirer la nationalité au plus haut dignitaire chiite du pays, dénoncée par Washington mais aussi par Téhéran qui parle d'une une "ligne rouge" susceptible d'"enflammer" la région.
Cheikh Issa Qassem, 75 ans, chef spirituel de la majorité chiite et critique du pouvoir sunnite à Bahreïn, a été déchu lundi de sa nationalité par le ministère de l'Intérieur qui l'a accusé d'"encourager le confessionnalisme" et de "servir des intérêts étrangers", en allusion à l'Iran.
A Téhéran, le général Ghassem Soleimani, haut responsable des Gardiens de la révolution, corps d'élite de l'armée iranienne, a prévenu que Manama "sait sûrement que l'agression contre l'ayatollah Issa Qassem est une ligne rouge qui, une fois franchie, va enflammer Bahreïn et toute la région".
Le régime de Manama "devrait (aussi) savoir qu'insulter l'ayatollah Issa Qassem et poursuivre une pression intense sur le peuple de Bahreïn va marquer le début d'une sanglante intifada (insurrection)", a ajouté le général iranien. "Ses répercussions seront de la responsabilité de ceux qui légitiment l'insolence des dirigeants de Bahreïn", a-t-il prévenu.
La tension, déjà vive à Bahreïn où la majorité chiite s'estime victime d'une répression systématique, est montée d'un cran lundi après l'annonce de la mesure contre Cheikh Issa Qassem. Des milliers de personnes ont participé à une manifestation à Diraz, le village natal du cheikh situé à l'ouest de la capitale Manama, malgré un déploiement massif des forces de sécurité. Après cette manifestation, ponctuée par des slogans hostiles au roi Hamad ben Issa al-Khalifa, des dizaines de protestataires ont entamé un sit-in devant la résidence d'Issa Qassem, selon des témoins.
(Lire aussi : Prison et retrait de nationalité pour huit chiites coupables d'avoir fondé le "Hezbollah bahreïni")
Les États-Unis "troublés"
Parallèlement à l'Iran, les États-Unis ont vivement dénoncé la décision des autorités bahreïnies. "Nous demeurons profondément troublés par cette pratique du gouvernement bahreïni qui consiste à arbitrairement déchoir de leur nationalité ses citoyens", a déclaré John Kirby, le porte-parole du département d'État, en s'inquiétant du risque de rendre des dissidents apatrides. John Kirby a rappelé que la diplomatie américaine prônait "la réforme et la réconciliation" pour résoudre les différends politiques à Bahreïn.
Des organisations de défense des droits de l'Homme reprochent au pouvoir dirigé par une dynastie sunnite d'alimenter lui-même la violence en réprimant la contestation animée par la majorité chiite qui réclame une véritable monarchie constitutionnelle. Les autorités cherchent à "faire taire toute forme de critique", a estimé le Bahrain Center for Human Rights (BCHR). Pour cette ONG locale proche de l'opposition, la révocation de la nationalité de cheikh Issa Qassem "est un autre coup porté à la liberté d'expression" et s'inscrit "dans le cadre d'une répression croissante des libertés".
(Pour mémoire : A Bahreïn, la condamnation en appel du chef de l'opposition ravive les tensions)
Siège de la Ve Flotte américaine, Bahreïn est le théâtre de troubles sporadiques depuis la répression d'un mouvement de contestation lancé en février 2011 dans la foulée du Printemps arabe. La justice a, depuis, rendu plusieurs jugements retirant leur nationalité à des Bahreïnis souvent reconnus coupables de violences, que les autorités attribuent régulièrement à des "terroristes" bénéficiant selon elles de la "complicité" de l'Iran.
Au moins 261 Bahreïnis se sont vus retirer leur nationalité depuis 2012, a recensé le BCHR en appelant le gouvernement de Manama à "rétablir dans leur nationalité immédiatement et sans conditions" tous ceux frappés par cette mesure. Mais le Premier ministre Khalifa Ben Salmane al-Khalifa est resté sur une ligne dure. En conseil des ministres lundi, il a affiché "la fermeté" du pouvoir pour "préserver la sécurité, renforcer la stabilité" et prévenir "le confessionnalisme et la violence".
Pour mémoire
Bahreïn annonce des mesures pour contrer les "ingérences" de l'Iran
Cheikh Issa Qassem, 75 ans, chef spirituel de la majorité chiite et critique du pouvoir sunnite à Bahreïn, a été...
Une provocation stupide et inutile de plus qui va entrainer manifestations et vengeances avec tout ce qu'elles peuvent causer de blessés, dégats etc., etc. Mais...ces IRRESPONSABLES Bahreïnis...qu'ont-ils dans leur cerveau ? N'ont-ils toujours pas réalisé que nous sommes au 21ème siècle ? Si tous ceux qui "s'opposent" à un régime sont déchus de leur nationalité...notre monde ne sera bientôt plus peuplé que de beaucoup d'apatrides ! Irène Saïd
15 h 18, le 21 juin 2016