Si elles ont lieu, les élections municipales de Beyrouth donneront indiscutablement le feu vert à la poursuite du scrutin dans les autres mohafazats. Cet avis est désormais partagé par nombre d'observateurs qui suivent de près les préparatifs en amont du prochain rendez-vous électoral dans la capitale, celui qui inaugurera la saison le 8 mai prochain.
« Le fait de convoquer les collèges électoraux et de lancer la machine administrative ne signifie en aucun cas que le processus est irréversible », assure une source proche des Kataëb, qui croit savoir que n'importe quel prétexte ou presque serait bon pour annuler cette consultation tant attendue. Pourtant, à voir le foisonnement des listes électorales ne serait-ce qu'à Beyrouth, et la valse des alliances et contre-alliances partisanes et familiales qui a déjà eu lieu dans diverses régions du pays, on a du mal à croire que l'engrenage peut encore s'arrêter.
Dans la capitale, ce sont au moins quatre différentes listes, complètes ou incomplètes qui vont se partager les urnes d'ici à une quinzaine de jours. La compétition est ainsi rendue d'autant plus captivante que pour la première fois, une nouvelle dynamique « citoyenne » se profile à l'horizon, avec des profils à ce jour méconnus qui tentent de se frayer une place dans le paysage politique traditionnellement verrouillé par les partis politiques qui ont longtemps dominé le jeu électoral.
L'annonce il y a quelques jours de la liste Beyrouth Madinati, composée de 24 experts de divers secteurs professionnels et d'activistes beyrouthins, a donné le ton de l'atmosphère préélectorale et de la bataille à venir. Placée sous le thème de la récupération du pouvoir décisionnel des mains de la classe politique traditionnelle, la campagne Beyrouth Madinati est foncièrement axée sur les questions de développement et de l'embellissement de la capitale et de la lutte corollaire contre la corruption, d'où le choix d'une pléthore d'ingénieurs, d'urbanistes et d'experts en environnement.
Des thèmes repris, dans un sens politique encore plus large, par un autre mouvement réformiste, « Citoyens et citoyennes dans un État » (« Mouwatinoun wa mouwatinat fi dawla »), dirigé par l'ancien ministre Charbel Nahas, qui vient de rendre public les noms de quatre de leurs candidats.
En face, la liste cautionnée par les forces politiques traditionnelles et concoctée par le chef du courant du Futur, Saad Hariri, reste à ce jour en phase de négociations. Présidée par Jamal Itani, la liste respectera à la lettre la coutume de la parité entre chrétiens et musulmans inaugurée par l'ancien Premier ministre assassiné Rafic Hariri. À ce jour, la part du lion au sein de l'équipe chrétienne semble destinée au tandem FL-CPL qui devrait en principe rafler une majorité de candidatures réservées au camp chrétien. Si l'on en croit les informations obtenues auprès d'une source FL, les Kataëb, le Tachnag et le Ramgavar devraient nommer un candidat chacun ; idem pour le ministre du Tourisme, Michel Pharaon. La vice-présidence de la municipalité reviendrait à un candidat nommé par le métropolite Élias Audi. Deux autres candidats chrétiens relevant du courant du Futur seraient également nommés par les députés chrétiens de la ville. Il reste quatre candidats qui vont être départagés, une fois les négociations terminées, entre M. Hariri, le CPL et les FL. Quant aux candidats musulmans qui seront de toute évidence désignés par le chef du courant du Futur, aucun nom n'a filtré à ce jour. Une quasi-certitude cependant : M. Hariri a l'intention de nommer, cette fois-ci, un candidat kurde sur sa liste.
(Voir aussi : Micro-trottoir spécial Municipales 2016 : A Beyrouth, les électeurs entre colère, lassitude et dégoût)
La surprise Wazzan
Autre surprise venue pimenter ce paysage politique bigarré mettant face à face forces conventionnelles et réformatrices : l'annonce par l'avocat Imad Wazzan de la constitution d'une quatrième liste dans la logique de la proportionnelle, avec 15 candidats sur 24 issus de la communauté sunnite. M. Wazzan estime en effet que la capitale comporte 60 pour cent de sunnites, ce qui devrait naturellement se refléter dans la composition du prochain conseil municipal. « La réalité du terrain a changé », devait confier Me Wazzan hier à la MTV, en allusion à la « coutume » jadis pratiquée par les Hariri. L'avocat, qui doit annoncer les noms de la liste qu'il préside jeudi prochain, n'a pas apporté plus de détails quant à l'appartenance politique des candidats. Certains observateurs se demandent si elle inclurait notamment des personnalités de la Jamaa islamiya et des Ahbache qui, en 2010, s'étaient présentés sur des listes propres à eux.
Des informations circulent par ailleurs sur l'éventualité de la naissance d'une cinquième liste, soutenue par le Mouvement du peuple présidé par l'ancien député Najah Wakim. Elle comprendrait principalement des figures dites de « l'opposition ».
Bref, autant de couleurs qui ne manqueront pas d'alimenter la compétition, en conférant, en façade du moins, un caractère démocratique à cette bataille. Il reste que la multiplication des « forces parallèles » risque d'entraîner un éparpillement des voix tel qu'il ne manquera pas d'amoindrir les chances des mouvements réformistes de percer, face au bulldozer bien huilé conduit par Saad Hariri.
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On prend encore une fois les libanais pour des naïfs. Qui croit aujourd'hui que les anciens se laisseront faire ? Il y a encore tellement de sous à grapiller ! F.M.
12 h 31, le 25 avril 2016