Une délégation d'opposants syriens proches de Moscou, et tolérés par le régime Assad, a été reçue pour la première fois hier soir par l'émissaire de l'Onu et réclame désormais un rôle à part entière dans les négociations de paix de Genève.
Cette délégation, dite « Groupe de Moscou », qui inclut également deux représentants du « Groupe du Caire », est vivement contestée par l'opposition « officielle » réunie au sein du Haut Comité des négociations (HCN). Le HCN, qui regroupe des représentants politiques et des groupes armés, s'estime seul interlocuteur de l'Onu et dénie toute légitimité au Groupe de Moscou sur le terrain. « Nous sommes ici en tant que négociateurs », a toutefois affirmé Randa Kassis, opposante laïque et coprésidente de la délégation, à l'issue de leur rencontre avec l'envoyé spécial de l'Onu pour la Syrie, Staffan de Mistura. « Nous voulons un processus de transition, une solution politique. Nous ne sommes pas en concurrence avec quiconque, nous sommes tous des composantes de la négociation », a martelé à son tour Qadri Jamil, coprésident de la délégation et ancien vice-Premier ministre syrien. M. de Mistura, seul en mesure de préciser le statut exact de cette délégation, entre consultants ou négociateurs, ne s'est pas présenté devant la presse, contrairement à ce qui était prévu.
Contrairement au HCN, qui exige le départ du président syrien Bachar el-Assad au moment où démarrera la transition politique, le « Groupe de Moscou », toléré par le régime de Damas, prône « un dialogue sans condition préalable et la recherche du consensus ». Dans un document en 7 points remis au médiateur de l'Onu, la délégation soutient l'idée d'un « organe gouvernemental de transition », mais ajoute que « sa définition et sa composition devront faire l'objet de négociations ».
Le négociateur en chef du régime de Damas, l'ambassadeur de Syrie à l'Onu Bachar el-Jaafari, a déclaré mercredi, à l'issue de son deuxième entretien avec M. de Mistura, que « personne ne peut monopoliser le droit de représenter l'opposition », en référence au HCN qui refuse de reconnaître le Groupe de Moscou. Les deux coprésidents de la délégation du « Groupe de Moscou » ont par ailleurs insisté sur la nécessité de « lever l'embargo » contre la participation des Kurdes de Syrie aux pourparlers de Genève. Alliés de Moscou et de Washington, les Kurdes syriens contrôlent plus de 10 % du territoire et les trois quarts de la frontière syro-turque, mais ils sont pour l'instant tenus à l'écart des négociations, sous la pression de la Turquie, qui est elle-même confrontée à un problème avec sa communauté kurde.
Les Kurdes et le fédéralisme
Dans ce contexte, les Kurdes de Syrie se prononcent aujourd'hui sur l'unification des régions sous leur contrôle dans le Nord syrien, un projet qui s'inscrit dans le cadre d'un modèle fédéral pour toute la Syrie, ont indiqué des responsables. Plus de 150 représentants de partis kurdes, arabes et assyriens se sont réunis hier à Rmeilane (Nord-Est) et devraient conclure leur rassemblement aujourd'hui par l'annonce de cette décision, selon un journaliste de l'AFP présent sur place. « Cette réunion doit (permettre de) développer un nouveau système de gouvernement pour le nord de la Syrie et les participants penchent pour le fédéralisme », a indiqué Sihanuk Dibo, consultant pour le principal parti politique kurde syrien (PYD). Selon un projet de déclaration consulté par l'AFP, les délégués affirment qu'« une fédération démocratique (est) la seule façon de garantir les droits de tous les individus ». Concrètement, cette décision élargira la zone d' « administration autonome » que les Kurdes syriens ont mise en place depuis le début du conflit. Elle ne constitue pas un premier pas vers l'indépendance, ont prévenu des responsables, mais elle doit servir de modèle au reste de la Syrie. Selon Mutlu Civiroglu, un expert basé à Washington interrogé par l'AFP, cette annonce kurde constitue un « message politique » adressé « aux Nations unies, aux États-Unis, à la Russie, et plus spécialement (aux négociateurs réunis) à Genève », pour les prévenir : « Si vous nous ignorez, nous allons déterminer nous-mêmes notre avenir. »
Sur le plan diplomatique, le secrétaire d'État américain John Kerry, qui doit aller la semaine prochaine à Moscou, s'est entretenu dans la soirée avec son homologue russe, Sergueï Lavrov, de la situation en Syrie et du « renforcement de la cessation des hostilités », imposée depuis le 27 février. Moscou a annoncé la poursuite de ses frappes contre des « objectifs terroristes ». Son aviation a ainsi frappé mardi Palmyre (centre), tenue par le groupe jihadiste État islamique (EI). Selon l'institut spécialisé IHS Jane's, basé à Londres, l'EI a perdu, entre le 1er janvier 2015 et le 14 mars 2016, 22 % du territoire qu'il contrôlait en Syrie et en Irak.
(Source : AFP)
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Et soixante minutes par jour, pour faire le Henné de sa chevelure !
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
04 h 51, le 18 mars 2016