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Liban - reportage

Trafic d’êtres humains entre la Syrie et le Liban : six jours pour le trajet Alep-Békaa

Des dizaines de Syriens originaires du sud-est du district d'Alep franchissent illégalement, chaque jour, la frontière libanaise. Les passeurs attendent la tombée de la nuit pour commencer ce trafic.

Depuis l'intensification des combats au sud-est d'Alep, des dizaines de familles arrivent chaque jour illégalement au Liban. Guidées par des passeurs, elles franchissent la montagne aride entre Jdeidet Yabous et Masnaa sans passer les postes-frontières libanais et syriens.

De nombreux transitaires qui travaillaient légalement à la frontière se sont reconvertis, avec la guerre en Syrie, en trafiquants de biens et d'êtres humains. Plus le passage légal au Liban est difficile, plus les prix qu'ils pratiquent augmentent, variant entre 100 et 200 dollars par personne.
Dans ce cadre, le gouvernement libanais a adopté depuis septembre 2014 une règlementation spécifique pour l'entrée des ressortissants syriens au Liban. Fermant ses frontières aux réfugiés, le Liban exige depuis plus d'un an une réservation d'hôtel, un contrat de location ou un contrat de travail ainsi que l’équivalent de 1 000 dollars pour chaque ressortissant syrien entrant dans le pays.

Le contrôle est strict. Les réservations d'hôtel sont vérifiées au poste-frontière et la durée du visa est exactement celle du nombre de nuits réservées à l'hôtel. Tous les jours, à Masnaa, une poignée de Syriens attendent des parents qu'ils n'ont pas vus depuis de longs mois, voire depuis quelques années. Ces proches, grâce à ce genre de visa touristique, séjourneront légalement au Liban.
Leurs retrouvailles sont émouvantes. Ils communiquent ensemble via WhatsApp. Les péripéties des personnes qui entrent au bureau de douane libanais sont retransmises en direct à leur famille grâce au téléphone portable et aux messages WhatsApp. Et le bonheur est visible sur le visage de tous les membres de la famille qui attendent dans un véhicule à la frontière libanaise que l'officier des douanes tamponne, dans son bureau de Masnaa, le passeport de leurs proches leur permettant d'entrer au Liban pour quelques jours ou un mois.
Ces personnes-là viennent de zones plus ou moins calmes de Syrie. Ceux qui fuient les combats et la mort ont un tout autre itinéraire.

(Lire aussi : Trois hommes racontent le cauchemar quotidien à Raqqa)

 

Partir sans bagages
Dans un camp de Fayda, aux alentours de Zahlé, Amal (22 ans), arrivée la veille au Liban avec son mari Mohammad, 30 ans, et ses trois enfants, âgés entre six et deux ans, raconte le cauchemar. La petite famille loge temporairement sous la tente de Sharif, le frère de Mohammad.
La famille est originaire de Ziara, au sud-est d'Alep. « Dès les premiers mois de la guerre, le village est tombé entre les mains des rebelles. Il n'y avait ni eau ni électricité. Tout avait renchéri. On avait du mal à acheter de la viande et d'autres produits de base considérés comme des produits de luxe. Nous avions décidé pourtant de rester au village. C'était encore plus ou moins viable. Mais en février dernier, la localité est devenue une ligne de démarcation. Une vraie. Mes beaux-parents – le père et la mère de Mohammad et de Sharif – sont partis vers une autre localité et nous avons décidé de venir au Liban », raconte Amal.

Pourquoi pas la Turquie ? « Sharif, mon beau-frère, est installé au Liban. Même si nous avons aussi de la famille en Turquie, il semble que la vie est plus facile au Liban. Ici au moins on parle la langue et mon mari, maçon, pourrait trouver facilement du travail », explique-t-elle.
Sharif a six enfants de deux femmes, dont l'une est morte durant la guerre en Syrie. La voiture qui la transportait pour se rendre auprès de ses parents avait été la cible d'une roquette au début de la guerre.
Sharif qui était routier, se rendant de Syrie, en Jordanie, en Turquie et au Liban, avait décidé d'arrêter son travail en 2012, une année après le début de la guerre en Syrie, et de se réfugier au Liban. En Syrie, il était obligé de verser de l'argent à chaque barrage pour sauver sa peau et il risquait en permanence un enlèvement contre rançon.

Amal parle de la route qu'elle a empruntée pour arriver au Liban. « Il nous a fallu six jours, de notre village au sud-est d'Alep, pour arriver dans la Békaa. Normalement, le trajet Alep-Beyrouth prend dix heures. Nous avons passé toutes sortes de barrages, ceux de l'armée syrienne et ses partisans, ceux d'islamistes, d'opposants... toutes sortes de barrages... Nous détournions certains en prenant des chemins plus longs. Nous nous arrêtions des heures pour attendre la fin des accrochages. Nous passions d'un véhicule à l'autre. Durant ces six jours, nous avons dormi dans des voitures. Il y avait d'autre familles sur la route de l'exode », dit-elle.
Amal, son mari et ses trois enfants sont partis sans bagages. Juste des couches pour le petit qui a un peu moins de deux ans. Sa mère le changeait en voiture.

(Pour mémoire : Un aller simple pour la Turquie depuis le port de Tripoli, avec l'Europe au bout du rêve)

 

« Marcher, marcher sans avoir le temps de souffler »
« Nous savions qu'il fallait partir léger, que nous avions un long chemin devant nous. Nous avons pris de l'argent, de quoi payer la route, nos papiers d'identité, un peu de linge propre et des couches pour mon benjamin. Tout le chemin était effrayant et difficile mais le plus éprouvant était de franchir à pied les montagnes séparant la Syrie du Liban », poursuit Amal.

« Il y avait des passeurs libanais et syriens. Ils nous attendaient au pied de la montagne en Syrie. Nous avons payé la traversée 500 dollars, soit 100 dollars par personne. Ils nous ont rassemblés par dizaines. Chaque groupe avait un guide. Il fallait partir à la tombée de la nuit pour que personne ne remarque notre mouvement. Ils (les trafiquants) nous ont dit que parfois l'armée libanaise tirait en direction des personnes qui prennent ce sentier. J'ai porté le plus petit dans mes bras. Mohammad, mon mari, a porté nos deux autres enfants. Il faisait obscur. Nous avons marché durant quatre heures au moins pour franchir la montagne et arriver au Liban. Il y avait d'autres familles avec nous. On savait aussi que d'autres nous suivront. Nous étions morts de fatigue, mais nous n'avions pas le choix. On ne pouvait pas s'arrêter pour prendre le temps de souffler. Il fallait marcher, marcher, continuer à marcher jusqu'à ce que nous arrivions à destination. Nous sommes arrivés au Liban vers minuit. Je n'avais plus aucune notion du temps. Je ne sentais plus mon corps. J'étais morte de fatigue. Nous avons appelé Sharif pour venir nous amener en voiture jusqu'à chez lui. »

Amal et sa famille passeront quelque temps chez Sharif avant de déménager sous une autre tente et commencer à s'adapter à leur vie au Liban. Comme beaucoup d'autres, ils vivront dans la misère en attendant le jour où le calme sera rétabli en Syrie pour rentrer dans leur pays.

 

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Toute cette misère imposée à des innocents...pour satisfaire les plans diaboliques des "Grands de ce monde" partout où ils sont: en Europe, aux USA, chez nous au Moyen et Proche Orient, quelle honte ! Irène Saïd

Irene Said

10 h 24, le 05 mars 2016

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Commentaires (2)

  • Toute cette misère imposée à des innocents...pour satisfaire les plans diaboliques des "Grands de ce monde" partout où ils sont: en Europe, aux USA, chez nous au Moyen et Proche Orient, quelle honte ! Irène Saïd

    Irene Said

    10 h 24, le 05 mars 2016

  • LE TURC ENCAISSE DE L,ARGENT DE L,U,E, POUR PRETENDUMENT LIMITER LE FLUX DES MIGRANTS VERS L,EUROPE... ALORS IL LES DIRIGE VERS LE LIBAN D,OU D,AUTRES TRAFIQUANTS S,OCCUPENT DE LEURS PROCURER DES DOCUMENTS SYRIENS ET DE LEURS AVENTURES ULYSSIENNES... AU PRIX D,OR... EN MER EGEE VERS LES ILES GRECQUES...

    MON CLAIR MOT A GEAGEA CENSURE

    05 h 53, le 05 mars 2016

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