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Liban - Réfugiés syriens

Elles élèvent seules leurs enfants dans l’attente d’un éventuel départ pour l’Europe

Des centaines de réfugiés syriens ont quitté le Liban pour demander l'asile en Europe. Une bonne majorité est partie sans femmes et enfants, attendant un regroupement familial qui se fera attendre.

Elles sont seules, elles s'occupent de leurs enfants, tentent de joindre les deux bouts, assument le regard de leur société et elles attendent... Des centaines de réfugiées syriennes au Liban sont responsables de leurs familles. Leurs maris sont partis en automne dernier en Europe, arrivant illégalement dans des pays d'accueil. Elles sont restées au Liban en attendant un regroupement familial qui se fait et se fera attendre. Deux d'entre elles, qui habitent des villages limitrophes de Halba, dans le Akkar, et dont les maris sont arrivés illégalement, via la Grèce, aux Pays-Bas, ont raconté leur histoire à L'Orient-Le Jour.

Wadad est originaire de la ville de Homs. Elle a 42 ans. Elle est mère de trois enfants, deux garçons et une fille, âgés entre 10 et 5 ans. Elle s'est réfugiée au Liban il y a trois ans.
« Mon mari travaillait dans une usine aux alentours de Homs. Avec la guerre, il ne pouvait plus rentrer en ville. Les routes n'étaient plus sûres. Homs aussi était devenue invivable. J'ai décidé de venir avec ma famille au Liban. Mes parents, mes frères et mes sœurs sont ici également. Mon mari m'a suivi plus tard. C'est à la mi-septembre 2015, encouragé par les images qui montraient l'accueil que l'Europe réservait aux réfugiés, qu'il a décidé de partir. Cela lui a coûté 6 000 dollars pour arriver jusqu'aux Pays-Bas. Il lui fallait un nouveau passeport, un billet d'avion pour la Turquie, de l'argent pour les passeurs, de l'argent pour légaliser sa présence au Liban et partir via l'aéroport de Beyrouth. Aujourd'hui, on peut arriver en Europe à 1 500 dollars », dit-elle. Notons que la grande majorité des réfugiés syriens arrivent illégalement au Liban. Il leur faut plusieurs centaines de dollars, dont 200 dollars pour une carte de séjour d'un an, pour légaliser leur présence au Liban.


(Pour mémoire : Un aller simple pour la Turquie depuis le port de Tripoli, avec l'Europe au bout du rêve)


La famille s'est endettée pour rassembler les 6 000 dollars. Wadad a même pris de l'argent du médecin chez qui elle travaillait. Jusqu'à présent, elle n'a rien pu rembourser. Et Wadad, qui communique au quotidien via WhatsApp avec son époux aux Pays-Bas, est sans emploi.
« Je m'endette auprès de l'épicerie, mes frères m'aident un peu, je cherche du travail », dit-elle, n'ayant jamais imaginé, avant la guerre en Syrie et son départ pour le Liban, qu'un jour elle serait obligée de travailler.
Wadad ne sait pas dans quelle région des Pays-Bas son mari habite et ignore aussi à quoi ressemble ce pays européen. Si son mari a opté pour la Hollande, c'est parce qu'il avait des amis qui étaient arrivés illégalement avant lui dans ce pays d'accueil. « Le nom de la localité est trop compliqué, je ne l'ai pas retenu. Moi mari habite dans un centre d'accueil pour réfugiés avec des camarades syriens. Il ne m'envoie pas des photos de paysages mais des images de son quotidien. Celles d'un plat syrien que les réfugiés ont cuisiné ensemble ou celle de la chambre qu'il partage avec ses camarades », relève-t-elle.
« C'est difficile de vivre seule avec des enfants. Je n'arrive pas à joindre les deux bouts. Je cherche un emploi et j'attends l'aide de mes frères. Je vis au jour le jour et je n'arrive pas à me projeter dans l'avenir », poursuit-elle.

Le cas de Soumaya
Soumaya, elle, a 29 ans. Elle a deux enfants, une fille âgée de 5 ans et un fils de trois ans et demi. Elle aussi est originaire de Homs et son mari est lui aussi parti aux Pays-Bas, la laissant seule à s'occuper des enfants. Son mari est dans la même situation que l'époux de Wadad, habitant un centre d'accueil pour réfugiés et attendant que sa demande d'asile soit acceptée.
Soumaya habite un appartement non loin de Halba. « J'ai beaucoup pleuré quand mon mari est parti, mais après j'ai réalisé que je n'avais pas le choix et que je devais assumer seule mes responsabilités. Regardez ces meubles, ils ne sont plus à moi. Je les ai vendus pour avoir de l'argent. Dans peu de temps leurs nouveaux propriétaires viendront les récupérer », dit-elle, montrant les canapés du salon.

(Lire aussi : Élisa Sednaoui dans les camps syriens : « On sent très fort le poids de la souffrance des enfants »)


« Il aurait fallu qu'on prenne tous la mer »
Soumaya, qui s'est mariée il y a sept ans, n'a jamais imaginé qu'elle vivrait un jour sans son mari. « C'est lui qui allait à l'épicerie, qui m'amenait avec les enfants chez le médecin. Je ne suis jamais sortie de chez moi sans lui. Mais que voulez-vous, la guerre vous oblige à vous adapter à toutes les situations », soupire-t-elle.
« Je n'ai pas fait d'études. Je ne peux pas travailler. J'ai toujours compté sur lui. Mais là, je suis obligée de trouver des solutions. Il y a une semaine, la famille de mon frère est venue s'installer avec moi. C'est mon frère qui paiera le loyer désormais. Ma fille est tombée très malade la semaine dernière. J'ai attendu jusqu'au matin pour l'amener au dispensaire. Je suis une femme ; il m'est impossible de sortir seule la nuit », ajoute-t-elle.

Soumaya n'arrive pas à se projeter dans l'avenir. « Mon mari connaît des Syriens installés aux Pays-Bas. Ils lui ont dit qu'il faudrait quelques semaines pour avoir une carte de séjour et légaliser sa situation. Cela fait cinq mois qu'on attend... Quand on a vu l'accueil que l'Europe a réservé aux réfugiés en septembre dernier, mon mari a vite décidé de partir. Nous avons rassemblé 6 000 dollars et il est parti. Nous avons voulu un meilleur avenir pour nos enfants. Maintenant, je ne sais pas quoi faire. Tous les jours, je me dis que nous aurions dû rassembler plus d'argent pour que je puisse quitter avec lui », dit-elle, notant qu'elle communique souvent avec lui par l'intermédiaire de WhatsApp.

La jeune mère, qui ne sait pas nager et qui aurait voulu traverser en pneumatique un bout de la Méditerranée, avoue qu'elle aurait mis, sans problème, sa vie et celle de ses enfants en danger pour rester avec son époux.
« Nous serions tous morts ou nous aurions tous survécu. Je n'arrive pas à imaginer que cette situation peut encore se prolonger durant de longs mois. Je ne parviens pas à me projeter dans l'avenir en pensant que je serai encore loin de mon époux », note-t-elle.
« Je déteste la guerre. Je rêve de vivre en paix, de retrouver mon mari, d'avoir une véritable vie de famille. Si mon mari est parti, c'est pour assurer un meilleur avenir à nos enfants. Là, je n'arrive plus à penser à demain et à ce qu'il me réserve comme mauvaises surprises », souligne-t-elle en conclusion.

 

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