« Cette guerre, si elle a lieu, signifiera la fin du Liban », a dit dimanche Samir Frangié, l'une des têtes pensantes de la Rencontre de Saydet el-Jabal, parlant de « la guerre civile qui opposerait musulmans sunnites et musulmans chiites non seulement au Liban, mais également dans le monde arabe ». En cette phase où l'on assiste chez nous et ailleurs à une montée aux extrêmes, cet avertissement devrait être religieusement écouté, c'est le cas de le dire, et la priorité absolue accordée à la paix civile.
Certes, nous sommes engagés dans un conflit aux dimensions régionales, et l'on se demande ce que les Libanais peuvent faire pour empêcher ce que Samir Frangié appelle « une descente aux enfers ». Sur le plan externe, il est vrai, le Liban n'a aucune prise sur les développements qui se produisent, bien au contraire, peut-on dire, puisque l'un des ses partis, le Hezbollah, est engagé dans la guerre aux côtés du régime syrien, contre la volonté du gouvernement libanais. Ainsi, le Liban subit-il à plus d'un titre le contrecoup de la crise régionale. La soudaine volte-face dans la politique étrangère de l'Arabie saoudite à notre égard ne doit pas être interprétée autrement. Cette volte-face n'a pas peu contribué à la dégradation du climat interne, l'exaspération des sentiments d'hostilité entre les deux grandes fractions musulmanes au Liban, sachant qu'elle a placé, hélas, amis et ennemis dans le même panier.
Selon un observateur proche du courant du Futur, qui reconnaît que le climat interne est « effrayant », l'Arabie saoudite a réagi à une hégémonie grandissante de l'Iran en Arabie saoudite et dans tous les États du Golfe. Elle redoute que les communautés chiites de ces pays ne se transforment en « fer de lance » d'une déstabilisation migrante qui gagnerait ces pays après avoir fait rage en Syrie et au Yémen.
Il y a bien une exception libanaise, reconnaît cette source, encore faut-il qu'on la protège. Mais la montée aux extrêmes de la communauté sunnite, conduite par un Saad Hariri contraint de renchérir sur les ultras de son camp, pour rasseoir une popularité affaiblie par son absence, n'y aide en rien. Pas plus que l'arrogance du Hezbollah qui, fort de ses armes et de son match nul de 2006 avec Israël, se moque de la justice locale et internationale, dont les médias flétrissent l'Arabie saoudite jour et nuit.
Que peut-on faire, pris entre ces deux géants régionaux ? On peut d'abord les appeler à la raison. À ce titre, les résultats des élections iraniennes sont une bonne nouvelle. On peut espérer en particulier qu'en Iran, la voix de la modération commence à couvrir celles des gardiens d'une « révolution islamique permanente » gagnée par la maladie du trotskysme, c'est-à-dire par l'obsession d'exporter la révolution à tout prix.
On peut aussi raisonner l'Arabie saoudite en faisant valoir à ses yeux l'exception libanaise, c'est-à-dire sa mosaïque multiculturelle et son délicat mode de fonctionnement, comme en lui expliquant que sa volte-face politique, diplomatique et économique à notre égard lui aliène gratuitement une partie de l'opinion qui continuait à compter sur elle pour faire contrepoids à l'influence iranienne, alors que son raidissement la précipite vers la guerre civile.
À ce titre, on ne peut que regretter que des personnalités de premier plan du courant du Futur aient décidé que le « dialogue » avec le Hezbollah n'a plus de raison d'être, comme on peut regretter que les deux forces disposent chacune d'une chaîne de télévision et de médias dont les effets sont dévastateurs sur leurs opinions respectives et mettent leurs partisans face à face. Heureusement que, dans chacune des communautés desquelles relèvent ces forces, il est encore des personnalités modérées.
C'est ainsi que l'uléma Ali Fadlallah, qui a succédé à son père, le grand ayatollah Mohammad Hussein Fadlallah, appelait hier à la réserve verbale et la modération, avec mention spéciale à l'injure religieuse, faisant valoir que, sur ce plan comme sur le plan militaire, la violence engendre la violence.
On apprenait aussi que, de leur côté, les deux secrétaires du Comité national pour le dialogue islamo-chrétien, Mohammad Sammak et Harès Chéhab, se sont rencontrés hier pour réfléchir à la possibilité d'une réponse commune à la montée aux extrêmes qui se produit. Il est question, entre autres mesures symboliques, de renforcer le courant modéré grâce à un sommet interreligieux qui se tiendrait dans un haut lieu musulman.
En tout état de cause, les chrétiens du Liban, qui ne sont pas directement impliqués dans le conflit entre l'Arabie saoudite et l'Iran, sont en bonne position pour jouer un rôle particulièrement actif dans l'apaisement d'un conflit qui, autrement, risque d'emporter avec lui le Liban. Les Églises chrétiennes, les députés, les ministres, les sages chrétiens et leurs pairs de toutes les communautés sauront-ils se montrer à la hauteur du défi et ramener aux dimensions du Liban, en le désamorçant, le choc des deux géants ?
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et personne ne voit que l'accord de Aoun a permis au Hez de tenir le Liban entre ses mains dire que les chretiens du Liban sont en bonne position pour jouer un rôle particulièrement actif dans l'apaisement d'un conflit qui, autrement, risque d'emporter avec lui le Liban est faux ieur division a cause cette situation et Aoun est particulierement responsible car il a permis a cette emprise du pays de se consolider Pauvre Chretiens , toujours divises pour la Chaise jusqu'au jour ou il n'y aura meme pas de Chaise a remplir
15 h 13, le 01 mars 2016