Voilà quelque temps déjà qu'il est devenu de bon ton au Liban de mettre tout le monde dans le même sac dès lors que l'on cherche à déterminer les responsabilités des crises, des problèmes, des impasses, des échecs et des catastrophes que connaît ce pays.
Le bourreau, la victime, l'assassin, le complice, l'acteur principal, le spectateur passif, l'arroseur, l'arrosé, le fou, le sage, le pourfendeur, le pourfendu... tous semblent également coupables aux yeux d'une frange de l'opinion publique non partisane gagnée par la lassitude et la... myopie.
Cela fait près de deux ans que l'on tente d'élire un président de la République. Trente-cinq séances ont été jusqu'ici prévues à cet effet à la Chambre. On a beau observer que ce sont toujours les mêmes qui s'absentent et les mêmes qui se présentent, ils sont de plus en plus nombreux à ne pas savoir qui bloque et qui ne bloque pas... ou en tout cas à faire semblant de ne pas savoir.
Voilà plus de quatre ans que le Liban officiel, du moins en partie, s'efforce par tous les moyens de se distancier de la guerre en Syrie et notamment de son aspect confessionnel. Dans cette perspective, un outil parfait – la déclaration de Baabda – est, dans un premier temps, mis au point et accepté par tout le monde, à une époque où les ingérences dans le conflit syrien à partir du Liban ne sont encore essentiellement que le fait de certains milieux islamistes sunnites. On sait que par la suite, le parrain iranien décrétera qu'il faut faire feu de tout bois pour venir au secours du régime syrien : qu'à cela ne tienne, l'un des signataires de la déclaration de Baabda se dédit, vire de 180 degrés et plonge publiquement dans le bain de sang syrien, foulant aux pieds avec le plus grand mépris cette notion d' « unité nationale » que l'un de ses amis, le locataire actuel du palais Bustros, ressert aujourd'hui à l'intention de ceux d'en face. Cela n'empêche guère de plus en plus de Libanais de se dire que, tout compte fait, pourquoi pas, cette entorse à la politique de distanciation aurait peut-être du bon.
Et à présent, la crise diplomatique libano-saoudienne. Les intérêts les plus évidents du Liban ont beau être sérieusement menacés, ils sont foule à ne voir dans toute cette guerre des axes livrée au-dessus de nos têtes qu'une sorte de concours de belles : « Non, l'Iran est mieux que l'Arabie, moins rétrograde »... Ou bien, dans l'autre sens : « Oui, l'Arabie est plus généreuse, moins agressive que l'Iran. »
Présenter des excuses ? Surtout pas ? S'aplatir? Ne pas s'aplatir ? Faux problème en réalité. Le défi, le vrai, n'est pas libano-saoudien, mais libano-libanais : il s'agit, sur ce dossier comme sur tous les autres, de déterminer comment les politiques sont fixées dans ce pays et qui doit en assumer la responsabilité. Or, du fait que la démocratie est en suspens, puisqu'on l'a remplacée par le « consensus », c'est du côté du rapport de force qu'il faut regarder. Et le rapport de force, au Liban, on sait où il se trouve.
Alors, que faire avec l'étranger ? Quémander de la compréhension ? Oui, mais de la compréhension pour quoi ? Pour les « particularités » du Liban, comme dirait le même locataire du palais Bustros. Et en l'occurrence, la particularité, c'est le Hezbollah.
Il est vrai que les particularités sont une richesse pour le pays du Cèdre... À condition que particularité rime avec normalité.
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Le bourreau, la victime, l'assassin, le complice, l'acteur principal, le spectateur passif, l'arroseur, l'arrosé, le fou, le sage,...
commentaires (7)
Peut être avons nous les hommes d'état que nous méritons...à l'image de tout un peuple qui vendrai père, mère, patrimoine nationale, fierté, ses enfants, son âme...pour des pétrodollars... Les libanais fuient à l'étranger par milliers et on les remplace par des palestiniens, des syriens, des irakiens... Petite anecdote, j'habite et travaille dans une ville du sud de la France dont vous n'avez jamais entendue parlé, et depuis 4 ans nous sommes 8 médecins libanais à nous y être installé...nos parents ne nous demandent même plus de rentrer tellement les perspectives d'avenir sont bouchées.
HADDAD Fouad
20 h 38, le 01 mars 2016