Chaque jour qui passe montre un peu plus que la colère saoudienne contre le Liban n'est pas un phénomène passager qui risque de se calmer au bout de quelque temps, les dirigeants saoudiens se découvrant soudain d'autres centres d'intérêt. Au sein du courant du Futur, cette colère est prise très au sérieux et embarrasse de plus en plus les cadres qui se demandent ce qu'ils doivent faire pour rentrer dans les bonnes grâces des dirigeants du royaume. Car il est clair pour tous que les premières victimes de cette colère sont les cadres et les grandes figures du courant du Futur. La presse saoudienne véhicule cette impression en multipliant les éditoriaux critiques à l'égard des alliés libanais des Saoudiens, accusés au mieux d'ingratitude, au pire d'incapacité. La presse saoudienne explique ainsi que ceux qui ont été nourris et encadrés par le royaume et ses bienfaits n'ont pas réussi à circonscrire l'influence du Hezbollah et donc de l'Iran, et se retrouvent désormais incapables d'imposer au gouvernement, qui est présidé par une figure du 14 Mars et dans lequel ce mouvement a la majorité des voix, un communiqué condamnant les agissements du Hezbollah et de l'Iran. Toutes les diatribes violentes contre le Hezbollah qui ont suivi la réunion gouvernementale de lundi ainsi que le défilé incessant des partisans du courant du Futur et de figures politiques du 14 Mars à l'ambassade saoudienne à Beyrouth en guise de solidarité avec le royaume n'ont pas apaisé la colère saoudienne. Au point qu'aujourd'hui, nul ne cherche plus à expliquer l'attitude saoudienne, mais plutôt à essayer d'en limiter les dégâts.
Se considérant comme le premier visé par cette attitude des dirigeants saoudiens, Saad Hariri essaie de gagner du temps. Il était rentré au Liban fort de « son initiative présidentielle », croyant pouvoir coincer le Hezbollah et le contraindre à accepter la candidature de Sleiman Frangié, le poussant ainsi à rompre son alliance avec le général Aoun et semant la discorde entre le Hezbollah et ses alliés chrétiens. Mais il s'est retrouvé avec un nouveau problème à régler : celui de l'attitude saoudienne, qui ne tient pas compte des intérêts des alliés du royaume, ni du plan de M. Hariri. D'abord, cette attitude saoudienne ne renforce pas la position de Saad Hariri au sein de son propre camp, où il est souvent débordé par les uns et les autres qui lui reprochent, d'une part, ses absences répétées et, d'autre part, le caractère peu offensif de ses déclarations, sans parler des fonds de plus en plus limités. Ensuite, les mesures de rétorsion saoudiennes touchent l'ensemble des Libanais et la situation économique du Liban. Ce qui affecte principalement la situation des partisans du courant du Futur qui attendaient le retour de Saad Hariri comme une providence. Enfin, les tiraillements au sein du courant du Futur entre, notamment, les ministres Achraf Rifi et Nouhad Machnouk font apparaître M. Hariri comme un chef incapable de mener ses troupes. Ce qui ne peut qu'affaiblir sa position sur la scène politique et face au Hezbollah. Ses proches ont eu beau tenter d'expliquer tout cela aux milieux proches de la famille royale saoudienne ainsi qu'à l'ambassadeur de Riyad à Beyrouth, en vain. Les décisions saoudiennes restent les mêmes, les dirigeants du royaume veulent des actes concrets contre le Hezbollah et contre l'Iran, et estiment qu'avec tout ce qu'ils ont donné à ce pays et à leurs alliés, il est temps que ces derniers réagissent.
Que peut dans ce cas faire le courant du Futur ? Pour l'instant, il s'agit de gesticulations rassurantes à l'égard du royaume et d'une multiplication des déclarations d'allégeance. Mais les milieux proches de ce courant reconnaissent que les options sont limitées. M. Hariri a certes entrepris une opération de mise en ordre de la communauté sunnite au Liban en faisant des ouvertures en direction de l'ancien Premier ministre Nagib Mikati – qu'il avait pourtant juré de « punir » après l'avoir accusé « de trahison » – et de l'ancien ministre Abdel Rahim Mrad. Mais cette démarche reste insuffisante à partir du moment où il est contesté au sein de son propre courant. M. Hariri cherche aussi à se présenter comme le chef de file de la tendance modérée après avoir clairement annoncé au Premier ministre Tammam Salam, qui avait essuyé de violentes critiques ces derniers jours, qu'il n'est pas question de pousser le gouvernement actuel à la démission, tout comme il a déclaré au président de la Chambre Nabih Berry qu'il n'est pas question de suspendre le dialogue noué avec le Hezbollah.
Mais à part ces deux attitudes, M. Hariri veut maintenir la pression sur le Hezbollah, dans l'espoir que le conflit reste dans ses limites acceptables, tout en apaisant les Saoudiens. Du côté du Hezbollah, il n'est pas question de procéder à une action quelconque qui serait de nature à mettre en danger la sécurité interne. Le Hezbollah est convaincu que toute déstabilisation sécuritaire le vise en premier, même si elle a des répercussions sur l'ensemble du pays. Tant que la confrontation reste dans le cadre politique, et même économique et financier, il ne se sent pas coincé, ni pressé, ses priorités étant ailleurs. Tout ce qu'il veut, c'est justement ne pas être contraint de modifier ces mêmes priorités...
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Chere Scarlett Il est surement un fait a prendre en compte . C est que que les grands cadres du courant de " l avenir incertain " sont des gars insatiables et que la nourriture saoudi qui leurs est desinee n est pas a la hauteur de leur gourmandise . Merci ma chere de rappeler a leurs bienfaiteurs ,devenus un tantinet avares par les temps qui courent , d agir au plus vite afin d apaiser leur appetit vorace . .
16 h 31, le 01 mars 2016