L'empressement de la Turquie à mettre en cause les milices kurdes de Syrie pour l'attentat à la voiture piégée meurtrier d'Ankara suscite questions et scepticisme, notamment de la part des États-Unis qui les soutiennent.
Quelques heures seulement ont suffi pour désigner un coupable. Dès jeudi matin, les autorités turques ont assuré que l'attaque avait été planifiée par les Unités de protection du peuple (YPG), avec le soutien logistique des rebelles du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK). Le chef du Parti de l'union démocratique (PYD), dont les YPG sont le bras armé, Saleh Muslim, a catégoriquement nié. Mais M. Erdogan a balayé ses dénégations d'un revers de main. « Qui était le kamikaze ? Bien sûr qu'il était des YPG, a-t-il insisté hier, nous n'avons aucun doute. » Un groupe kurde proche du PKK, les Faucons de la liberté du Kurdistan (TAK), a toutefois revendiqué hier soir avoir commis l'attentat d'Ankara en représailles à la mort de civils tués par l'armée turque lors de ses opérations contre les rebelles dans le sud-est du pays.
Le gouvernement islamo-conservateur de la Turquie a pointé du doigt les milices kurdes de Syrie au moment où son artillerie pilonne leurs positions en Syrie. Les YPG ont profité de l'offensive du régime de Damas et de son allié russe sur la ville d'Alep pour prendre le contrôle de nouveaux territoires non loin de la frontière de la Turquie.
La progression des combattants kurdes inquiète la Turquie à double titre. D'abord parce qu'elle menace de couper le cordon ombilical qui la relie aux rebelles syriens qu'elle soutient contre le président Bachar el-Assad.
Ensuite car elle risque de consacrer la toute-puissance kurde tout au long de sa frontière avec la Syrie. Dans ce contexte, la mise en cause des milices kurdes suscite de nombreuses questions.
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« Justification »
Selon un diplomate occidental, le ministère turc des Affaires étrangères n'a pas dévoilé de « preuve solide » d'une implication kurde dans l'attentat aux représentants des cinq pays membres du Conseil de sécurité de l'Onu qu'il avait invités jeudi. « Peut-être que c'est vrai, peut-être pas, ajoute-t-il, mais dans les deux cas ça justifie de bombarder les YPG en Syrie. » Washington a également exprimé ses doutes. Le porte-parole du département d'État américain, John Kirby, a déclaré jeudi ne pas être « en mesure de confirmer ou de démentir les affirmations du gouvernement turc ». « L'implication du PYD est très improbable », tranche Ege Seckin, analyste à IHS Country Risk. Elle « mettrait en péril sa capacité à contrôler les territoires qu'elle a récemment acquis » et « en danger le soutien qu'il reçoit des États-Unis », plaide-t-il. Les États-Unis soutiennent militairement les YPG, en première ligne du combat contre le groupe État islamique (EI). Une position qui suscite des tensions avec Ankara et que M. Erdogan a assimilée hier à de « l'obstination ».
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Mais le président turc a peu de chances de faire fléchir son allié américain. « L'attentat (d'Ankara) accroît les tensions entre les États-Unis et la Turquie », confirme Max Abrams, professeur à la Northeastern University de Boston. Mais Washington « n'a pas d'autre choix que de collaborer avec les YPG en Syrie car il n'existe pas d'autres forces crédibles sur le terrain », ajoute-t-il. Pour d'autres, les accusations turques permettent également à Ankara de promouvoir auprès de ses alliés l'idée d'une intervention au sol qui viserait non seulement les jihadistes, mais aussi les milices kurdes et le régime de Damas, sa bête noire. Les dirigeants turcs ont évoqué clairement ce scénario. « Une opération terrestre maintenant ! » a titré hier l'éditorial du très en cour quotidien Sabah.
Mais là encore, il y a peu de chances que les Américains, très réticents, donnent leur feu vert à l'entrée de troupes turques en Syrie, notamment pour éviter une confrontation avec la Russie qui soutient le régime de Damas. « La Turquie mène déjà une opération secrète en Syrie », note Nihat Ali Ozcan, du centre d'études Tepav d'Ankara, « et il n'est pas possible de la transformer en opération officielle sans le soutien de ses alliés, dont les États-Unis ».
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commentaires (4)
J'aime ce mot " crescendo ". Ca sonne comme une musique slave où on commence par des murmures et on finit par un emballement du type kazatchock .. ou bien plus proche de nous , une danse orientale où la danseuse commence par se tortiller lascive et finit par donner des coups de reins saccadés .. en général le turc succombe aux 2.
FRIK-A-FRAK
14 h 05, le 20 février 2016