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Moyen Orient et Monde - turquie

Qui est derrière l’attentat d’Ankara ?

Le président turc, Recep Tayyip Erdogan, en compagnie du chef d’état-major de l’armée turque, le général Hulusi Akar. Yasin Bulbul/Reuters/Presidential Palace/Handout via Reuters

L'attentat non revendiqué qui a fait 28 morts mercredi à Ankara, dans lequel la Turquie a immédiatement accusé la guérilla kurde, complique encore un peu plus la compréhension du conflit en Syrie voisine, où se croisent intérêts divergents et alliances parfois contre nature.

Le gouvernement turc accuse les Kurdes de Turquie du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) et les milices kurdes de Syrie d'être responsables de l'attentat d'Ankara, qui survient après plusieurs autres, non revendiqués. Les Kurdes nient toute responsabilité. Saura-t-on un jour la vérité ?
Deux hypothèses sont avancées : la responsabilité des Kurdes, en réponse aux bombardements turcs sur les positions kurdes de Syrie ; ou celle des jihadistes du groupe État islamique (EI) « que le pouvoir turc a cessé d'aider » à la demande des États-Unis, pour qui la priorité est de vaincre l'EI, explique Marc Pierini, ancien ambassadeur de l'Union européenne à Ankara et analyste à la fondation Carnegie Europe (Bruxelles).
« Il est évident qu'avec cet attentat, on démontre aux alliés (de la Turquie) qu'il est impossible de travailler avec les Kurdes », or c'est précisément ce que font les États-Unis, qui soutiennent les Kurdes de Syrie dans leur lutte contre l'EI, note Dorothée Schmid, de l'Institut français des relations internationales (Ifri).
Troisième hypothèse : l'attentat serait le fait de « l'État profond », les forces obscures plus ou moins proches du pouvoir ou des mouvements nationalistes, dont l'existence est régulièrement évoquée en Turquie.

Quels sont les objectifs poursuivis à long terme par la Turquie ?
« L'obsession absolue des Turcs » est d'éviter de voir les Kurdes de Syrie faire la jonction des deux zones qu'ils contrôlent dans le Nord, ce qui leur donnerait la quasi-totalité des 900 km de frontière entre la Syrie et la Turquie, explique Marc Pierini. C'est pour cette raison qu'ils bombardent les positions kurdes syriennes.
« On aurait alors un Kurdistan syrien de fait et les Turcs se verraient pris en étau, puisqu'ils font déjà face au PKK dans leur propre pays », ajoute-t-il.
Les Kurdes des deux côtés de la frontière sont déjà « unis par la personnalité du même leader historique, Abdullah Öcalan », note à ce propos le journaliste et analyste syrien Kadri Gürsel. Enfin, sur le long terme, la menace d'un « encerclement » kurde de la Turquie pourrait aussi venir de sa frontière est, puisque le principal dirigeant de la région autonome du Kurdistan irakien, Massoud Barzani, vient d'annoncer un référendum sur l'indépendance de la région.
Autre objectif du régime islamo-conservateur de Turquie, pays à majorité sunnite : faire tomber Bachar el-Assad, qui est soutenu par des alliés chiites – Iran et Hezbollah – et avoir son mot à dire sur l'avenir de la Syrie. « Erdogan pense que son pays doit être présent sur le terrain, sinon il ne sera pas présent à la table des négociations », note Kadri Gürsel.

Une confrontation est-elle possible entre la Turquie et la Russie ?
La Turquie évoque ouvertement l'éventualité d'une opération terrestre en Syrie, en particulier avec l'Arabie saoudite, qui soutient comme elle les mouvements rebelles dits « modérés ». Un tel engagement placerait ce pays membre de l'Otan dans une confrontation directe avec les forces russes.
Au-delà de cette menace, Ankara vient à nouveau de proposer la mise en place d'une « zone de sécurité » en territoire syrien.
Une telle zone tampon, destinée à accueillir les Syriens qui fuient la guerre et contenir les flux de réfugiés vers l'Europe ou la Turquie, présenterait surtout l'avantage, aux yeux des Turcs, d'empêcher les Kurdes d'occuper la totalité de la frontière nord de la Syrie, souligne Marc Pierini.
Mais cette idée n'est plus d'actualité, explique Kadri Gürsel, depuis que la Turquie a abattu un avion russe à la frontière turco-syrienne, fin novembre. Car la Russie tient désormais « de fait tout l'espace aérien » du nord de la Syrie (avec le déploiement de missiles sol-air S400 et de Tupolev 214R) et les relations des deux pays sont au plus mal. La Russie ne manquerait pas de riposter à d'éventuelles incursions turques dans cette zone, selon Marc Pierini.

L'attentat non revendiqué qui a fait 28 morts mercredi à Ankara, dans lequel la Turquie a immédiatement accusé la guérilla kurde, complique encore un peu plus la compréhension du conflit en Syrie voisine, où se croisent intérêts divergents et alliances parfois contre nature.
Le gouvernement turc accuse les Kurdes de Turquie du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) et les...

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