Les grandes puissances vont tenter jeudi de discuter d'une improbable solution au conflit syrien malgré la poursuite de l'implacable offensive du régime et de son allié russe qui a fait des centaines de morts et provoqué un exode massif.
Les principaux acteurs se retrouvent à Munich moins de deux semaines après la suspension de négociations initiées par l'Onu avec le régime et l'opposition. La reprise de ces pourparlers, prévue le 25 février, semble déjà compromise puisque l'opposition l'a conditionnée mercredi à une levée par le régime des sièges des villes tenues par les rebelles et l'arrêt des bombardements.
Entretemps, la Russie a fait face au Conseil de sécurité de l'Onu à des pressions de la France et la Grande-Bretagne pour cesser ses bombardements mais a une nouvelle fois rejeté les critiques occidentales.
Moscou a annoncé son intention de présenter des idées sur un éventuel cessez-le-feu à l'occasion de la réunion de Munich, sans toutefois donner de détails. Selon un responsable occidental cité par Reuters, la Russie aurait proposé d'observer un cessez-le-feu à partir du 1er mars, mais son offre n'a pas encore été acceptée.
Les pressions se sont accentuées dans le même temps sur la Turquie pour qu'elle ouvre sa frontière aux quelque 30.000 personnes ayant fui les zones de combat dans le nord de la Syrie. Ces civils, pour la plupart des femmes et des enfants, vivent dans des camps saturés à proximité du poste-frontière d'Oncupinar, fermé depuis des mois. Médecins sans frontières (MSF) a averti mercredi que le système de santé dans cette région, déjà dévasté, était "proche de l'effondrement".
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"Carnage et ruines"
La situation est "horrible" à Tall Rifaat, une ville rebelle au nord d'Alep de laquelle se rapprochent les forces du régime, a témoigné Abdel Karim Bahloul, un des très rares réfugiés ayant réussi à passer en Turquie.
"Les enfants meurent sous les bombardements, de faim et de froid. Les gens sont sur les routes et n'ont nulle part où aller (...) Il n'y a que sang, carnage et ruines", a-t-il ajouté.
MSF s'est dit particulièrement inquiet pour les "personnes les plus vulnérables (...) qui vivent en dehors des camps et qui n'ont reçu pratiquement aucune aide". "Toute escalade des combats va contribuer à aggraver la crise humanitaire dans la région", a mis en garde l'ONG, parlant notamment de risques de pneumonies.
Des camions venus de Turquie ont de nouveau traversé mercredi la frontière pour transporter de l'aide aux Syriens. Mais Ankara n'entend pas, pour le moment, ouvrir l'accès aux déplacés, affirmant accueillir déjà 2,7 millions de réfugiés syriens. "Nous laisserons entrer les Syriens qui souhaitent venir mais notre priorité est de bâtir un nouveau camp afin d'accueillir des Syriens sur le territoire syrien", a déclaré le Premier ministre Ahmet Davutoglu.
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500 morts en 10 jours
Sur le front, au nord de la ville d'Alep, les combats entre régime et rebelles faisaient rage dans la localité de Tamoura, selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).
Depuis le début de son offensive le 1er février, le régime a repris de nombreux secteurs et assiège les rebelles dans les quartiers Est d'Alep, faisant craindre pour le sort de quelque 350.000 civils.
Selon l'OSDH, qui dispose d'un large réseau de sources en Syrie, 506 personnes ont été tuées en 10 jours dans la province d'Alep. Parmi elles figurent 89 civils dont 23 enfants tués par les raids russes, a précisé l'ONG.
En poursuivant ses frappes, la Russie semble sourde aux appels à cesser le feu et dément que ses raids tuent des civils. Ces raids "favorisent directement" l'essor du groupe Etat islamique (EI), a dénoncé l'émissaire du président Barack Obama pour la coalition internationale antijihadiste, Brett McGurk. "La Russie et le régime visent délibérément l'opposition et par conséquent renforcent" l'EI, a également insisté Philip Hammond, le chef de la diplomatie britannique.
L'EI est présente dans l'est de la province d'Alep mais n'a pas pris part aux combats des derniers jours.
Au contraire des forces kurdes, actives dans les zones proches de la frontière, qui ont conquis des localités aux rebelles. Une délégation de Kurdes syriens a par ailleurs ouvert un bureau de représentation à Moscou, un choix symbolique à l'heure où le Kremlin cherche à les inclure dans les négociations de paix malgré l'opposition d'Ankara.
La Syrie est également au centre de la réunion à Bruxelles des ministres de la Défense de l'Otan qui "examinait" mercredi une demande d'aide émanant d'Ankara et de Berlin face à la crise migratoire, sous la forme d'une mission de surveillance maritime.
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commentaires (4)
Il fallait s'y attendre, avec des arriérés sauvages des deux bords pareils de tout poil ! On pensait quoi ? Qu'ils allaient faire une Salâââte-Prière tous ensemble ? !
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
17 h 46, le 10 février 2016