Que d'eau a coulé sous les ponts depuis la conférence de Genève 1 en juin 2012 sur la Syrie (qui s'était d'ailleurs tenue à Montreux) et celle de Genève 3 qui est en train de céder la place à un nouveau rendez-vous supposé être plus positif.
En juin 2012, l'ancien secrétaire général de l'Onu Kofi Annan venait d'être remplacé par Lakhdar Brahimi comme envoyé spécial de Ban Ki-moon chargé du dossier syrien. Hillary Clinton était encore secrétaire d'État et les États-Unis et leurs alliés pensaient alors pouvoir renverser le régime syrien et mettre à sa place l'opposition dite modérée qui s'appelait alors l'Armée syrienne libre en quelques mois. Le communiqué final publié à l'issue de cette conférence était un peu flou, par égard pour la Russie, mais il était pratiquement entendu que la chute de Bachar el-Assad était une question de mois.
À la conférence de Genève 2, en janvier 2014, la situation avait évolué. John Kerry avait remplacé Mme Clinton et Staffan de Mistura était sur le point de prendre le relais de Lakhdar Brahimi. Le régime syrien, lui, était encore en place. Il avait repris le contrôle de Qousseir (en juin 2013) et se préparait à la bataille du Qalamoun, à la frontière avec le Liban, même s'il avait aussi perdu du terrain dans certaines régions importantes du pays. L'opposition syrienne avait donc durci le ton et exigé une promesse ferme de départ du président syrien, en misant sur les préparatifs d'une vaste offensive militaire, par le Nord, avec la création de l'Armée du Fateh, et par le Sud, avec l'annonce de la très attendue « Tempête du Sud ». À la fin de la conférence de Genève 2, il avait certes été question d'un Genève 3, mais les milieux de l'opposition estimaient que ce rendez-vous pourrait très bien ne pas se tenir, puisque le régime était condamné à s'effondrer.
La conférence de Genève 3 a pourtant bel et bien eu lieu, mais les circonstances de sa tenue étaient totalement différentes des rencontres précédentes. Sur le plan de la forme, qui en dit long aussi sur le fond, la délégation de l'opposition syrienne était divisée en deux, une parrainée par l'Arabie saoudite et plus communément appelée « l'opposition de Riyad » et l'autre appuyée par les Russes, devenus entre-temps un acteur incontournable du dossier syrien.
La reconnaissance par l'Onu d'une autre opposition que celle parrainée par Riyad et Ankara est déjà un coup dur pour ces deux pays qui n'ont plus le monopole de la représentation de ce qu'ils appellent « le peuple syrien ». Sur le plan du fond, il était clair, même avant le début de la conférence, que le départ du président Assad ne sera pas discuté, puisqu'il s'agit désormais d'appliquer la résolution 2254 du Conseil de sécurité qui prévoit la formation d'un gouvernement regroupant les oppositions et le régime, avant d'entamer une période transitoire d'un an et demi à la fin de laquelle il devrait y avoir des élections législatives et présidentielle, auxquelles le président syrien pourrait participer.
Les pourparlers de Genève 3 étaient donc destinés à discuter de la forme, de la composition et des prérogatives du futur gouvernement, ainsi que du partage des portefeuilles. Pour « l'opposition de Riyad », la pilule était dure à avaler et elle a longtemps menacé de boycotter la conférence. Finalement, elle a dû se rendre à Genève, à cause des pressions américaines... L'exigence de régler les questions humanitaires a été donc rajoutée pour permettre à cette opposition de sauver la face, sachant que les deux (ou plus) camps qui se battent en Syrie ont chacun sa localité encerclée et ses exigences humanitaires, même si les médias occidentaux ne parlent que de Madaya, Maadamiyé et les autres bourgades encerclées par les forces du régime, sans un mot sur Kefraya et Fouaa par exemple. Relayée donc par les médias occidentaux et prosaoudiens, cette tentative de poser des conditions avant d'entreprendre un dialogue indirect avec la délégation du régime aurait pu continuer à servir de paravent... jusqu'à l'annonce de la levée du blocus sur les deux bourgades encerclées par les éléments armés depuis près de quatre ans, Nebbol et Zahra'. Cette annonce, sans doute soigneusement minutée par le régime et ses alliés, a eu l'effet d'un choc sur la délégation de Riyad qui ne pouvait plus accepter le dialogue même indirect, sachant que le régime avait, par cette percée spectaculaire sur le terrain, amélioré sa position dans les négociations. Il se rapproche ainsi d'Alep et se trouve à proximité d'Idleb.
Selon un observateur qui suit de près les négociations de Genève, celles-ci se déroulent à trois niveaux. Il y a d'abord les parrains, les États-Unis et la Russie, qui sont plus ou moins d'accord sur les grandes lignes et qui ont fixé le plafond des discussions, à travers la résolution 2254 du Conseil de sécurité. Il y a ensuite les pays intermédiaires, qui cherchent à se trouver un rôle, tantôt en rapprochant les points de vue et tantôt en prenant le parti de l'un ou de l'autre des camps (dans ce contexte, les récents contrats d'échanges entre la France et l'Iran ne seraient pas innocents pour modifier les positions de la France à l'égard de l'Iran et éventuellement sur le dossier syrien) et, enfin, il y a les acteurs régionaux qui se résument globalement à trois : l'Iran, d'une part, l'Arabie saoudite et la Turquie, de l'autre.
Or, selon l'observateur précité, c'est là que se trouve le problème. Aucun de ces trois pays n'est encore convaincu de la nécessité d'ouvrir la voie à un véritable dialogue politique, puisqu'ils continuent à miser sur les développements du terrain. Mais si l'on revoit l'évolution de la situation depuis mars 2011, il apparaît de plus en plus clairement que la dynamique est en faveur du régime et de ses alliés qui n'ont cessé au cours des cinq dernières années d'améliorer leur position dans les négociations...
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Panique histrionique chez les chïïtes et chez les nouSSaïrîs !
10 h 30, le 05 février 2016