À défaut d'aboutir à une élection présidentielle, l'initiative du leader du courant du Futur d'adouber la candidature du chef des Marada, Sleiman Frangié, à la présidence de la République a eu pour résultat de montrer la fragilité des alliances au sein de chaque camp. Entre Saad Hariri et le chef des Forces libanaises, Samir Geagea, rien ne va presque plus, et entre le chef du bloc du Changement et de la Réforme, Michel Aoun, et M. Frangié, le feu couve sous la cendre. Si, officiellement, le mutisme est de mise dans les deux camps, les partisans des uns et des autres expriment une grande amertume. Du côté des FL, les sympathisants ne cachent pas leur grande déception et mettent en avant le fait que M. Geagea a, à plusieurs reprises (notamment dans le cadre de la proposition de loi électorale dite orthodoxe qui avait été acceptée par les quatre pôles chrétiens à Bkerké, avant que M. Geagea ne change d'avis à la demande de Saad Hariri), montré sa loyauté à l'égard du courant du Futur et du 14 Mars en général, alors que M. Hariri n'a jamais raté une occasion de le lâcher ou de s'apprêter à le faire.
Les partisans du chef des FL rappellent ainsi comment Saad Hariri avait entrepris des contacts avec le général Michel Aoun sans en avertir Samir Geagea et avait même laissé entendre dans des déclarations de presse que la présentation du chef des FL comme le candidat du 14 Mars à la présidence n'a jamais été sérieuse et qu'elle était destinée à faire sauter celle du général Aoun. Cette fois-ci, les partisans de M. Geagea assurent que le projet d'élire Sleiman Frangié à la présidence ne passera pas, même si pour cela le patron des Forces libanaises se voit contraint de se rendre en Arabie saoudite et de tenter d'en convaincre directement les autorités de ce pays. Pour ces partisans FL, l'accession de Sleiman Frangié à la présidence est inacceptable pour plusieurs raisons. D'abord du fait de la persistance du contentieux personnel entre les deux parties, qui n'a jamais été réglé en dépit de l'annonce par M. Frangié qu'il a tourné la page du passé ; ensuite parce que tous les deux sont originaires du Liban-Nord, et que si le chef des Marada était élu président, il pourrait élargir sa popularité à l'ensemble du Liban-Nord et mettre ainsi en danger la propre assise populaire de Samir Geagea. Sans parler aussi des approches et des positions différentes sur presque la totalité des sujets conflictuels, et notamment la politique étrangère et la situation régionale. Pour toutes ces raisons, le clivage est désormais évident entre les alliés au sein du 14 Mars, et il faudra beaucoup de patience pour recoller les morceaux de l'alliance éparpillée.
La situation est certes meilleure entre le 8 Mars et son allié, le Courant patriotique libre, et les conflits restent plus ou moins contrôlés, mais les divergences sont néanmoins profondes. La dernière rencontre entre Michel Aoun et Sleiman Frangié en est la preuve. D'abord, elle a tardé à avoir lieu, alors que l'initiative de Saad Hariri aurait normalement dû provoquer une rencontre immédiate entre les deux hommes. De plus, au bout d'une heure de discussion, chacun des deux hommes est resté sur ses positions, le général Aoun estimant qu'il a encore toutes ses chances d'être élu à la présidence et le chef des Marada considérant que sa propre candidature est une occasion qu'il ne faut pas laisser filer. Pour M. Frangié, si le général devait être élu, il l'aurait déjà été, et au bout d'un an et demi de vacance, il est normal d'explorer d'autres possibilités, à condition qu'elles s'inscrivent dans la même ligne politique. Bien entendu, pour le député de Zghorta, Michel Aoun continue d'avoir la priorité, mais il faudrait aussi mettre en place d'autres perspectives, sachant que rien n'indique que la situation peut évoluer rapidement. Tout comme Sleiman Frangié affirme se sentir représenté par Michel Aoun, il estime qu'il représente aussi ce dernier, tous deux étant liés par une même vision politique, régionale et internationale.
À son interlocuteur, il a ainsi expliqué qu'il ne cherchait pas à prendre sa place, mais à assurer la place au camp auquel il appartient au cas où le général ne pourrait pas, pour une raison ou une autre, accéder à la présidence. Il ne s'agit donc nullement pour lui d'accepter d'éventuelles conditions posées par Saad Hariri, ni de brader les droits des chrétiens ou ceux du camp du 8 Mars.
M. Frangié a aussi expliqué qu'il n'a jamais été question pour lui de prendre des engagements au sujet de la nouvelle loi électorale ou de la présidence du Conseil pour les six prochaines années à venir, comme cela a été dit. Il considère qu'il fait partie d'une large alliance et, par conséquent, toutes ses décisions seront prises en concertation avec ses alliés.
La rencontre de mercredi entre les deux hommes a donc été l'occasion de s'expliquer en toute franchise, sans toutefois déboucher sur une position commune. MM. Aoun et Frangié se sont seulement entendus pour ne rien dire avant que le chef du courant du Futur officialise la candidature de Frangié. Ce n'est qu'à ce moment-là que les discussions sérieuses pourront commencer. Pourquoi, dans ce cas, discuter ouvertement d'une proposition qui n'a pas encore été rendue réellement publique ? Ainsi, le général Aoun et M. Frangié ont rejeté la balle dans le camp du courant du Futur et du 14 Mars, qui semble lui aussi devoir prendre son temps pour annoncer ses options. La surprise de l'annonce passée, chaque camp procède désormais à ses estimations, un œil sur l'intérieur et l'autre sur les développements régionaux et internationaux.
LE MALHEUR C'EST QUE L'HERCULE LIBANAIS... DONT LES MEMBRES SONT COMPOSÉS DE MAINTS ACCESSOIRES... NE PEUT OU NE RISQUE PAS DE METTRRE UNE FIN À LA MASCARADE QUI DÉSINTÈGRE LE PAYS !!!
13 h 48, le 11 décembre 2015