Aujourd'hui, des millions de parents anxieux guettent les premiers symptômes d'une transformation chez leurs enfants, espérant que quelque chose ou quelqu'un éveillera leurs facultés endormies et donnera à leur vie une direction et un but. Là est le mystère. L'éveil de l'âme ne peut pas se faire par force. Il correspond, biologiquement, au moment où le corps atteint sa maturité. Mais c'est aussi une manifestation spirituelle semblable au vent qui « souffle où il veut ». En lisant un jour la Sainte Écriture, un adolescent non encore parvenu à la maturité se transforma en homme sachant ce qu'il voulait. Il avait trouvé son destin dans l'écriture de poèmes pieux. Un événement de ce genre, chargé d'imprévisibles conséquences, précède chez nous tous les plus belles années de notre vie.
Il est regrettable que des expressions religieuses telles que « conversion » et « vocation » aient pris, dans la pensée populaire, un sens exclusivement technique. Rien dans l'existence humaine ne les dépasse en importance. Un adhérent à la Croix-Rouge libanaise trouva par hasard, il y a dix ans, une brochure relative aux activités de cette association de bienfaisance. Sans doute n'exprima-t-il pas ce qu'il ressentit mais il fut, dans toute l'acception du terme, « converti » par cette lecture. Jusqu'à aujourd'hui, sa vie est vouée à la Croix-Rouge au risque et péril de sa vie lorsque des situations délicates et difficiles se présentent.
Divers stimulants peuvent préparer cet éveil, l'amour par exemple, ou tout bonnement l'occasion favorable, comme dans le cas de ce jeune docteur en médecine fraîchement diplômé, en croisière de plaisance à Madagascar. Lors d'une visite dans un centre hospitalier, il soigna un millier de malades qui étaient venus le trouver pour un check-up. À cette rencontre fortuite avec les affres de la maladie, celle-ci eut une influence déterminante sur sa vie, il intégra deux ans après I'ONG Médecins sans frontières.
L'éveil de l'âme se produit en général au cours de l'adolescence. Mais on l'observe parfois chez les adultes : devenir secrétaire de direction, professeur, employé de banque, prêtre. Il s'accompagne alors d'un bouleversement si profond qu'il semble à peine croyable. Mais en général ni l'amour, ni l'occasion favorable, ni l'aiguillon de la difficulté, ni même l'impulsion donnée par un tiers ne produisent l'effet le plus profond et le plus durable. Rien ne transforme un individu comme ce bouleversement de l'âme que provoque une foi religieuse puissante. Tel saint Paul, sur le chemin de Damas, transformé à ce point qu'il « aima » désormais ce qu'il avait « haï » par le passé, saint Augustin présent seul dans une église eut une voix intérieure qui lui disait : « Prends et lis... ! » au sujet d'un évangile ouvert devant son banc il le prit entre les mains pour le lire et la grâce de Dieu le toucha lorsqu'il poursuivit sa lecture, des mots qui l'engagèrent dans une vocation sacerdotale dans la voie de Dieu longtemps reniée. Il devint docteur de l'Église : de telles circonstances furent des tournants non seulement dans la vie de ceux qui les éprouvèrent, mais aussi dans la destinée de l'humanité.
Dans le monde actuel, la possibilité d'une transformation spirituelle est d'une importance primordiale. Si nous ne voulons pas être anéantis par nous-mêmes, nous devons tous élever notre âme du cynisme à la foi, de la haine à la bonne volonté, de l'égoïsme à la conscience sociale. Nulle organisation politique, si indispensable soit-elle, ne peut suffire à nous sauver. Seule une renaissance spirituelle est capable d'engendrer de grands chefs et de donner à la conscience publique ce qu'il faut pour les soutenir. Cette renaissance se produit toujours au-dedans de l'individu. La transformation qu'elle suppose, confirmée également par les psychologues, l'histoire et la religion, est, pour chacun de nous, un espoir et un aiguillon.
Sylvain THOMAS
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