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Économie - Liban - Rapport

La Banque mondiale s’attaque à la gouvernance née de Taëf

Pour l'institution internationale, l'élite qui a contrôlé le pouvoir à la faveur du système confessionnel n'a aucun intérêt à entreprendre les réformes nécessaires au bon fonctionnement du pays.

Déjà fortement ébranlées par la guerre civile, les institutions publiques n’ont fait que s’affaiblir depuis la dernière décennie, selon la Banque mondiale. Crédit photo : LuisaLeal Photography/Big Stock

Alors que l'activité montre de plus en plus des signes d'essoufflement, « le système de gouvernance du Liban durant la période d'après-guerre civile s'est détérioré au point que l'État n'a plus la capacité de décemment servir le pays et ses citoyens », constate la Banque mondiale (BM) dans un dossier spécial de son dernier rapport sur l'économie libanaise. « Cette inaptitude est illustrée par l'inefficacité ou la vacance au niveau de la tête des trois postes les plus élevés de la fonction publique et surtout par le blocage de l'élection présidentielle », poursuivent ses auteurs.

Captation du pouvoir
Les institutions publiques, déjà fortement ébranlées par la guerre civile, n'ont fait que s'affaiblir avec le manque de réformes législatives. Le rapport rappelle ainsi que les indicateurs de bonne gouvernance de la BM, déjà très bas en 2005, ont connu un déclin substantiel depuis : qu'il s'agisse de l'indice du contrôle de la corruption – passé de -0,5 en 2005 à -0,9 en 2013 –, de celui du règne de la loi – passé de -0,3 en 2005 à -0,8 en 2013 – ou de celui de la perception de la corruption, en baisse de 4 points, à 27 %, entre
2005 et 2014.
La BM relève notamment que la gestion des marchés publics s'appuie « sur une loi obsolète et incomplète datant de 1963 qui ne régule pas tous les aspects du secteur ». Les fonctionnaires, majoritairement recrutés sur des bases confessionnelles, « ont recours en priorité à leurs contacts personnels lorsqu'il s'agit de délivrer des autorisations de création d'entreprises privées ». À titre d'exemple, le versement de pots-de-vin pour obtenir un contrat est plus répandu au Liban que dans le reste de la zone Mena. Résultat, selon une enquête citée par la BM : « Seulement 28 % des fonds publics à destination des pauvres leur parviennent, tandis que le reste est directement empoché par les fonctionnaires, leurs supérieurs ou leurs familles. » « Selon les estimations, la corruption coûte entre 3 et 7 % du PIB par an », précise à L'Orient-Le-Jour Jad Chaaban, professeur d'économie à l'Université américaine de Beyrouth, dont les travaux ont été repris dans le rapport.
Pour les experts de la BM, cet état de délabrement tire son origine dans « le système confessionnel né des accords de Taëf et la captation du pouvoir par une élite qui en tire profit et n'a donc aucun intérêt à réformer le fonctionnement du secteur public ». « Bien que les accords (de Taëf) avaient pour but affiché d'abolir le confessionnalisme politique, (...) ce système est toujours d'actualité 25 ans plus tard du fait d'une application sélective de ces accords. » Ce « confessionnalisme institutionnalisé » – dont le coût annuel est estimé à 9 % du PIB par la BM, qui cite un calcul de M. Chabaan – a contribué à l'émergence d'une nouvelle classe dirigeante dominée par d'anciens seigneurs de guerre, miliciens et oligarques qui se partagent les ressources du pays. « La plupart des dirigeants politiques sont issus ou reliés à des secteurs économiques de poids, tel le secteur bancaire, l'immobilier ou l'import-export de pétrole », résume M. Chaaban.

Sonnette d'alarme
Résultat, le classement du Liban est systématiquement inférieur à la moyenne de la zone Mena en termes de distribution de services publics tels que l'eau potable, les services de santé de base et les transports, à l'exception de l'éducation, où le pays est classé à égalité avec la région. Le rapport pointe notamment le système judiciaire, « corrompu, inefficace et injuste », qui est classé 138e sur 144 pays en matière d'indépendance selon les critères du Forum économique mondial. Des dysfonctionnements qui induisent des coûts en plus pour les entreprises. « Faire respecter un contrat, par exemple, nécessite 37 procédures, prend 700 jours et coûte 30,8 % de la plainte », détaille la BM.
Naturellement, les experts s'attardent aussi sur la crise des déchets qui « expose, d'une manière très visible et odorante, la faillite cumulative de la gouvernance d'après-guerre » Une crise également révélatrice du manque de ressources des collectivités locales, notamment du fait que l'essentiel de leurs revenus proviennent de transferts du gouvernement.
Et le rapport de conclure en tirant la sonnette d'alarme : « Cette situation ne peut durer sans avoir d'importantes répercussions négatives. Sans d'importantes réformes politiques et économiques, il est à craindre que les troubles socio-économiques ne s'accentuent. »

 

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IL FAUT UN BON DÉBARRAS POUR QUE LE PAYS REPRENNE SOUFFLE !

LA LIBRE EXPRESSION

08 h 09, le 30 novembre 2015

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Commentaires (1)

  • IL FAUT UN BON DÉBARRAS POUR QUE LE PAYS REPRENNE SOUFFLE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    08 h 09, le 30 novembre 2015

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