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Économie - Liban - Interview

Paralysie politique : le Liban peut perdre des centaines de millions de dollars

Le prêt octroyé par la Banque mondiale pour financer le barrage de Bisri doit être ratifié par les députés d'ici à ce soir. Si elle n'accordait pas un nouveau délai, ce projet pourrait, comme tant d'autres, tomber à l'eau. Une situation qui indigne le directeur de l'institution pour la zone Mena, Farid Belhaj.

Farid Belhaj, directeur de la Banque mondiale pour la zone Mena.

Vous tirez depuis plusieurs mois la sonnette d'alarme sur la nécessité de ratifier le prêt de financement du projet de barrage de Bisri, qui arrive aujourd'hui à échéance. Que représente ce projet pour le pays ?

Ce prêt de 474 millions de dollars (sur les 617 millions de dollars que coûte le projet du barrage de Bisri) est le plus important accordé par la Banque mondiale au Liban. Adopté par le conseil d'administration en septembre dernier, ce prêt a été signé en janvier par le gouvernement et été approuvé par toutes les commissions parlementaires qui l'ont transmis au vote des députés la dernière semaine de mai. Mais comme le Parlement ne légifère plus depuis octobre en l'absence de consensus sur l'élection d'un président de la République, ce financement risque d'être annulé.
Une fois achevé, le barrage doit profiter à 1,6 million d'habitants de Beyrouth et du Mont-Liban, et notamment aux demi-million de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté. Et le pays risque aussi de passer à côté de l'effet multiplicateur du projet sur la demande locale : qu'il s'agisse des occasions de création d'emplois pendant les cinq ans de construction ou de l'aménagement des territoires concernés...

 

Le Liban pourrait déposer aujourd'hui une demande de prolongation du délai de ratification de ce prêt. Cette procédure est-elle courante ?
Si le Liban en fait la requête, le conseil d'administration à Washington décidera s'il faut y répondre favorablement. Certains pays ont recours à cette procédure suite à des complications techniques. Ils peuvent déposer jusqu'à deux demandes consécutives d'extension pour des cas de force majeure, or l'absence de volonté du personnel politique peut difficilement être considérée comme telle...
Cela est d'autant plus incompréhensible que sur ce projet, notre représentation avait demandé des garanties à toutes les forces politiques afin de convaincre le siège à Washington de s'engager dans un projet de si grande envergure. De nombreux responsables de la Banque mondiale étaient sceptiques compte tenu du passif du pays sur d'autres projets de bien moindre importance. La classe politique libanaise leur a donné raison...

 

Quels sont les autres prêts menacés par la paralysie législative ?
Un prêt de 5,2 millions de dollars finançant un programme d'assistance technique au ministère des Finances doit être approuvé d'ici à demain ; puis, courant août, le Parlement devra également ratifier un accord de prêt de 6,4 millions de dollars finançant un projet de développement de l'écosystème Internet mobile.
Au total, le Liban risque de perdre presque la moitié des 1,1 milliard de dollars de prêts que lui a consentis la Banque mondiale alors que ces projets ont tous été approuvés par l'exécutif comme par les commissions parlementaires et qu'il suffirait d'une demi-journée de session extraordinaire du Parlement pour les adopter tous. Les Libanais attendent la réalisation de ces projets parce qu'ils peuvent changer leur quotidien, et pendant ce temps, les autorités tergiversent et entravent le développement économique du pays pour des problèmes de gouvernance.

 

Alors que Beyrouth sollicite un effort financier plus important de la communauté internationale pour l'aider à surmonter les retombées de la crise syrienne, cette léthargie institutionnelle affecte-t-elle sa crédibilité ?
Il y a 2 ans, nous avons estimé l'impact de la crise syrienne sur le Liban à 7,5 milliards de dollars. Et si la contribution de la communauté internationale est très certainement insuffisante par rapport à l'effort colossal fourni par le pays en termes d'accueil des réfugiés, celui-ci ne donne aucun signe montrant qu'il peut gérer davantage d'aides. Trois projets financés à hauteur de 57 millions de dollars par le fonds multibailleurs sur la crise syrienne ont été lancés il y a quatre mois et n'avaient même pas besoin de ratification parlementaire, simplement de décrets du Conseil des ministres. Même pour des dons, il faut attendre plusieurs mois que le gouvernement agisse !
Cette absence de priorité accordée aux questions économiques envoie un message très négatif : pendant que le Liban demande aux bailleurs d'attendre qu'il règle ses problèmes politiques, ceux-ci sont tentés de regarder ailleurs... Il est donc urgent de séparer les querelles politiques des enjeux économiques ou de développement, et de prouver la capacité du pays à traduire les financements en actions.

 

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