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Économie - Conjoncture

Pour la Banque mondiale, la paralysie politique menace toujours l’économie libanaise

Dans son dernier rapport sur l'économie du pays, l'institution anticipe une faible croissance portée notamment par la chute des prix du pétrole et une relative accalmie sécuritaire. Elle s'inquiète néanmoins des effets à moyen terme de la détérioration continue de la gouvernance institutionnelle.

La présentation du dernier rapport semestriel de la Banque mondiale à l’Université américaine de Beyrouth. Photo : S.R.

« Les conditions actuelles ne sont pas viables, et sans réformes économiques et politiques importantes, une crise socio-économique croissante n'est pas inconcevable. » Tel est le sombre constat dressé par la dernière édition du rapport semestriel de la Banque mondiale (BM) sur l'économie libanaise présenté hier lors d'une conférence à l'Université américaine de Beyrouth, en présence de plusieurs économistes.

Pour les experts de la BM, plusieurs facteurs continuent de peser sur l'activité économique. D'abord, un système de gouvernance politique et institutionnelle qui s'est détérioré « au point que l'État n'a plus la capacité d'assurer les services publics de base », résume Jana Harb, économiste à la BM, qui mentionne notamment la faiblesse continue de l'approvisionnement en électricité et en eau ou la récente crise des déchets. Ensuite, les conséquences de la guerre en Syrie qui, outre les risques permanents d'instabilité sécuritaire, s'est traduite par la présence massive de réfugiés, soutenant la demande mais exerçant des pressions sur le marché du travail non qualifié.

« Reprise modeste »
Cependant, la BM note « une reprise modeste de l'activité » qui s'appuie notamment sur l'impact positif de l'amélioration des conditions de sécurité au premier semestre. « L'une des bonnes surprises a été la hausse de 16,6% du nombre de touristes sur les huit premiers mois de 2015 », relève Wissam Haraké, économiste à la BM. Il mentionne également la bonne santé de certains secteurs périphériques, dont le secteur pharmaceutique qui a enregistré une croissance de 18,2 % de ses exportations.

Enfin, la demande bénéficie notamment de la présence des réfugiés syriens ; d'une amélioration de la confiance des consommateurs ; et de la croissance – fût-ce à un rythme moindre – du crédit bancaire, dans le contexte du plan de relance de la Banque centrale (BDL), qui a injecté 1 milliard de dollars en prêts subventionnés. Côté financier, la BM observe que le secteur bancaire est toujours « liquide, profitable et bien régulé» mais continue de s'inquiéter de la hausse de 1,1 point – à 58,4 % fin août – de son taux d'exposition à la dette souveraine.

Autre moteur traditionnel de l'économie, l'immobilier a lui « agi comme un frein à la croissance dans la mesure où les permis de construction et les livraisons de ciment ont diminué respectivement de 18,8% et de 16,7 % au cours des sept premiers mois de 2015 », note le rapport. Cela, alors que ce secteur reste le premier bénéficiaire des plans de relance de la BDL.

L'économie libanaise a aussi largement bénéficié de la baisse des prix du pétrole qui, conjuguée à celle du prix des matières premières et la dépréciation de l'euro, « s'est traduite par une importante contraction des importations, alors que la diminution des exportations de biens liées à la fermeture de la frontière syro-jordanienne devrait être plus que compensée par la hausse des exportations de services », résume M. Haraké. Selon la BM, ces facteurs devraient entraîner une baisse de 5 points de pourcentage du déficit du compte courant à 21% du PIB. Pour financer ce déficit, « le Liban reste structurellement et lourdement dépendant des entrées de capitaux », note le rapport qui estime qu'elles devraient baisser d'environ 20 % en 2015.


(Lire aussi : La crise accentue les divergences entre l’économie et la finance, selon Bank Audi)

 

« L'inaction ramène le Liban en arrière »
La baisse des prix du pétrole et des matières premières accentue également la décélération de l'inflation, qui devrait, selon la BM, baisser d'un point à 0,2 %, un plus bas depuis plus d'une décennie. La baisse des prix du pétrole a également contribué – via la baisse des transferts vers Électricité du Liban – à contenir le déficit public, qui devrait augmenter de 0,6 point à 7,2 % du PIB. « Une légère hausse qui s'explique par l'absence de recettes ponctuelles, comme le transfert au Trésor des revenus des télécoms non perçus par les municipalités en 2014 », note M. Haraké. « En toute illégalité ! », rappelle l'ancien ministre des Télécoms Charbel Nahas. Le solde budgétaire primaire (hors service de la dette) devrait, lui, rester excédentaire.

Compte tenu de l'ensemble de ces facteurs, la BM maintient sa dernière prévision de la croissance à 2 % en 2015. « Mais avec la hausse de la population résidente due aux réfugiés, cela traduit en réalité une baisse significative du pouvoir d'achat par tête et pose donc la question du creusement des inégalités », observe M. Nahas. Pour la Banque mondiale, les principaux motifs d'inquiétude pour l'économie reposent d'abord sur l'évolution de la situation régionale et de ses implications sécuritaires dans le pays ; la faiblesse structurelle des finances publiques libanaises en l'absence de réformes ; et l'accentuation des contraintes pesant sur la politique monétaire de la BDL, dans un contexte de hausse de l'endettement des ménages et de hausse attendue des taux d'intérêt américains.

Mais le défi le plus fondamental à relever reste encore celui de la gouvernance – auquel le rapport dédie un « focus » – dans un contexte de dégradation continue des services publics et des infrastructures, de généralisation du népotisme et de la corruption, et de paralysie des institutions. « L'inaction politique n'est pas juste un frein au développement du Liban, elle le ramène en arrière», conclut ainsi l'organisation internationale.

 

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commentaires (1)

ELLE MENACE L'EXISTENCE MÊME DU PAYS ET LE DEVENIR DE TOUS LES LIBANAIS !!!

LA LIBRE EXPRESSION

09 h 57, le 19 novembre 2015

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Commentaires (1)

  • ELLE MENACE L'EXISTENCE MÊME DU PAYS ET LE DEVENIR DE TOUS LES LIBANAIS !!!

    LA LIBRE EXPRESSION

    09 h 57, le 19 novembre 2015

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