Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Commentaire

L’Autorité palestinienne « ne pourra maintenir son unité »

Mouïne al-Taher, figure du mouvement national palestinien, chef militaire de la brigade estudiantine du Fateh et ex-membre du conseil de la révolution, commente ce qu'il estime être l'échec de la stratégie poursuivie par l'Autorité palestinienne depuis 25 ans, et le choix inéluctable auquel elle est confrontée.

Mohammad Nimr, un Palestinien de 37 ans, abattu par les forces de sécurité israéliennes après une tentative d’attaque au couteau, est transporté à l’hôpital de Jérusalem-Est. AFP PHOTO / GALI TIBBON

En Cisjordanie hier, un jeune Palestinien a été abattu pour avoir tenté de poignarder un policier israélien à un poste de contrôle. Quelques heures plus tôt, deux attaques au couteau par des adolescents de 12 et 14 ans, dans un quartier de colonisation de Jérusalem-Est, ont blessé un agent de sécurité israélien du tramway. Un troisième Palestinien a été tué après une attaque contre « des gardes de sécurité à l'entrée de la Vieille Ville ».


Cette chronique d'une violence quotidienne reflète les évolutions profondes d'une nouvelle génération de Palestiniens née dans l'ère post-Oslo, héritière d'un passé tissé de misère et de brutalité, et d'une hypothèque sur l'avenir de la nation. L'impuissance révélée de l'Autorité palestinienne, la fin du temps des illusions sur un appareil d'État dont l'inaction politique a conduit à la dégradation des conditions d'existence de la société palestinienne sont autant de raisons qui expliquent le caractère spontané et juvénile du soulèvement. Les reconnaissances symboliques obtenues par le chef de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas avec l'adhésion de la Palestine à l'Unesco et son admission en tant qu'État observateur non-membre de l'Onu n'ont pas suffi à neutraliser les velléités de révolte. La contradiction dans laquelle s'est enferrée l'Autorité a alimenté les frustrations. Malgré l'impasse de la coopération sécuritaire avec Israël et ses conséquences tangibles, Mahmoud Abbas ne semble pas encore prêt à assumer la responsabilité d'une rupture avec Tel-Aviv. Or, selon Mouïne al-Taher, chef militaire de la brigade estudiantine du Fateh, ex-membre du conseil de la révolution, et contributeur à la revue d'études palestinienne, l'inaction de l'Autorité Palestinienne (AP) risque de s'avérer politiquement très coûteuse.

 

(Lire aussi : La diplomatie « kerfuffle » de Bibi n'a rien pu changer)

 

Tournant stratégique
Il rappelle que l'AP a entretenu pendant 25 ans l'illusion d'une solution prochaine par voie négociée. Face à l'intensification de la colonisation et au passage de 150 000 à 750 000 colons en Cisjordanie depuis la signature des accords d'Oslo, qui compromettaient irrémédiablement toute relance du processus de paix, à la stratégie d'asphyxie de la société par le contrôle des moindres aspects du quotidien des Palestiniens, l' « Autorité a passé son temps à discuter de détails avec la partie israélienne en perdant de vue l'enjeu central : l'illégitimité et l'illégalité de l'occupation, des colonies, qui tendent à rendre impraticable la solution de création d'un État palestinien viable ». Or, en réaction, la nouvelle génération a choisi la voie du soulèvement pour exprimer le refus des compromissions et place l'Autorité devant la nécessité d'opérer des révisions déchirantes.


« La restructuration des services de sécurité palestiniens dans le cadre du plan Dayton a conduit à une coopération renforcée de l'AP dans tous les domaines qui l'a transformée en sous-traitant pour une occupation à un moindre coût, et cette situation ne peut plus durer aujourd'hui. Dimanche M. Abbas dans un entretien à la presse égyptienne, et quelques jours plus tôt dans une interview donnée à la chaîne israélienne Canal 10, a affirmé que la coopération sécuritaire avec Israël était maintenue pour l'instant mais qu'il devrait reconsidérer l'utilité d'une telle coopération pour l'avenir ». M. al-Taher rappelle que le Conseil central palestinien (la plus haute autorité de l'OLP) avait pris, il y a plus d'un an, la décision de rompre cette coopération, mais que celle-ci n'a pas été concrétisée jusque-là. Or, un changement pourrait intervenir dans la mesure où cette coopération ne trouve plus de justification dans un contexte où la stratégie négociée a échoué, et que plus rien ne légitime l'action répressive de l'appareil d'État palestinien.
« L'Autorité dans la nouvelle phase à venir sera contrainte de se prononcer en faveur de la lutte du peuple palestinien et de l'intifada. Je suppose que dans cette perspective, elle ne pourra pas maintenir son unité. Le risque est celui de sa désintégration avec toutes les conséquences que cela entraînerait » explique-t-il.

 

(Pour mémoire : Majed Bamya à « L'OLJ » : « L'Autorité palestinienne n'est pas là pour assurer la sécurité de l'occupant »)

 

L'unique solution
Selon Mouïne al-Taher, la fin de l'Autorité palestinienne et la menace de l'effondrement économique et du vide politique est néanmoins à relativiser, dans la mesure où cette configuration encouragerait la mise en place de mécanismes de substitution économique et ouvrirait la voie à de nouvelles perspectives de recomposition du champ politique.
« Durant l'intifada, les modes de consommation capitaliste s'effacent au profit d'autres formes d'économie de résistance. Au cours de la deuxième intifada, des dizaines de milliers de travailleurs ont perdu leur emploi en Israël, mais nous avons trouvé des alternatives populaires pour faire face à cette situation. »
Le responsable palestinien rappelle que si de nombreux cadres des organisations politiques palestiniennes ont été intégrés aux institutions et services de l'AP, il n'en est pas de même pour les bases sociales et organisationnelles des partis qui, aujourd'hui, prennent part au soulèvement. Selon lui, ce nouveau contexte peut être une opportunité historique pour une réconciliation nationale palestinienne entre les différentes organisations sur la base d'un programme visant à imposer un retrait inconditionnel et total de l'occupation. Il pourrait également favoriser l'émergence de nouveaux acteurs sur la scène politique palestinienne dont le rôle dans la lutte contre l'occupation leur conférerait une légitimité populaire.


« Je suis aujourd'hui optimiste, nous avons accepté le principe de la voie négociée et de la paix en réalité depuis 1974 lorsque l'OLP a abandonné son projet d'État palestinien démocratique sur la Palestine historique et accepté celui d'un État palestinien sur les frontières de juin 1967. Vingt-cinq ans après Oslo, c'est celle de l'intifada qui est choisie pour réaliser l'objectif de retrait total et inconditionnel de l'occupation. Il faut que l'intifada s'étende sur toute la Palestine historique avec un soutien massif des Palestiniens de la diaspora et des peuples arabes, avec un mouvement de boycott et d'isolement politique et diplomatique d'Israël comparable à celui qui s'est développé contre l'Afrique du Sud au temps de l'apartheid. Si ces trois conditions sont réunies, elles pourraient avoir des effets déstabilisateurs sur Israël et lui imposer de retirer ses forces d'occupation, et se soumettre aux résolutions internationales. Je ne crois pas qu'il y ait d'autre alternative », conclut Mouïne al-Taher.

 

 

 

Pour mémoire
Une vidéo de l'interrogatoire d'un assaillant présumé Palestinien suscite la controverse

L’histoire se répète : nouveau forcing US pour faire baisser les tensions

Netanyahu a manqué plusieurs occasions de réparer les relations avec Washington, selon Rivlin 

Jérusalem, bombe à retardement religieuse

 

En Cisjordanie hier, un jeune Palestinien a été abattu pour avoir tenté de poignarder un policier israélien à un poste de contrôle. Quelques heures plus tôt, deux attaques au couteau par des adolescents de 12 et 14 ans, dans un quartier de colonisation de Jérusalem-Est, ont blessé un agent de sécurité israélien du tramway. Un troisième Palestinien a été tué après une attaque...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut