La symbolique couverture de l’ouvrage.
Dans les sillons du traumatisme, le titre du dernier ouvrage de Yolande Gueutcherian, psychanalyste, publié aux éditions Vie, amène l'image du sentier sinueux et long, aux multiples embranchements, qu'emprunte l'individu pour dépasser son trauma.
« Confronté inlassablement à la mort psychique et à la destructivité qu'il tente de combattre vainement, poussé à recommencer jour après jour cette lutte pour ne pas sombrer, à gérer une détresse à nulle autre pareille, me semble être le destin singulier de la personne traumatisée », écrit l'auteure dans le chapitre premier.
Ce diagnostic se rapproche d'une description générique de toute vie, prise dans le sens d'éternelle aspiration à un idéal... Tout lecteur peut s'identifier, de manière ou d'une autre, aux troubles générés par le traumatisme, dont Yolande Gueutcherian décrit des aspects différents au fil des cinq chapitres de son ouvrage, qui est une compilation de ses articles publiés dans des revues scientifiques.
Traumatismes transgénérationnels
Après une définition accessible, efficace et globale du traumatisme, elle décrit les différentes formes de l'aide aux personnes traumatisées (chapitre un). Ce sont ensuite différents contextes traumatisants qui sont évoqués, avec à l'appui des exemples de témoignages d'analysants rapportés par l'auteure dans le respect de l'anonymat.
Une importance est accordée au cas particulier des « traumatismes transgénérationnels »: le chapitre 2 décrit le périple psychique d'une femme libanaise d'origine arménienne portant les stigmates du génocide de 1915 qu'elle n'a pas vécu. Elle apprendra à surmonter le deuil collectif qui a dissous son individualité, en même temps qu'il l'a pénétrée « par effraction ».
La guerre est omniprésente. La guerre civile libanaise y est longuement évoquée : au chapitre 3, l'auteure revient en détail sur une partie de son expérience propre de la guerre libanaise et s'essaie à une analyse de son vécu et de celui de son entourage. La thématique de l'abri y est exploitée.
Réappropriation
Porteur d'un intérêt certain pour la psychanalyse, cet exercice initie une sorte de réappropriation du travail de mémoire au moyen de cette discipline. Le psychiatre y remplit un double rôle : celui de témoin de la guerre civile, dont il rapporte des détails au service de l'histoire orale, nécessaire et toujours insuffisant au Liban ; et celui d'analyste qui contribue au vaste chantier – encore inaccompli – de la réconciliation.
L'ouvrage ne manque pas d'ailleurs d'évoquer la maltraitance – ce thème cher à Yolande Gueutcherian –, pour qui les abus, physiques et moraux, sont « un meurtre d'enfants ».
Tout lecteur, qu'il soit ou non victime d'abus, peut trouver dans ces lignes les échos de sa propre souffrance, nul ne pouvant fuir la violence, émanant à des degrés variables, des rapports à l'autre. L'ouvrage est marquant en ce sens qu'il incite son lecteur à briser le silence autour de certains tabous, afin de briser le cercle vicieux de « l'éternel recommencement » des personnes traumatisées.
L'auteure évoque une « prison psychique », où se cloîtrent les victimes d'abus sexuels. C'est un autre silence qu'elle percera dans le dernier chapitre de son ouvrage : celui qui entoure « le passage à l'acte entre un analyste homme et des analysantes ». Deux cas de « séduction traumatique » sont décrits à travers les discours parallèles de deux patientes qui se sont confiées à l'auteure.
L'ouvrage fera l'objet d'une table ronde aujourd'hui, à 15 heures, au Salon du livre. L'actualité du trauma au Liban, de 1975 à 2015, sera ainsi débattue par Yolande Gueutcherian, Mona Charabati, psychanalyste, et notre collègue Sandra Noujeim. Le débat sera suivi de la signature de l'ouvrage au stand de la libraire Le Point.
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